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La mobilité fait « Escale en vues » au MAIF Social Club

par Véronique Giraud
"Inverted Relief" de Flavien Thery est un tapis réalisé à Aubusson reproduisant une image satellite anaglyphe du sol de Mars sur lequel le public est invité à marcher. ©Giraud/NAJA
L’installation d’Antonin Fourneau utilise la déambulation de l’escargot pour éclairer les buildings de sa micro ville noire, comme un éloge de la lenteur. ©Giraud/NAJA
L’installation d’Antonin Fourneau utilise la déambulation de l’escargot pour éclairer les buildings de sa micro ville noire, comme un éloge de la lenteur. ©Giraud/NAJA
"Paysage rupestre" une installation de Samuel Rousseau qui fait défiler les animaux de Lascaux sur une pièrre de lauze. ©Giraud/NAJA
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Le "Râ d’Ô Jewel" de Baptiste César & YoNI DouKHan a été fabriqué avec des objets trouvés dans la ville. Ce radeau évoque autant les bricolages d'enfance que les embarcations sur lesquelles s'aventurent les migrants. © Giraud/NAJA
Kate McLean a composé une promenade sensorielle réalisée cet été à partir des souvenirs olfactifs du quartier du Marais à Paris. ©Giraud/NAJA
Kate McLean a composé une promenade sensorielle réalisée cet été à partir des souvenirs olfactifs du quartier du Marais à Paris. ©Giraud/NAJA
Arts visuels Arts plastiques Publié le 11/10/2018
Mobilité : Mais où va-t-on ? Une douzaine d'artistes contribuent à y répondre de leurs créations inspirées par le voyage, mental ou physique, dans l'espace d'exposition du MAIF Social Club. Éloge de la lenteur, cheminement d'un livre, mobilité d'un abri, marche sur Mars… autant d'escales décrivant les possibles de la mobilité.

La mobilité est sur les tablettes des urbanistes et des spécialistes du transport des sociétés occidentales. Aller plus vite, plus loin, partout, c’est le credo. Du coup, les individus peuvent aller plus vite, plus loin, partout, avec un rythme trépidant pour certains, épuisant pour d’autres. Loin des société occidentales, la mobilité c’est échapper à un sort devenu inhumain. Quelles que soient les circonstances, l’ailleurs fait toujours rêver, qu’il soit mental ou physique, et le voyage est l'élan qui porte l’humanité vers l'autre et vers l'ailleurs. Il est question de tout cela dans la nouvelle exposition Escales en vue du MAIF Social Club de la rue de Turenne, grand espace dédié aux artistes qui s’emparent des sujets de société.

Parmi la douzaine d'œuvres présentées pour Escale en vues, certaines font un bel éloge de la lenteur. À l'instar des mots que Jean-Christophe Norman trace patiemment à la craie sur les trottoirs du monde. Depuis quatre ans, l’ancien escaladeur a choisi d’avancer accroupi pour disperser en une longue ligne discontinue l’intégralité du livre de James Joyce Ulysses. À l'instar de l’installation d’Antonin Fourneau qui lui utilise la déambulation de l’escargot pour éclairer les buildings de sa micro ville noire et pour nous interroger, dans la lignée de la théorie du penseur Ivan Illich, sur notre besoin de rapidité et de productivité. Selon la commissaire de l’exposition Anne-Sophie Bérard, ce qui a présidé à cette œuvre commandée pour le MAIF Social Club, « c’est d’abord se dire que quand on se déplace on va d’abord choisir le chemin le plus court pour arriver à un endroit précis. Ici on a une invitation au ralenti, permettant de considérer très différemment le rapport à la mobilité. »

 

Imaginer l'ailleurs. L’exposition, conçue comme une promenade, conduit les visiteurs à franchir le plus grand des deux cercles marquant le début du parcours, tels deux grands yeux évocateurs du point de vue de chacun. Apparaît alors une œuvre née de l’idée de notre besoin de partir, et ce qui nous y pousse. L’artiste Stéphanie Lagarde a composé sur un écran un récital de noms de villes américaines, chacun évocateur de l’horreur ou du désir (de Frankenstein, Panic, Nothing à Hope ou Eureka), tous donnant à imaginer ces villes et parfois à les désirer. Cette chorale de villes témoigne de se qui se produit en nous « avant d’aller ailleurs », de la façon dont on idéalise un endroit, dont on le rêve avant de s'y rendre.

