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« Les contes cruels de Paula Rego » impressionnent le musée de l’Orangerie

par Véronique Giraud
Paula Rego, Prey (Proie), 1986. ©Courtesy Marlbourough Fine Art
Paula Rego, Prey (Proie), 1986. ©Courtesy Marlbourough Fine Art
Paula Rego, La petite meurtrière, 1987. ©Rivaud/NAJA
Paula Rego, La petite meurtrière, 1987. ©Rivaud/NAJA
Paula Rego, Le pays imaginaire (1992), gravure à l'eau forte et aquatinte. ©Rivaud/NAJA
Paula Rego, Le pays imaginaire (1992), gravure à l'eau forte et aquatinte. ©Rivaud/NAJA
Paula Rego,
Paula Rego, "Femme-chien" (1994), pastel sur toile © Rivaud/NAJA
Paula Rego, Autruches dansantes de
Paula Rego, Autruches dansantes de "Fantasia" de Disney, 1995. Pastel sur papier. ©Rivaud/NAJA
Paula Rego,
Paula Rego, "Guerre" (2003). ©Rivaud/NAJA
"Pinocchio" (1996), sculpture en fibre de verre de Ron Mueck fait écho à "La fée bleue chuchote à l'oreille de Pinocchio" (1995), pastel sur papier de Paula Rego. ©Rivaud/NAJA
Arts visuels Arts plastiques Publié le 24/10/2018
Le musée de l'Orangerie, antre de l'impressionnisme, invite à pénétrer l'œuvre peu montrée en France de Paula Rego. Grinçants, effrayants, les tableaux et gravures de l'artiste anglo-portugaise évoquent, à la manière d'un conte, la condition féminine en créant des scènes dérangeantes, à contre-courant des codes de la société. L'exposition Les contes cruels de Paula est à voir jusqu'au 14 janvier 2019.

Cécile Debray, la nouvelle directrice de l’Orangerie, avait prévenu : le musée, célèbre pour la série des Nymphéas que Claude Monet a conçue pour son architecture, accueillera des artistes vivants ou contemporains. La première invitation célèbre l’œuvre très peu montrée en France de Paula Rego, si ce n'est par me musée de Nimes en et la Fondation . L’exposition qui lui est consacrée fait découvrir l’univers fourmillant, à la fois effrayant et fantastique, de l’artiste portugaise. Née en 1935 à Lisbonne, c'est à Londres que l'adolescente part poursuivre ses études en art. Formée à la Slade School of Arts, elle côtoie Francis Bacon, Lucian Freud, Frank Auerbach, David Hockney, et devient l'unique artiste femme de ce qui s'est appelé l’École de Londres. Revenue en 1975 dans la capitale anglaise, elle y vit depuis plus de cinquante ans. Dans son œuvre, la figure de la femme, teintée d’une critique politique et sociale, occupe de très nombreux tableaux de celle qui quitta son pays pour échapper à la dictature de Salazar.

 

Une esthétique très marquée. Son œuvre, fonctionnant par grandes séries, est marqué par des évolutions esthétiques aisément repérables. Celles réalisées entre 1980 à aujourd'hui sont regroupées à l’Orangerie sous le titre Les contes cruels de Paula Rego. Elles viennent après ses dessins à l’inspiration folklorique, après ses collages, technique qui lui inspira sa découverte de l’art brut de Dubuffet. Trois pratiques coexistent ici : la peinture figurative, la gravure et la sculpture. Cette dernière a produit des créatures mi-humaines mi-animales, que l’artiste a fabriquées en papier mâché et en tissu, rendant visible et maléable un monde emprunté aux contes et illustrations de l’enfance, et à des souvenirs autobiographiques. On découvre ces personnages dans la première salle du parcours, assemblés dans deux installations que la scénographie magnifie. Au fil des salles suivantes, ils réapparaitront dans des gravures réinventant des comptines ou revisitant des histoires populaires, et dans plusieurs grands tableaux. Ils deviennent familiers au fil de la visite, reconnaissables en dépit de leur curieuse posture ou de leur petite échelle, et on se prend à imaginer toutes ces créatures, attendant patiemment dans un coin de l’atelier avant de réveiller l’intérêt de leur créatrice qui les fera entrer dans le théâtre de ses compositions. Déconstruisant toute idée de réalisme, imprimant la vision dérangeante d'un univers qui fait coexister êtres humains et monstres inanimés.

 

Réaliste et fantastique. Habitée par une littérature et culture visuelle du XIXe siècle, réaliste et fantastique, Paula Rego entremêle de manière très contemporaine ces références (Jane Eyre, Peter Pan, Daumier, Goya, Lewis Carroll, Hogarth, Ensor, Degas...) à des éléments fortement autobiographiques et des éléments du réel, celui du monde actuel et de ses enjeux sociaux et politiques. Narratifs, grinçants, ses tableaux semblent faire revivre quelque conte cruel. La dualité, homme/animal, monstre effrayant/attendrissante créature, est le moteur même de l’artiste, comme en témoignent les grands tableaux des salles suivantes où d’étranges figures féminines se parent de postures et de caractéristiques reconnaissables : la Femme-chien, les autruches dansantes, les charognards… Elle évoque ainsi la condition féminine dans des scènes étranges, à contre-courant des codes sociaux. D’autres tableaux et gravures revisitent les contes et comptines, Peter Pan et Pinocchio, autant de témoignages du goût de Paula Régo pour cette littérature et ses illustrateurs, de Granville à Benjamin Rabier. D'autres font état de sa connaissance et de son admiration pour les plus grands artistes dont elle n’hésite pas à revisiter quelques œuvres. À sa manière, dominée par l’étrange et le grotesque. Et pour convaincre de cette parenté, l’accrochage invite trois tableaux des danseuses de Degas, un corbeau dessiné par Manet, La tête dans un corps d’araignée d’Odilon Redon ou encore une araignée rouge de Louise Bourgeois. Quand Paula Rego donne vie à ses Héroïnes, elle fait réapparaître d’immenses portraits de Jane Eyre, sa préférée. Sans trahir une austérité très XIXe, elle les pare de velours et de soies aux teintes chatoyantes et changeantes qu'elle exécute au pastel. Quelle que soit la technique utilisée, et maîtrisée, son expression sans complaisance et inquiétante traduit une puissance expressive peu commune.

 

Les contes cruels de Paula Rego, du 17 octobre 2018 au 14  janvier 2019 au Musée de l'Orangerie. L’exposition a été rendue possible grâce à la collaboration de la galerie Marlbourough de Londres et le soutien de la Fondation Calouste-Gulbenkian.

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