espace abonné Mot de passe oublié ?

Vous n'avez pas de compte ? Enregistrez-vous

Mot de passe oublié ?
ACCUEIL > Oeuvre > Montpellier Danse : l’oscillation libératrice du corps féminin avec Daina Ashbee

Montpellier Danse : l’oscillation libératrice du corps féminin avec Daina Ashbee

par Jacques Moulins
Serpentine, solo de Daina Ashbee © Ian Douglas
Serpentine, solo de Daina Ashbee © Ian Douglas
Arts vivants Danse Publié le 25/06/2021
Dans son solo Serpentine remarquablement interprétée par Areli Moran, la jeune chorégraphe canadienne dessine un parcours magique, contrainte et libération, du corps féminin.  

Comme pour toute création, il faut s’efforcer d’arriver vierge au spectacle, n’ayant rien lu, n’ayant rien su, exempt de toute attente mais curieux, sensible, désirant. Position difficile pour notre culture « cartésienne » qui aime à suivre un fil, découvrir une intrigue que l’on pourra ensuite commenter. Avec Serpentine, la création française d’un des trois solos que Daina Ashbee présente à Montpellier Danse, notre raison sera déçue. S’il fallait raconter « l’intrigue » à l’ami venu nous attendre à la sortie, elle se résumerait à un corps nu de femme traversant en rampant très lentement un tapis de dix mètres de long, par trois fois et en une heure trente. Autant dire que la moitié des trente personnes admises dans l’espace très intime du studio Cunningham de l’Agora ont abandonné avant la fin.

 

Parler ici d’intrigue est nul. Nul et non advenu. Mais être intrigué est autre affaire. Intrigué par ce corps féminin nu aux longs cheveux noir de jais, allongé sur le ventre, les cuisses repliées, qui porte des tatouages d’une culture autre. Intrigué par sa lente oscillation, le visage qui se tourne en une expression de douleur et de désir, le mouvement rampant qui débute. Un corps à la fois animal et cultivé, plaqué au sol par un dieu ou une déesse de la terre exigeante, attirante, sensuelle et mortifère. Intrigué par ces hanches puis cette poitrine qui se soulèvent et frappent le plateau dans son avancée reptilienne, pousse des petits cris. De douleur, de libération, de plaisir ? Comme un papillon qui se dégage de son cocon ?

 

Dans cette scène incertaine qui se joue devant nous, on devine comme un chamanisme, un culte premier qui développe une magie à laquelle, si on accepte de se laisser entraîner, on ne peut être insensible. Ce corps, forcément nu, semble jouer pour nous une partition dont on ne sait rien, que l’on n’ose pas imaginer, mais qui force au respect tant l’intrigue a gagné un monde qui nous dépasse, et nous fait trop peur pour que l’on ose interrompre le contact que la danseuse crée avec lui. Un monde inquiétant auquel la jeune femme s’affronte avec souffrance et obstination.

 

Daina Ashbee et le corps féminin. Vient alors le second temps, celui où l’on ne peut s’empêcher de vouloir en savoir plus. Sur la chorégraphe d’abord, Daina Ashbee, cette jeune Canadienne de 31 ans que Montpellier Danse fait découvrir à la France, mais qui est connue et reconnue à Montréal. Au sujet de son autre solo, Pour, écrit sur le cycle menstruel, elle dit « Je n’en pouvais plus de réprimer cette douleur. Plus j’y pensais, plus je voulais créer un espace pour que les femmes se sentent libres dans leurs corps ». C’est là un propos que l’on retrouve dans Serpentine : « questionner cette douleur et cette libération des attentes de la société envers les femmes et leurs corps ».

Cette magie ne serait pas possible sans la danseuse Areli Moran qui interprète Serpentine avec une présence rare, une détermination nécessaire pour réaliser ce parcours aux pieds des spectateurs qui l’entourent.

 

 

Serpentine, solo de Daina Ashbee. Création en France pour Montpellier Danse. Avec Areli Moran. Studio Cunningham de l’Agora les 25 et 26 juin.

La découverte de l'œuvre de Daina Ashbee se poursuit avec les solos Pour (1er et 2 juillet), Laborious Song (3 et 4 juillet), les pièces Unrelated (28 et 29 juin) et When the ice melts, will we drink the water ? (7 et 8 juillet).

Partager sur
Fermer