Et si on partait ! L’injonction de voyager qui, il y a quelques mois encore, semblait facile, possible, a pris un tout autre sens depuis la pandémie de Covid-19. Toutefois les rêves sont permis, et le numérique est une ressource pour partager des lieux devenus inaccessibles. Ainsi, alors qu’en cette année 2020 la ville de Parme est ville créative UNESCO de la gastronomie et capitale culturelle italienne, en savoir plus s’impose. C’est l’intérêt de la visioconférence organisée mi-septembre par la Chambre de Commerce italienne pour la France de Marseille depuis la cuisine Parma Gastronomy Hub. Elle réunissait Elisabetta Rastelli, guide touristique, le chef Massimo Spigaroli, Président Fondation Unesco « Parma City of Gastronomy », Marta Confente, cheffe de l’Ecole de cuisine internationale Alma de Colorno et Matteo Bersellini, chef « Parma Quality Restaurants ». Son originalité était de proposer trois parcours œnogastronomiques au cœur de la province d’Emilie-Romagne, commentés par chaque intervenant et agrémentés de recettes typiques de la région.

Culture et gastronomie étroitement imbriquées. Célèbre pour son baptistère recouvert du marbre rose de Vérone, pour sa cathédrale décorée de fresques, Parme a été fondée en -183 av J.-C. et l’agro-alimentaire a forgé l'histoire de la ville. Visiter ses monuments, en examiner les détails, dans l’architecture, les tableaux, fresques et sculptures, c’est revenir aux sources de sa tradition agricole, en particulier céréalière, viticole, et d’élevage porcin. En témoignent les personnages qui se détachent des niches du baptistère depuis 1200 : l’un moissonne le blé à la serpe, un autre est en train de vendanger, un boucher prépare les salami. En façade de la cathédrale, un arc de pierre porte les représentations des mois. Ils sont là encore symbolisés par des personnages sculptés qui accomplissent les travaux agricoles.

C’est dans la ville natale de Giuseppe Verdi et de Paganini, que Pietro Barilla installa en 1877 sa première boulangerie. On y fabriquait le pain et les pâtes alimentaires. Le virage vers l’industrie fut pris dès 1910 par ses deux fils, qui lui succédèrent. Devenu le premier exportateur mondial, le nom Barilla, évocateur de la pasta, sèche mais de qualité, a envahi les rayons de pâtes des magasins de la planète. L'usine est l'un des fleurons de Parme.

Une ancienne sucrerie de la ville a elle été transformée en auditorium Paganini par « l'architecte sans frontières » Renzo Piano, né à Parme lui aussi. Si l’acoustique du bâtiment permet d’accueillir le meilleur de la musique, comme des concerts du festival Verdi en octobre, c’est également depuis 2017 le siège des événements du guide Michelin, organe de distinction des meilleures institutions culinaires. C’est là aussi que se déroule le championnat mondial de la pizza.

En 2018, un autre événement est né… dans la rue. C’est l’extraordinaire Cena dei mille. Il faut imaginer la longue table nappée de blanc et dressée pour le dîner gastronomique de mille personnes, occupant la via della Reppublica le temps d’une soirée. L’événement signe la rentrée de septembre à Parme, et la solidarité des Italiens puisque le produit de la vente des places est intégralement reversé à l’association Emporio di Parma, qui distribue de la nourriture et de l’aide aux familles les plus démunies. En ce XXIe siècle, la gastronomie est plus ancrée que jamais dans la ville, à la fois porteuse de valeurs, de développement économique et d’innovation.

Les saveurs ont leurs musées. Du fait de la mondialisation, les produits de la province de Parme envahissent l’Europe et le monde de leurs AOP et AOC. La préservation des richesses de la nature, le maintien de traditions agricoles malgré le chant des sirènes de l’agro-industrie ont porté leur fruit. La valorisation du produit « naturel », sa diversité, dans des sites où sont privilégiés la culture et l’élevage ancestraux, a contribué à former le palais des Italiens, reconnaissant aujourd'hui des producteurs d'avoir tenu bon et ainsi préserver à la fois le goût et la santé des consommateurs. À l’heure où les pays d’Europe tentent difficilement de corriger les errements agricoles, l’Italie a plusieurs coudées d’avance. Parme affiche son savoir-faire et ses valeurs dans des musées qui peuvent étonner : musée du Prosciutto di Parma, apprécié pour sa douceur, musée des pâtes, de la tomate, du lait, musée du Culatello, musée du Parmiggiano-Reggiano. L’ancienne ferme bénédictine de Giarola en est un symbole fort en abritant le musée des pâtes, de la tomate et du lait.

