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Brett Bailey réveille Samson pour dénoncer la violence d’aujourd’hui

par Véronique Giraud
Une scène de Samson, spectacle performance de Brett Bailey. © Christophe Raynaud de Lage. Festival d'Avignon
Une scène de Samson, spectacle performance de Brett Bailey. © Christophe Raynaud de Lage. Festival d'Avignon
Arts vivants Danse Publié le 11/07/2021
Le chorégraphe d’Afrique du Sud Brett Bailey engage son esthétique dans la relecture de l’histoire du peuple noir. Ses spectacles frappent fort là où les esprits d’Europe se détournent volontiers, sans échapper à l’élégance ni même à la sophistication du spectaculaire. Sa création, présentée à Avignon, réveille la figure mythologique de Samson en composant une épopée cérémonielle.

Dans l’obscurité, des ombres s’affairent à des préparatifs. On échange, on pose des objets, on se distribue les rôles, une femme dispose au centre de la scène un tapis… Que viennent encercler sept personnages vêtus de noir, prélude sans doute à une cérémonie. Les voix entonnent des chants, les corps se déplacent selon un rite. Sons et mouvements défilent comme un rêve empreint de croyances ancestrales et de gestes incantatoires. Soudain jaillit Samson. Vêtu de blanc, il se pose silencieusement au centre du groupe. L’un des personnages s’éclipse pour lui tendre un objet qu’il pose sur sa tête. C’est sa fameuse chevelure, longue de tresses blanches. Chevelure sacrée qu’il ne doit jamais couper afin de préserver la force de libérer son peuple hébraïque des Philistins, occupant sa terre. C'est ce que dit l'Ancien Testament.

Samson est celui qui, se rendant à la ville des Philistins, rencontre en chemin un lion et le tue alors qu’il l’attaquait. Tombé amoureux d’une Philistine, il revient quelques mois plus tard pour l’épouser. Il aperçoit alors un nid d’abeilles dans la carcasse du lion qu’il avait tué. Cette vision lui inspire une énigme qu’il soumettra aux convives philistins le jour du mariage. De là naîtra une animosité, puis un sentiment d'humiliation qui engendrera la colère, réprimée par la fureur de Samson qui se lance dans une vengeance sanglante. Chaque spectateur ne connaît forcément pas les détails de ce récit, mais tous comprennent, grâce à une scénographie et à une dramaturgie aux codes très explicites. Les personnages rassemblés font revivre le processus du mythe par les mouvements de leurs corps, et Samson évolue depuis une danse mesurée et glorieuse jusqu'à une danse transe inquiétante et très offensive.

Brett Bailey fait mouche une nouvelle fois avec une économie de moyens et une intelligence du groupe peu commune. Le public du Festival d'Avignon avait fait sa connaissance avec Exhibit B, présenté en 2013. Aujourd'hui, les corps colonisés ne sont pas exhibés comme ils le furent hier, mais ils revivent devant le public la naissance de l’incompréhension, la forme d'une puissance qui échappe aux codes d'une communauté, puis à l’impuissance de cette dernière à interrompre l’élan mortel du dominant. "Le spectacle traite de problématiques et de dépossessions coloniales, de pillage néocolonial des ressources, de migration de masse, de racisme et de xénophobie, de radicalisation et de terrorisme" explique le metteur en scène. Le rapport oppresseur/opprimé se fait rêve dansé, un rêve que le monde entier a en commun au plus profond de soi. Et que le mythe ancestral vient aiguillonner.

 

Samson, Texte et mise en scène Brett Bailey / Chorégraphie Elvis Sibeko / Musique Shane Cooper / Scénographie Brett Bailey, Tanya P. Johnson. Avec Shane Cooper, Mikhaela Kruger, Mvakalisi Madotyeni, Zimbini Makwethu, Marlo Minnaar, Hlengiwe Mkhwanazi, Apollo Ntshoko, Elvis Sibeko, Jonno Sweetman, Abey Xakwe

Première en France au Festival d'Avignon, du 6 au 13 juillet, Gymnase du lycée Aubanel. Les 18 et 19 juillet à Barcelone – GREC Festival de Barcelona.

 

 

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