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Quand Salia Sanou rêve, le public s’enchante

par Jacques Moulins
"D'un rêve", comédie dansée écrite et chorégraphiée par Salia Sanou, lors de sa création à l'opéra Corum pour Montpellier Danse 2021. © Laurent Philippe
Arts vivants Danse Publié le 12/07/2021
Le chorégraphe burkinabé Salia Sanou, habitué du festival Montpellier Danse, réussit une « comédie dansée » qui emprunte aux comédies musicales les sujets de société, la réflexion sur individualisme et collectif. Elle est servie par la remarquable compagnie Mouvements perpétuels.

Que ça fait du bien ! Il faudrait être méchamment râleur, perversement sectaire ou rédhibitoirement misanthrope pour ne pas applaudir à la dernière création de Salia Sanou au festival Montpellier Danse. D’un rêve, comme son nom le suggère, part du fameux discours prononcé par Martin Luther King lors de la marche sur Washington de 1963, ce discours profondément optimiste et humaniste d’où jaillit I have a dream. C’est dire s’il s’inscrit dans une actualité politique que les événements récents n’ont malheureusement pas ringardisée. C’est dire également si l’exigence de dignité humaine, la lutte contre le racisme, la dénonciation de l’esclavage, nourrissent la chorégraphie. Mais sur le ton des comédies musicales, un peu à rebrousse-poil des discours radicaux qui jamais ne se satisfont de rien, qui déprécient l’humain et le social à force de les purifier.

La chorégraphie est donc enlevée, mêlant gestuelle des danses africaines et gestuelle des scènes de Broadway. Elle l’est avec un volontarisme joyeux que Salia Sanou revendique, alors que « le discours d’une société contemporaine dégagiste et déprimée semble nous assigner au renoncement d’un rêve collectif ».

 

Une « comédie dansée ». Le chorégraphe burkinabé n’en tombe pas pour autant dans les excès qu’il refuse. D’un rêve est un acte artistique, « un cheminement dans mon parcours d’artiste » dit-il, qui l’amène à initier le genre de la « comédie dansée », terme qu’il préfère à « comédie musicale ». À raison, puisque sa création sur la vaste scène de l’opéra Berlioz est une chorégraphie qui emprunte à la comédie musicale sans en être une, ne serait-ce que par la manière dont il traite la difficile question de la domination des corps. L’ouverture de la pièce sur un champ de coton, la lourdeur du travail, l’inhumanité notable, font rapidement place aux néons très colorés de Broadway où le jazz est devenu la musique de ce rêve en construction dans un pays qui sait aussi bien les susciter que les écraser.

Réflexion sur l’individualisme qui, à l’inverse de l’époque des Lumières, s’oppose aujourd’hui au collectif, D’un rêve pose la question dans la chair même des corps, alternant des solos à l’écart du groupe, isolé ou starifié, et les mouvements d’ensemble de la compagnie toujours rythmés par les merveilleuses voix des artistes.

 

Une compagnie magnifique. Une telle œuvre nécessite un texte que Salia Sanou a demandé au rappeur Gaël Faye et au slameur Capitaine Alexandre. La musique, qui entremêle les références aux grandes comédies musicales américaines, est signée Lokua Ganza. Un grand écran en fond de scène projette des images de la marche du 28 août 1963 sur Washington. Salia Sanou dit combien le lien entre la musique et la danse rythme « l’équilibre délicat du son, de la lumière et du geste ».

Texte, musique, chorégraphie ne suffisent pas. Il fallait cette magnifique compagnie de danseuses et danseurs, chanteuses et chanteurs qui mène le rythme, la douleur, la joie, la passion en un train d’enfer. Salia Sanou ne ménage pas ses troupes, les scènes se succèdent à grande vitesse, sans temps de repos pour ces corps débordant d’énergie.

 

Fidèle à Montpellier. Depuis 1998, c’est la onzième participation du chorégraphe au festival Montpellier Danse. Formé à la danse africaine au début des années 1990, il devient danseur au sein de la compagnie de Mathilde Monnier en 1993. Depuis, alors que très rapidement il travaille comme chorégraphe, ses liens avec Montpellier ne se sont pas défaits. Avec son compatriote et ami Seydou Boro, il fonde en 2006 le Centre de développement chorégraphique La Termitière, à Ouagadougou. La transmission auprès des jeunes dans son pays natal est ainsi assurée, et il alterne les séjours au Burkina avec ceux passés à Montpellier. Avec sa propre compagnie, Mouvements perpétuels, qu'il crée en 2010, le chorégraphe développe un art de la rencontre, celle avec les migrants qui donnera Du désir d’horizons, celle avec la danse de Germaine Acogny et les mots de Nancy Houston, devenue Multiple-s, celle avec la beauté des corps des lutteurs, Clameur des arènes. Il est de presque toutes les éditions de Montpellier Danse et, tel un compagnon de route, offre au festival ses premières, et même ses créations, à l'instar de D'un rêve.

D’un rêve, comédie dansée de Salia Sanou. Création pour Montpellier Danse, opéra Berlioz, du 8 au 10 juillet. Avec : Milane Cathala-Difabrizio, Ousséni Dabaré, Mia Givens, Kevin Charlemagne Kabore, Lilou Niang, Elithia Rabenjamina, Marius Sawadogo, Akeem Washko et quatre chanteuses : Lydie Alberto, Ange Fandoh, Virginie Hombel, Dominique Magloire.

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