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Mot de passe oublié ?Au royaume de la confusion, l’artiste anglais Banksy est dans son élément. Lui dont on ne connaît pas le visage mais dont les graffs ont construit une renommée mondiale, lui qui ne signe pas ses œuvres mais dont la cote ne cesse de grimper sur le marché de l’art, lui qui étale le cynisme et l’ironie de nos sociétés à coups de bombes de peinture, n’en finit pas de faire le buzz et d’occuper l’espace. Spécialement là où on ne l’attend pas.
Du doux baiser de ses deux bobbies à Londres à son Steve Jobs émergeant avec sa valise au milieu d’un camp de migrants, le street-artiste a des envies de grandeur. Après avoir installé en août 2015 dans la campagne anglaise un éphémère parc d’attraction Dismaland, parodie cauchemardesque de Disneyland, il réapparaît en mars 2017 à Bethléem, dans un hôtel trois étoiles avec vue sur le mur de Cisjordanie. Une initiative désarmante.
A 500 mètres du checkpoint. La bâtisse, dont il a financé la réhabilitation et conçu la décoration, est située dans un quartier réputé touristique, à 500 mètres du checkpoint de Jérusalem et à un mile du centre de Bethléem. S’attendant à ce que l’on croit à une plaisanterie, il coupe court dans les FAQ de son site, devenu la plateforme commerciale de l’hôtel "Walled Off" (coupé par le mur). On y trouve la question : « Is it a joke ? » et cette réponse : « Pas du tout. Il s’agit d’un authentique hôtel arty avec tous les équipements nécessaires et une offre limitée de parking. Géré par la communauté locale, nous assurons un accueil chaleureux à chacun, venant de tous les côtés du conflit et du monde entier ».
L’idée est d’ouvrir l’hôtel pendant l’année qui marque le centenaire de la main mise sur la Palestine par les Britanniques dans un endroit qui « est le centre de l’univers » où l’on mange d’excellents falafels, comme il est indiqué sur le site.
Des chambres ciblées. D’un style inimitable, l’hôtel propose plusieurs catégories de chambres. L’Artist est agrémentée d’œuvres d’art réalisées par le Britannique Banksy, le Palestinien Sami Musa et la Canadienne Dominique Petrin. La Scenic offre les meilleures vues sur le mur. La Budget, très économique, est un dortoir aménagé à l’instar d’une baraque militaire israélienne. La Presidential, une suite pouvant être occupée par six personnes, avec de multiples équipements qui vont d’œuvres d’art originales au home cinéma et au jardin sur le toit. Le piano bar est une autre curiosité de l’endroit qui ressuscite un décorum colonial (référence à l’histoire de la Grande-Bretagne) bousculé par quelques détails ironiques, comme les deux caméras de surveillance accrochées au mur en guise de trophées de chasse ou les peintures à l’huile faussement vandalisées. Enfin, comme un encouragement, la boutique mettra en vente des bombes aérosol à l’intention des visiteurs désireux d’exercer leur talent sur le mur.
Les réservations seront possibles à partir du 11 mars. À cette date, le musée de l’hôtel, consacré à l’histoire du mur, et sa galerie d’art, dédiée à des expositions d’artistes émergents, seront ouverts à la curiosité des non-résidents, chaque jour de 11h à 19h30 et le piano-bar, de 11h à 22h. L’hôtel, inauguré par un concert donné le 4 mars par Ramzi Shomali et le so british Elton John, programmera des soirées musicales. La prochaine, le 13 mars, sera assurée par le Dj britannique Fatboy Slim.
L’hôtel sera également doté d’un espace d’expositions pour sa collection, composée d’œuvres d’artistes palestiniens de ces vingt dernières années, notamment des peintures de Sliman Mansour.
L’initiative de Banksy a l’audace de mettre devant les yeux du public, au sens littéral ici, un mur de séparation qui, depuis des années, est le théâtre d’un conflit qui a fait des milliers de victimes. Nous saurons plus tard si on y dort en toute sérénité.