espace abonné Mot de passe oublié ?

Vous n'avez pas de compte ? Enregistrez-vous

Mot de passe oublié ?
ACCUEIL > Aix-lyrique, résolument contemporain

Aix-lyrique, résolument contemporain

par Jacques Mucchielli
"Blank out," un opéra en trois dimensions du compositeur Michel van der Aa. © Priska Ketterer / Lucerne festival
Arts vivants Opéra Publié le 30/06/2019
Loin de s’endormir sur les lauriers que l’âge lui confère, le festival d’art lyrique d’Aix-en-Provence s’inscrit dans un univers créatif résolument actuel avec six productions, dont trois œuvres contemporaines, et des mises en scène signées Castellucci, Honoré et van Hove.

Pour sa 71e édition, le festival international d’art lyrique d’Aix-en-Provence ne renie pas ses origines. Elles sont mozartiennes, selon la volonté de son fondateur Gabriel Dussurget, et le festival s’y est attaché, parfois jusqu’au conservatisme. L’édition 2019 ne déroge à l’hommage au maître salzbourgeois à travers un triptyque que signe Raphaël Pichon avec l’ensemble orchestre et chœur Pygmalion, sur les ultimes compositions de Mozart. En ouverture du festival, les notes de son inachevé Requiem prendront possession d’un théâtre de l’Archevêché où chacune de ses œuvres lyriques ont été données.

Mais l’hommage n’interdit pas l’intelligence d’une interprétation contemporaine. C’est à celle d’un grand nom du théâtre que le festival s’est adressé. Avec des ajouts vocaux jusqu’alors inconnus, Romeo Castelucci veut « un poème scénique puissant, destiné à faire de cette messe des morts une célébration de la vie et une méditation sur le thème de l’extinction ». Raphaël Pichon donnera également les quatre dernières symphonies de Mozart et, le 7 juillet, avec les étoiles montantes de l’Académie du Festival, une soirée lyrique consacrée à Mozart et ses contemporains.

 

Christophe Honoré et Tosca. Le festival innove encore en proposant cinq titres inédits et, comme chaque année, une création mondiale commandée à un jeune compositeur. Du classique d’abord avec Tosca, le chef-d’œuvre de Giacomo Puccini. Le cinéaste Christophe Honoré, qui le met en scène, sera inspiré par la figure de l’héroïne du mélodrame, véritable défi pour Angel Blue qui incarne Flora Tosca dans un des rôles les plus exigeants du répertoire.

Des compositeurs contemporains sont ensuite conviés. L’Allemand Wolfgang Rihm, dont l’opéra de chambre Jakob Lenz a acté, dès 1979, la reconnaissance internationale, verra sa pièce originale reprise au Grand Théâtre de Provence. Le compositeur, aujourd’hui sexagénaire, avait vingt-cinq ans quand il s’est senti happé par Lenz, la nouvelle de Georg Büchner, récit déambulatoire dominé, dans la brume des Vosges, par la silhouette errante du poète maudit en lutte avec la folie.

 

Adam Maor renouvelle le répertoire. Commande a encore été faite par le festival au compositeur Adam Maor. Les Mille Endormis doit son livret à Yohatan Lévy, auteur et réalisateur né en 1983, la même année que le jeune compositeur israélien. Si le titre suggère un attrait de la musique de concert contemporaine pour les musiques classiques du Moyen-Orient, Les mille endormis évoquent en fait le conflit israélo-palestinien.

La troisième des œuvres contemporaines lyriques sera présentée pour la première fois en France au conservatoire Darius Milhaud. La poétesse sud-africaine Ingrid Jonker lutta jusqu’à la dépression et l’internement, avant son suicide en 1965, contre toutes les oppressions dont étaient victimes les femmes de son pays. Ses écrits ont marqué Michel van der Aa. Bientôt cinquantenaire, le compositeur néerlandais présente Blank out, un opéra en relief pour une chanteuse. Pour apprécier cette œuvre, qui mêle bruitages et musique électro-pop, le spectateur se voit proposer à l’entrée des lunettes 3D.

 

Ivo van Hove pour Kurt Weill et Brecht. Complice de Berthold Brecht, qui bousculait alors la scène berlinoise de sa créativité plus féconde que la bête nazie qu’ils pourfendront ensemble sans relâche, Kurt Weill a composé son opéra Grandeur et décadence de la ville de Mahagonny sur les textes de son ami. Le compositeur allemand a de l’opéra une vision personnelle, il le décrit comme « une allégorie de la vie d’aujourd’hui. Elle naît à partir des besoins des hommes, et les besoins des hommes sont ce qui cause sa grandeur et sa décadence ».

Alors qu’Hitler va parvenir au sommet du pouvoir, l’œuvre fait scandale parmi les conservateurs allemands. Qu’Ivo van Hove revisite cette œuvre iconoclaste, politique, aujourd’hui vue comme un chef d’œuvre, laisse augurer un grand moment de création, réalisé en collaboration avec le jeune chef d’orchestre finlandais Esa-Pekka Salonen.

Entre ces grandes soirées, qui rythment le festival, le mélomane pourra voguer dans la ville du Roy René de concerts en rencontres, d’expositions hommage aux grandes figures de l’art lyrique. Un moment de rêves sur partition.

Partager sur
Fermer