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L’archéologie préventive réécrit l’histoire du Moyen Âge

par Véronique Giraud
L'attrait de l'exposition réside dans les dispositifs interactifs développés par Universcience. ici Arégonde, reine des Francs, s'adresse au visiteur lorsqu'il s'approche d'elle. ©Rivaud/NAJA
L'attrait de l'exposition réside dans les dispositifs interactifs développés par Universcience. ici Arégonde, reine des Francs, s'adresse au visiteur lorsqu'il s'approche d'elle. ©Rivaud/NAJA
La particularité de l'exposition
La particularité de l'exposition "Quoi de neuf au Moyen Age ?" est de présenter et de valoriser la synthèse de 20, 30 années de fouilles menées dans le carde de l’archéologie préventive qui investit des pans de territoire gigantesques, apportant un regard nouveau sur des choses inconnues du public sur le Moyen-Âge. ©Rivaud/NAJA
Les premiers siècles du Moyen Age sont riches en inventions techniques. Ici, le moulin à eau. ©Rivaud/NAJA
Les premiers siècles du Moyen Age sont riches en inventions techniques. Ici, le moulin à eau. ©Rivaud/NAJA
Les études portant sur les terres noires permettent de décrire les conditions environnementales de la première partie du Moyen Age, avec une approche précise de sa faune et de sa flore. ©Rivaud/NAJA
Les études portant sur les terres noires permettent de décrire les conditions environnementales de la première partie du Moyen Age, avec une approche précise de sa faune et de sa flore. ©Rivaud/NAJA
On peut observer de très près et en 3D les parures retrouvées près des défunts. ici, un anneau sigilaire portant une inscription. Un bijou caractéristique des Mérovingiennes de haut rang. ©Rivaud/NAJA
On peut observer de très près et en 3D les parures retrouvées près des défunts. ici, un anneau sigilaire portant une inscription. Un bijou caractéristique des Mérovingiennes de haut rang. ©Rivaud/NAJA
Les nombreux objets disposés autour  des sépultures permettent de connaître le rang et la fonction du mort. ©Rivaud/NAJA
Les nombreux objets disposés autour des sépultures permettent de connaître le rang et la fonction du mort. ©Rivaud/NAJA
À chaque étape de l'exposition, un focus régional est proposé, faisant état des dernières découvertes de l'archéologie préventive d'une région  à une autre en France. ©Rivaud/NAJA
À chaque étape de l'exposition, un focus régional est proposé, faisant état des dernières découvertes de l'archéologie préventive d'une région à une autre en France. ©Rivaud/NAJA
Au Pont du Gard, les équipes gardoises de l'INRAP présentent deux maquettes rares d'un village au Moyen Age, que les archéologues ont pu projeter à partir des fouilles réalisées lors des grands travaux liés aux nouveaux aménagements ferroviaires et auroroutiers entre Nîmes et Montpellier. Ici le site de Missignac à Aimargues (IXe - Xe siècles). ©Rivaud/NAJA
Au Pont du Gard, les équipes gardoises de l'INRAP présentent deux maquettes rares d'un village au Moyen Age, que les archéologues ont pu projeter à partir des fouilles réalisées lors des grands travaux liés aux nouveaux aménagements ferroviaires et auroroutiers entre Nîmes et Montpellier. Ici le site de Missignac à Aimargues (IXe - Xe siècles). ©Rivaud/NAJA
Isabelle Catteddu, chercheure à l'INRAP et commissaire scientifique de l'exposition Quoi de neuf au Moyen Age ?, coproduite avec Universcience. ©Rivaud/NAJA
Isabelle Catteddu, chercheure à l'INRAP et commissaire scientifique de l'exposition Quoi de neuf au Moyen Age ?, coproduite avec Universcience. ©Rivaud/NAJA
Hors-Champs Société Publié le 17/11/2018
Couvrant mille ans de notre civilisation, l’époque médiévale reste nimbée de l'obscurantisme. Les archéologues, en lien avec les historiens, ont mis au jour les vestiges formant récit de la vie quotidienne aux premiers siècles de cette période. Leurs découvertes font l'objet d'une exposition grand public, "Quoi de neuf au Moyen-Age ?", actuellement présentée au Pont du Gard.

Dans Pour en finir avec le Moyen-Âge, Régine Pernoud proposait en 1979 une image de la civilisation française et européenne loin de l’obscurantisme contenu dans le mot même désignant l’époque. L’appellation Moyen-Âge couvre en effet une époque supposée obscure de l’humanité bornée par deux époques radieuses, l’antiquité romaine et l’époque moderne, magnifiquement commencée par la Renaissance. L’historienne rappelait que le Moyen-Âge marquait la disparition de l’esclavage, une culture rurale autour des cours seigneuriales et des monastères, l’importance du droit canonique, et un statut de la femme plus libre que ce qu’on pensait, comme en témoigne Jeanne d’Arc. Quarante après son livre, l’époque médiévale reste nimbée de cet obscurantisme, alors que de nombreux chercheurs ont pourtant révélé la richesse de cette époque (il faudrait dire de ces époques) couvrant mille ans de notre civilisation.

Les historiens, qui travaillent sur les écrits et le patrimoine architectural, ont affiné l’image brutale renvoyée par les invasions barbares. Comme on pouvait s’y attendre, l’époque médiévale n’a pas commencé en 455, date du sac de Rome par les Vandales, les structures de l’Empire et la culture romaine perdurant quelques siècles de plus selon les régions avant de se mélanger. L’apport des cultures asiatiques et arabes a aussi été réévalué. Par exemple celui du philosophe et médecin Ibn Sina, plus connu sous le nom occidentalisé d’Avicenne, qui perpétue Aristote en Occident.

