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Mot de passe oublié ?Lille Métropole poursuit son chemin de capitale, après avoir été capitale européenne de la culture en 2000, la voici désignée par la World Design Organization Capitale mondiale du design 2020. Une nomination qui engage la métropole à intégrer le design comme outil de développement du territoire. Début mars, l’événement en est aux prémices mais déjà, du Tri Postal à la maison Folie Moulins, on perçoit le grand écart qui caractérise le design. Tout au long de cette année, à partir d’avril, Lille va dérouler le tapis à cette discipline si mal connue. Singulièrement mouvante d’innovations avant-gardistes inspirées à la fois par l’observation de nos comportements et des perspectives futuristes guidées par des conceptions du mieux vivre. Et qui enchevêtre les champs du social et de l’esthétique.
Le Big Data lisible par le design. Au Tri Postal, l’humain, l’animal et l’environnement sont réduits à l’état de codes. C’est ce qu’on appelle la Data, ce déluge de données d’instants de vie collectées de part et d’autre. Mais, alors qu’à l’état brut, les chiffres et signes s’alignent et se déversent sur un fond noir, Ces modes d’entrée et d’affichage des données, inaccessibles à la plupart d’entre nous, sont ici rendus lisibles, informatives et même séduisantes grâce à l’intervention du designer. Il réalise la performance de transformer l’accumulation de codes abscons en formes graphiques originales et parlantes au plus grand nombre. C’est ce que souligne 1, 2, 3 Data en quelques écrans, informatifs ou interactifs. Ainsi, les déplacements dans la métropole lilloise se mesurent, de rue en rue, d’une ligne de transport à une autre, et affichent leur nombre en temps réel. L’Autrichien Herwig Scherabon s’est intéressé aux données des revenus que fournissent les foyers pour mettre en forme et donner une visibilité aux grandes disparités. Les statistiques de revenus recueillis à Los Angeles, Chicago, Paris, forment d’éloquentes cartographies, autant d’étranges dessins qu’on dirait sortis d’un atelier d’architecture. Mais, loin de projets de construction, il s’agit là d’une forme concrète, réelle, d’une ségrégation sociale. Sur un autre écran, ce sont les espèces menacées, répertoriées à travers le globe, que le projet Earth Insights a rendu repérables par un point vert sur lequel, en cliquant, est visualisé l’espèce animale, ses origines et sa situation actuelle. Chacun des onze projets de designers sélectionnés par David Bihanic pour cette première exposition de l'événement capitale, décèle les avantages et les opportunités que recouvrent ces pléthores d’octets, rendant compte d’un état des lieux dont la lecture est visible et compréhensible de tous. Un foisonnement qui peut inquiéter autant qu’il alerte par se pertinence sur des situations parfois alarmantes. " Le phénomène du « big data » a profondément modifié notre quotidien, explique Laurence Lamy, déléguée générale de la Fondation groupe EDF, à l 'origine de cette première exposition lilloise. Ses développements sont exponentiels, ses applications multiples,
et la question de sa régulation sature l’actualité. La multiplication et l’accumulation des données sont génératrices d’autant d’opportunités que de dangers potentiels. Les enjeux sont débattus entre scientifiques, économistes et politiques et ne sont pas toujours accessibles au profane. Avec ce détour artistique, la Fondation groupe EDF souhaite enrichir la réflexion sur ces enjeux et participer à leur vulgarisation."
Acteur de son espace. Dans un autre quartier de Lille, au sein d’une ancienne brasserie transformée en Maison Folie, le visiteur est emmené loin du numérique, au plus profond de lui-même, par le collectif Graphites. Composé de trois femmes, deux architectes et une plasticienne, le collectif développe depuis 2011 des collaborations en proposant à l’usager de la ville, enfant, adulte, de devenir "acteur de son espace". S'appuyant sur des éléments tangibles et reconnaissables d'un environnement immédiat, du paysage à l'habitat, la proposition invite à passer d’une réalité subie à une expérience scandée en trois temporalités. Le premier mot d’ordre est : Regarde. Autour de soi dans la pièce, à travers portes et fenêtres, les vues du quartier, observer des photos de toitures prises dans la ville. les trois créatrices se sont penchées sur l’architecture de Lille, ses paysages, pour en extirper des formes répétitives, du toit d’usine à la génoise art déco, qu’elles ont tracées au crayon sur une feuille de papier. Un geste simple, essentiel pourtant pour appréhender le passé d’une ville et y inscrire un nouveau vocabulaire. Prendre une photo d’un toit c’est aussi arrêter son œil sur un détail qui happe l’intérêt, nourrit l’imaginaire. Puis Expérimente, en marquant sur un plan de ville installé au sol les lieux où on se rencontre, où on joue, etc, une façon d’imaginer les circulations, de colorer de sentiments des lieux de passage. Manipule enfin, propose de créer des formes géométriques qui, inspirées d’un espace architecturé, deviennent les esquisses à la fabrication d’un mobilier simple, modulable, reproductible. Le collectif Graphites intervient depuis plusieurs années à la demande de lieux institutionnels, en dernier lieu Le Louvre-Lens dont le mobilier de l'espace Ressources du musée, créé en février dernier, est signé du collectif. En résidence artistique à Lille, Graphites inscrit sa démarche illustrative dans la réflexion autour de Lille Métropole Capitale du design en 2020 auprès des plus jeunes. En œuvrant avec les élèves, de la maternelle au lycée, le collectif invite la future génération à s'imprégner des formes urbaines qui l'environnent pour exprimer et concevoir des formes de mobilier qui en découlent.
Deux expositions opposées pour dire nos vies. La première qui rend compte d’une beauté abstraite, numérique de nos vies, issue d’un design industriel de la communication, et fabriquée à notre insu. La seconde qui ramène à nos sens, à notre conscience, à notre capacité à faire, à nous projeter, pour inventer un design appliqué à notre environnement et à notre habitat.