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« BlacKKKlansman » de Spike Lee, un film noir qui met en joue le racisme blanc

par Véronique Giraud
Blackklansman : j'ai infiltré le Ku Klux Klan, le nouveau film de Spike Lee sort en salles le 21 août. DR
Blackklansman : j'ai infiltré le Ku Klux Klan, le nouveau film de Spike Lee sort en salles le 21 août. DR
Cinéma Film Publié le 21/08/2018
L'histoire vraie de Ron Stallworth donne à Spike Lee un argument exceptionnel pour surfer une nouvelle fois sur la vague du racisme et de la discrimination envers les noirs. BlacKKKlansman, le film qu'il en a tiré, n'a rien d'une leçon de morale mais pointe les regards bien au delà du Colorado des années 70.

Avec BlacKKKlansman : j'ai infiltré le Ku Klux Klan, Spike Lee a fait un retour très remarqué à la 71e édition du Festival de Cannes. Les acclamations unanimes du public et de la presse ont rappelé celles qui avaient accueilli il y a plus de trente ans Nola Darling n’en fait qu’à sa tête (1986), le deuxième long-métrage du cinéaste de Brooklyn.
L'adaptation du récit de Ron Stallworth, un détective noir qui a réussi à infiltrer en 1979 le Ku Klux Klan, est taillée sur mesure pour Spike Lee. Elle lui permet de plonger à corps perdu dans son registre de prédilection : la dénonciation du racisme et de la discrimination. Le cinéaste, dont l’engagement n’a jamais faibli, a même joué les prolongations et la vraisemblance contemporaine en achevant le film, qu’il a coécrit avec Kevin Willmott, par des archives télévisées des violences de l’affrontement de militants antiracistes avec des groupes de l’extrême-droite et pronazis à Charlottesville en août 2017. On y voit aussi l’actuel président américain faire sa déclaration après ces émeutes au cours desquelles une jeune femme a été tuée. Dans le même esprit de véracité historique, un récit dit par le toujours séduisant Harry Belafonte, icône du mouvement pour les droits civiques, rappelle le lynchage et les tortures infligées en 1916 à un jeune noir devant une population et des policiers impassibles, mais dont les nombreuses photographies maintiennent le témoignage.

 

Mouvante dualité du noir et blanc. Le film met en balance deux systèmes d’organisations secrètes : celle du Ku Klux Klan, composée majoritairement à Colorado Springs d’anciens militaires et menée au plan national par David Duke dont le mot d’ordre est "White America", et celle des étudiants afro-américains qui militent contre la guerre du Vietnam et dont le mot d’ordre est "Black Power". La première se base sur l’image fantasmée d’un pays originel arien, sans négros, juifs, gays et autres minorités. La seconde repose sur l’héritage bien réel des persécutions envers les Noirs.
La dualité noir/blanc repose aussi sur la beauté noire des femmes et des hommes, que la caméra caresse et illumine, alors que les acteurs blancs sont très éloignés de l’idéal promu par Hollywood. Elle s’affirme aussi par le parallèle entre la cruauté des exactions racistes et les qualificatifs repoussoirs dont sont facilement affublés les Afro-américains.
Au centre, il y a Ron Stallworth. Magnifiquement incarné par John David Washington, il balance entre deux camps : celui des policiers blancs de Colorado Springs qu’il est le premier noir à rejoindre, et celui de ses frères et sœurs de couleur qui dénoncent la suprématie blanche. Les premiers ont du mal à s’habituer à côtoyer l’un de ceux qu’ils ont souvent pris pour cible et que certains d’entre eux n’appellent que négro ou basané, les seconds le considèrent comme traître à leur cause. L’exploit qu’il a été capable d’accomplir reste d’autant plus extraordinaire qu’il se sent proche des deux côtés : simplement un homme noir qui a toujours rêvé de devenir un policier américain.
Le rythme haletant d’une intrigue tellement exceptionnelle qu’on a du mal à croire qu’elle ait pu exister, le stratagème du détective noir qui ne peut fonctionner qu'avec son double blanc, la superposition du long-métrage avec des extraits de films emblématiques, Autant en emporte le vent, de Victor Fleming et George Cukor, et Naissance d’une nation de Griffith, l’insertion de documents d’archives photographiques et filmées, tout incite le spectateur à balancer, entre hier et aujourd’hui, entre le vrai et le faux, entre le comique et le dramatique. Cette performance, dans laquelle Spike Lee excelle, sert le propos et même au-delà. Et si le spectateur ne manque pas d’applaudir quand apparaît le générique, il peut aussi se demander si l’action de Ron Stallworth comme le combat des minorités ne sont pas ceux qui devraient être menés partout où les nationalismes et la discrimination ne cessent de gagner du terrain.

 

BlacKKKlansman : j'ai infiltré le Ku Klux Klan, film réalisé par Spike Lee avec John David Washington, Adam Driver, Laura Harrier…  Grand Prix du Festival de Cannes 2018. Sortie en salles le 21 août.

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