Ce lait, produit par des vaches alimentées de fourrages secs de qualité, est la matière première du fameux Parmiggiano-Reggiano AOP. " À Parme on a grandi avec le lait, qui devient parmesan, beurre, crème fraîche. 80% de nos recettes se font à base de lait et de beurre " commente Matteo Bersellini, "Le lait c'est un monument qu'on peut trouver à Parme ". Quant à la tomate, qui marie sa saveur à la fraîche mozzarella et à la crémeuse burrata, elle provient du sud du pays. Mais c'est à Parme qu'elle est transformée, une activité qui représente 40% de l'exportation italienne. Si la culture de la tomate n'a débuté que vers 1900 en Italie, elle a suscité l'inventivité pour parvenir à sa conservation. Une inventivité qui a fait sensation quand la tomate conservée dans le verre a fait son apparition à la Foire de Paris en 1978.

Secrets de fabrication. Roi de la Basse plaine, le culatello di Zibello AOP est fabriqué à partir du cœur du jambon. Produit d'excellence, tendre et délicat, il est raffiné par le brouillard et la chaleur propres à cette région de Parme où il a son musée. Les châteaux de la plaine du Pô sont nombreux. L'un d'eux, le château de la Basse, a le privilège d'accueillir son excellence le Parmiggiano-Reggiano AOP. Pour Matteo Bersellini, la valeur de ce produit est plurielle : seul à être vendu en Europe sous un nom qui ne souffre aucune traduction, "il est original, inimitable et on le consomme dans tous les terroirs d'Italie". Sa qualité exige de limiter à deux heures maximum de la traite du bétail au fromager.

Plus curieusement, l'anchois fait aussi partie de la tradition culinaire de la province, exprimant un fort lien à la terre et alors que Parme n'a jamais été bordée par la mer. Pourtant dès le Moyen Age, on y parle de l’anchois. Pêché depuis les mers Égée et Méditerranée, préparé en Ligurie, il est acheminé par le Pô jusqu'à la cité ducale, réputée pour son expérience de la transformation et de la conservation. L'anchois suscite depuis bien des recettes parmesanes, s'accommodant parfaitement aux pâtes et aux légumes. C'est grâce aux puits de sel situés à une vingtaine de kilomètres que Parme acquit très tôt l'expérience puis la réputation de la transformation et la conservation du jambon, du parmesan, de la tomate, et de l'anchois. Aujourd'hui encore, les produits de Parme se caractérisent par l'emploi d'un unique conservateur, naturel, le sel.

La gastronomie fait école. L’art de bien manger se conjuguant avec l’art de sublimer les produits d’Italie, c’est à Parme que se trouve ALMA – l’École internationale de cuisine italienne. Hébergée dans l’élégant Palais royal de Colorno, restructuré pour le duc Francesco Farnese, ALMA forme des cuisiniers, pâtissiers, sommeliers, professionnels de salle et bar et managers de la restauration. L’école est composée d’une cuisine principale, d'un restaurant, d'une salle principale, de classes de training pour les démonstrations pratiques et l’enseignement théorique, d'une salle pour la pâtisserie et la fabrication du pain, d'une bibliothèque de 5000 livres et d'une salle de lecture. Sur les 2000 élèves chaque année, 80% sont italiens, 20% sont étrangers. L'école collabore avec plus de sept cents des restaurants et pâtisseries les plus renommés d’Italie et tous les plus grands groupes de restauration italienne, pour organiser les stages de formation des étudiants. C'est bien sûr dans les espaces et jardins du "Versailles" de Colorno que se sont déroulées en septembre les événements de Parme Capitale de la gastronomie.

Patrimoine, musique, art, gastronomie, le riche passé de Parme se conjugue au présent. Et invite à un tourisme délicieux.