 

Trente années de fouilles et d'études. « Ce n’est pas comme si on attendait beaucoup de l’archéologie puisqu’on avait déjà étudié à partir de sources écrites. L’archéologie renouvelle en profondeur les données, la plupart du temps vient compléter », précise Isabelle Catteddu, chercheure à l’INRAP (Institut national de recherches en archéologie préventive) et commissaire scientifique de l’exposition Quoi de neuf au Moyen-Âge. Mais il est une histoire moins connue, qui n’est pas écrite, celle de la vie quotidienne de la population médiévale, à 95% rurale. « Les sources écrites le sont par et pour les élites, tout un pan d’histoire reste dans l’ombre, que l’archéologie vient éclairer, donnant la parole à ce que j’appelle les muets de l’histoire », poursuit l'archéologue.

Cette nouvelle perception du Moyen-Âge, pour gagner le grand public, avait besoin d’une exposition forte. Elle a fait l'objet d'un partenariat que l’INRAP a noué avec Universcience, fusion depuis 2010 de la Cité des sciences et de l’industrie et du Palais de la Découverte. Le choix d'Universcience, reconnu dans le monde entier pour ses présentations pédagogiques déclinant des dispositifs interactifs et tactiles et pour sa capacité à adapter les connaissances scientifiques au public des enfants. L’INRAP a cofinancé cette exposition dont la particularité est de présenter la synthèse d'une très longue période. « L’intérêt de valoriser des fouilles menées sur 20, 30 années, et du fait de la spécificité de l’archéologie préventive qui investit des pans de territoire gigantesques, fait que quand on fait une synthèse de toutes ces années, on a une quantité énorme de données issues de ces travaux. Donc cette exposition, en synthétisant ces données et en apportant un regard nouveau sur des choses inconnues du public sur le Moyen-Âge, rend honneur à la place de l’archéologie dans la connaissance », commente Alessia Bonannini, responsable des expositions de L'INRAP.

 

 

L'histoire du premier Moyen Âge. « Un des grands renouvellements apporté par l’archéologie est d’avoir mis au jour un grand nombre de spécificités régionales et micro-régionales. Les habitats de Bretagne présentent par exemple des formes très distinctes. Tout cela dépend de la géographie et des héritages culturels. Dans l’Est, l’influence est plus nordique, au sud, le poids de l’Antiquité est très important, à l’Ouest l’influence anglo-saxonne se fait sentir. On découvre des différences régionales, mais aussi micro régionales, ceci grâce à l’archéologie préventive qui a permis de multiplier les sites, notamment pour le premier Moyen âge (du V au XIe), explique Isabelle Catteddu, le XIIe siècle étant, pour la spécialiste Joëlle Burnouf, le siècle irréversible à partir duquel s'observe une accélération dans la transformation des sociétés ».

Là où l’archéologie renouvelle beaucoup c’est dans la connaissance des cinq premiers siècles du Moyen-Âge. « Cinq siècles qui restent dans l’ombre, sans les fameux châteaux qui n’arrivent qu’au milieu du Moyen-Âge, et que les Anglais nomment les Dark Ages. Sombres parce qu’on avait très peu de données, sombres aussi en raison de l’image des fameuses invasions barbares », poursuit la commissaire. Plutôt que d'invasions, l’exposition Quoi de neuf au Moyen-Age ? introduit l'observation de migrations, la plupart volontaires, liées à une désertion des campagnes amplifiée par une grande crise climatique. La connaissance de ces premiers siècles s'est fortement accrue grâce à l'analyse de ce que les spécialistes appelle les "terres noires". Il s'agit d'une couche de terre qui avait jusque là peu intéressé les archéologues, davantage centrés sur la richesse propre à l'Antiquité. Or, dans le sous-sol des villes d'Europe, cette couche de terre noire de plus d'un mètre recouvre les vestiges romains. Ce n'est qu'à la fin du XXe siècle que les fouilles préventives et la géo-archéologie montreront comment ces terres témoignent de la façon d'habiter la ville au premier Moyen Âge. Point fort de l'exposition, un multimédia interactif installé sur écran permet de reconstituer les vestiges de la vie urbaine.

 

Itinérance des connaissances. D’un lieu à un autre où l’exposition est montrée, les connaissances locales et régionales modifient elles aussi le regard du visiteur. « C’est notre volonté. Présentée à Strasbourg, en Lorraine, en Bretagne, ou comme ici dans le Sud, certains récits seront identiques mais il y aura beaucoup de récits différents » affirme la commissaire. Les objets présentés eux non plus ne sont pas identiques. Les formes d’habitation, les objets diffèrent d'un territoire à un autre de l'hexagone, d’où l’idée de ponctuer chaque itinérance de l’exposition par un spot régional, où sont exposées mes dernières grandes trouvailles de cette époque. Après Le Creusot, l'exposition fait étape au Pont du Gard, tut près de Nîmes.

Isabelle Catteddu, qui pratique l’archéologie depuis trente ans, remarque une évolution dans le regard et l’attente du public. Au début, quand elle accueillait le public sur le lieu des fouilles, les questions posées portaient sur l’histoire des ancêtres. « Aujourd’hui, dans notre société métissée, j’ai constaté un vrai changement en faisant visiter un cimetière gaulois à des populations de Bondy en région parisienne, d’origine africaine ou asiatique, il y a un intérêt extrêmement important. En les interrogeant sur ce qui les attirait, nous avons découvert que, en fait, aujourd’hui, la réponse c'est : l’histoire du lieu où je m’installe, où crée ma famille, où mes enfants vont grandir. On est en train d’évoluer sur une histoire du territoire, elle prend le pas ».

 

 

Quoi de neuf au Moyen Âge ? Exposition coproduite par l'INRAP et Universcience au Pont du Gard, du 1er novembre 2018 au 28 avril 2019.

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