Passionnée par l'impact des sons, Cécile Babiole a mis au point en 2007 un système qui lui permet de détecter les signaux des avions, et ainsi de capter la fréquence du trafic dans un rayon d’une vingtaine de kilomètres depuis une antenne. Son œuvre, baptisée Couloir aérien, fait entendre en temps réel tous les avions qui volent au-dessus de nous, sans qu'on en prenne conscience du fait de leur altitude. Complétant l'installation, un écran affiche les références de l’engin capté, son altitude, sa vitesse sa latitude et sa longitude. « Cécile dit qu'elle fait du « détournement d’avions ». 100 000 avions volent au-dessus de nous chaque jour dans le monde, et c’est quelque chose dont on a absolument pas conscience, dont on ne se plaint pas », précise la commissaire.

 

Mais où va-t-on ? À cette question que pose l’exposition, Samuel Rousseau répond par un voyage dans le temps grâce à une belle pierre de lauze, dont un éclairage valorise la brillance. Par le truchement de l'animation vidéo, l'artiste y a fait défiler le long de ses infractuosités les animaux du néolithique, reproductions de ceux dessinés par l’Homo Sapiens dans la grotte de Lascaux. « C'est une fenêtre sur un passé qui nous a appartenu. Cette culture de l’Homo Sapiens enrichit notre culture contemporaine et ouvre une fenêtre temporelle qui nous ramène aux origines de l’humanité », commente l’artiste au sujet de son œuvre Paysage rupestre. C'est un voyage dans l'espace que propose Inverted Relief de Flavien Thery. Il s'agit d'un tapis réalisé à Aubusson reproduisant une image satellite anaglyphe du sol de Mars sur lequel le public est invité à marcher, équipé de lunettes bicolores pour apprécier l'impression qu'offre le relief de la planète tant convoitée par les hommes.

Composé d'un assemblage d'objets trouvés dans la ville, un radeau occupe une place centrale de l'exposition. Le Râ d’Ô Jewel de Baptiste César & YoNI DouKHan évoque autant la condition actuelle des migrants dans leur traversée de la Méditerranée pour gagner l’Europe que le bateau dont chaque enfant peut rêver et fabrique avec des matériaux parfois improbables. Plus loin, le public est invité à s’asseoir sur Soleil vert, Variations, une machine poétique inventée par Charlotte Charbonnel. En pédalant, elle s'actionne, l’effet du mouvement éclaire une sphère en verre dont les « bosses » produisent la lumière d’un étrange soleil, créant la sensation d'un voyage immobile. Kate McLean propose quant à elle une promenade sensorielle dans les rues du quartier du Marais, où elle était en résidence cet été. Elle a interrogé une centaine de personnes se promenant dans le quartier sur les odeurs qu’ils avaient repérées et mémorisées au cours de leurs déambulations. Leurs témoignages ont composé une cartographie sensorielle, Smell Maps, délice de la subjectivité dans l’évocation d’un territoire.

 

L'enfance voyage. Le photographe Lassine Coulibaly a été associé à l’exposition avec une partie de son travail réalisé à Bamako et présenté à la biennale d'art contemporain cet été. Devant un fond jaune (couleur de l’espoir) et sur un tapis ocre, des habitants de la capitale ont posé avec leurs engins de transport de fortune. Une façon pour l’artiste malien de raviver ses souvenirs d’enfance, où tout se faisait à pied avec sa mère divorcée s’occupant de ses dix enfants, où les vélos des riches empruntés donnaient le sentiment de liberté et où un simple pneu est un jeu de déplacement infini. Une façon aussi de rappeler avec fierté que : "en Afrique avec peu on est heureux".

 

Escales en vue du 5 octobre 2018 au 5 janvier 2019 au MAIF Social Club rue de Turenne. CIRCULEZ ! Mobilité : mais où va-t-on ? Exposition, performances, soirées, ateliers. Entrée gratuite.

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ENTRETIEN AVEC JEAN-CHRISTOPHE NORMAN
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