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Mot de passe oublié ?Le musée des Confluences, qui s'élève dans ce nouveau quartier de Lyon situé au sud de la presqu'île que forme la Saône en rejoignant le Rhône, est un musée original. Il fouille sans frontière dans la culture humaine, exposant tantôt l'histoire de la danse contemporaine, tantôt la vie et l'influence des insectes. Sa curiosité n'a pas de limite comme le prouve la très belle exposition consacrée à Corto Maltese, personnage culte des bandes dessinées de l'italien Hugo Pratt. En terme de confluence, on ne pouvait rêver mieux que ce personnage qui révolutionna la bande dessinée dans les années 70 à 90. Un personnage pour les adultes, mais pour les ados également, séducteur et séduit, moral et malhonnête, jamais ici et jamais là.
C'est dans une salle de projection en fin d'exposition que le visiteur pourra tout apprendre d'Ugo Prat grâce à l'excellent film d'Arte. Comment il est né dans une famille paternelle de fascistes convaincus. Comment il est attiré par la culture de sa mère juive. Comment son père l'amena avec lui conquérir l'Ethiopie, le fit policier de l'armée mussolinienne à l'âge de treize ans avant qu'il ne meure prisonnier des Britanniques. Comment, âgé de quinze ans et revenu dans sa Venise d'enfance, il mutila le pied d'une comtesse afin de ne pas devenir podologue comme son grand-père. Et ce n'est qu'un début, tant la vie d'Ugo Prat qui se mit à signer Hugo Pratt sans raison autre que la beauté du dessin, est emplie d'aventures, de découvertes, de passions et de mystères.
Héros et antihéros de légende. On sait l'importance que Corto Maltese, apparu en 1967 dans La Ballade de la mer salée, la première bande dessinée signée pour le scénario comme pour le dessin par Hugo Pratt, a joué dans l'histoire de la BD réservé jusqu'alors au jeune public avec ce que cela impliquait au niveau de "l'édification de la jeunesse" et de sa "moralisation" (voir notre article De Spirou à Corto). On connaît moins la genèse artistique de l'œuvre et de son héros qui en vient si souvent à se confondre à son auteur. À cet égard aussi, l'exposition est remarquable, montrant l'influence revendiquée du dessinateur américain Milton Caniff par des juxtapositions des planches des deux dessinateurs, et l'admiration en retour du maître pour l'élève.
La scénographie de l'exposition est encore une réussite. Outre les informations sur la genèse, l'importance des nombreuses aquarelles montrées, la bibliographie du dessinateur, elle nous fait immédiatement plonger dans un univers de fantasmes et de rêves par ses agrandissements sublimes des cartouches de BD agrémentés des objets mêmes du rêve, visage immense d'une statue revisité de l'Île de Pâques, chère à Hugo Pratt, pirogue amazonienne, masques et boucliers africains, scaphandre des années 30, jonque asiatique, coiffe et sabre chinois. Et puis bien sûr, surtout, un très grand nombre d'aquarelles dans lesquelles passent le génie de l'auteur, décédé en 1995.
Hugo Pratt, ligne d'horizons. Exposition au Musée des Confluences de Lyon du 7 avril 2018 au 24 mars 2019.