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Simon Delétang : « Il y a au Théâtre du Peuple une forme de retour à l’essentiel »

par Véronique Giraud
Depuis octobre 2017, le metteur en scène et comédien Simon Delétang a pris les rennes du Théâtre du Peuple fondé par Maurice Pottecher à Bussang. © Jean-Louis Fernandez
Depuis octobre 2017, le metteur en scène et comédien Simon Delétang a pris les rennes du Théâtre du Peuple fondé par Maurice Pottecher à Bussang. © Jean-Louis Fernandez
Arts vivants Théâtre Publié le 16/08/2018
Après avoir dirigé le théâtre Les ateliers à Lyon, Simon Delétang a voulu tenter l'aventure du Théâtre du Peuple fondé à Bussang il y a plus de 120 ans. Le metteur en scène est bien décidé à remettre au goût du jour l'idée fondatrice de Maurice Pottecher, qui a créé le lieu, et même de la faire résonner tout au long de l'année. Rencontre avec cet amoureux de la nature et de la poésie.

Après plus de 120 ans d’existence on ne peut plus parler d’utopie, quelle est la force du Théâtre du Peuple aujourd’hui ?
Il y a une idée très forte au départ, d'une longévité incroyable, et tous les gens qui sont passés ici ont persévéré et fait perdurer cette pensée du début, avec plus ou moins de filiation artistique avec le fondateur. Ce qui est essentiel ici c’est le lien aux gens, on a une mission de service public, de décentralisation, et la communion entre la scène et la salle est incroyable. Il y a un amour de ce lieu, les gens sont conquis. C’est ce qu’il faut maintenir, ainsi que le niveau d’exigence. On est aussi là pour faire découvrir des auteurs, montrer ce qu’on ne peut pas voir à la télévision. On doit rester un théâtre d’art.
Dans le paysage théâtral français, c’est un lieu totalement à part qui doit garder sa singularité.

 

D’où vient le public de Bussang ?
Il vient de partout. Au début des représentations les gens sont principalement locaux, d’autres nombreux viennent du Grand-Est, ce sont les spectateurs des théâtres avoisinants, comme celui de Colmar ou le Théâtre national de Strasbourg. Il y a aussi des amateurs de la France entière, et des touristes venus visiter la région. Dans la vallée nous sommes le seul théâtre. Colmar est à une heure, Épinal est à 50 mn, Mulhouse encore plus loin.

 

Comment votre projet artistique se retrouve-t-il ici ?
J’ai eu envie de revenir aux sources, il y a ici une forme de retour à l’essentiel. Dans le projet originel de Maurice Pottecher, il y a des choses me touchent beaucoup, sur le rapport à la nature, à la poésie. Elles se sont parfois perdues au fil des ans, parce qu’on associe le théâtre populaire à un théâtre plus vulgaire ou juste divertissant. J’ai eu envie de ramener à quelque chose qui puisse être lié au poète. Littoral de Wajdi Mouawad est l’œuvre qui ouvre cette saison, à côté il y a le Lenz de Buchner, et on a eu ici en février un autre poète contemporain, Julien Gaillard. On essaie de montrer d’autres versions du théâtre contemporain.

Le projet était d’arriver avec les grandes œuvres du répertoire, classique et contemporain, et de retrouver un état d’esprit familial. Ce qui explique qu’on est partout, à vendre des produits dérivés, à jouer sur scène, à servir au bar… Pas de frontières ni de hiérarchie. C’était comme ça avant. L’an dernier j’étais bénévole et j’avais trouvé qu’il y avait une sission entre l’équipe et les bénévoles. On ne voyait pas les artistes, il y avait quelque chose des autres théâtres, alors que ce qu’on trouve ici existe nulle part ailleurs.

 

Le mécanisme d’ouverture en fond de scène a toujours existé ?
Le fond de scène ouvert sur la forêt était un souhait de Maurice Pottecher, il s’agit de quatre lourdes portes coulissantes. Pour Littoral, mon projet de scénographie était de faire apparaître cette ouverture de manière originale et nous avons inventé un système de quatre pans de velours pour obtenir un effet très cinématographique.

 

Et Lenz ?
Je joue Lenz dans une autre salle, toute petite. C’est un tout autre projet. Au printemps, je suis allé marcher dans la montagne vosgienne, de village en village, et je jouais le soir, parfois dans une grange, dans une église. Physiquement, ce fut assez éprouvant. Mais c’était très gratifiant puisque j’étais en totale harmonie avec le texte de Buchner : je marchais dans les paysages dont je parlais le soir dans le spectacle.

 

Le paysage compte beaucoup ici…
Je suis sensible à la force de la nature, à une forme de poésie présente autour de nous mais qu’on ne perçoit pas toujours dans nos vies citadines. On oublie parfois des choses essentielles qu’ici on retrouve avec beaucoup de plaisir.

 

Vous avez le projet de résidences d’auteurs et d’autrices ?
Oui, nous avons invité en décembre Marion Aubert, Fabrice Melquiot, Pauline Peyrade, pour qu’ils viennent écrire des petites pièces in situ.

 

La formation est l’autre pan du projet…
Je fais venir des professionnels qui dirigent chacun un stage d’une semaine pour les amateurs. Après chant, techniques de l’acteur, techniques de jeu, il y aura un stage d’écriture avec Joël Gaillard et un stage de jeu avec Jean-Yves Ruf. D'autres stages portent sur des auteurs, Pasolini et Wajdi Mouawad sont les premiers. Les metteurs en scène qui viennent à Bussang ont vraiment envie de se confronter à cette histoire, de faire du théâtre avec des amateurs et des professionnels. Tout le monde ne peut pas le faire.

 

Par rapport à votre expérience à la tête d'un théâtre c'est beaucoup d'engagement personnel…
Je ne me suis jamais engagé autant dans un projet. L’été, nous avons des journées de folie. C’est en même temps grisant, je ne me suis jamais senti aussi épanoui dans un projet artistique. En parallèle nous inventons à Bussang une atmosphère particulière. Nous jonglons avec les bénévoles qui nous donnent de leur temps, tout le monde est logé sur place pendant trois mois, c’est une vraie communauté de création.

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