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Entre silos et bateaux, Mathilde Delahaye porte la voix rageuse de Jelinek

par Véronique Giraud
Scène de
Scène de "Maladie ou Femmes modernes" © Jean-Louis Fernandez
Arts vivants Théâtre Publié le 03/06/2019
Il fallait la dimension fantomatique d'un port de commerce et ses hauts silos pour que se déploie la langue subversive et complexe d'Elfriede Jelinek. C'est le point de vue de la metteure en scène Mathilde Delahaye qui, en créant "Maladie ou femmes modernes" au festival Ambivalence(s), a su donner sa puissance poétique à l'imaginaire du Prix Nobel de littérature.

Invitée du Festival Ambivalence(s), la metteure en scène Mathilde Delahaye invite le public dans une zone déserte de la périphérie de Valence, au bord du fleuve et à l'ombre des deux gigantesques silos abritant la Chambre de Commerce et d'Industrie. Marcher dans cette zone désertique, se rapprocher des gradins installés devant un terre-plein bordé d'un grand tas de pierres où est installé le mobilier d'un cabinet médical, avec de part et d'autre des containers, avec l'idée d'entendre la langue subversive de l'autrichienne Elfriede Jelinek procure déjà une sensation inédite.

Les quatre comédiens, tous magnifiques, vont hanter sans relâche ces lieux abandonnés. Du flux de leurs voix qui fait résonner l'obscurité, de leurs allées et venues qui éclairent par pan une scène aux lignes de fuite infinies. Répandant sur un territoire hors normes, bien éloigné du classique plateau de théâtre, un texte souvent déstabilisant, qui s'empare avec force d'un désordre social qui maintient le spectateur dans une confusion des sens. C'est que l'histoire de ces couples, Émily l'infirmière vampire et Heidkliff son fiancé médecin, Emily et Camilla, femmes vampire en souffrance, Benno et Camilla… L'intérieur éclairé des containers s'offrent aux moments plus intimes et, quand la courbe d'un silo s'anime d'images filmées, il souligne en gros plan leurs visages, méconnaissables d'une scène à une autre. Tout contribue à une surdimension qui épouse la langue complexe de l'auteure, dans un no man's land où se répand magnifiquement la noire démesure de la pensée.

Pour ce spectacle, Mathilde Delahaye fait une nouvelle fois preuve d'un grand talent de démiurge et saisit les gravitations d'une écriture exigeante. Artiste associée au Centre dramatique national de Tours, Mathilde Delahaye reprend en juin la pièce à l'extérieur du Magasin Général, nouvel écrin fantomatique de Maladie ou femmes modernes.

 

Maladie ou femmes modernes, d’après Elfriede Jelinek, mise en scène Mathilde Delahaye. Avec Pauline Haudepin, Déa Liane, Julien Moreau, Blaise Pettebone. Du 21 au 25 mai 2019, dans le cadre du festival Ambivalence(s). Du 11 au 14 juin 2019 au Théâtre Olympia – CDN de Tours.

 

 

 

Mathilde Delahaye est diplômée de l’ÉSAD du Théâtre National de Strasbourg dans la section Mise en scène (Groupe 42). Au sein du TNS, elle a mis en scène Le Mariage d’après Witold Gombrowicz ; L’Homme de Quark, spectacle paysage d’après Processe de Christophe Tarkos ; Tête d’Or de Paul Claudel à la Coop de Strasbourg ; Karukinka, pièce musicale de Francisco Alvarado, en partenariat avec l’Ircam ; Trust de Falk Richter... Au sein de ses compagnies Rhinocéros puis D911, elle a mis en scène entre 2008 et 2013 La Chevauchée sur le lac de Constance, spectacle paysage d’après Peter Handke ; Nous qui désirons sans fin, spectacle paysage d’après Raoul Vaneigem ; La Sorcière du placard aux balais d’après Pierre Gripari ; Convulsion # 4 d’après les Cahiers d’Ivry d’Antonin Artaud ; Hamelin de Juan Mayorga ; 4.48 Psychosis de Sarah Kane au Fall Festival (Massachusetts, USA) ; Blessures au visage de Howard Barker. En 2017, à l’Espace des Arts de Chalon-sur-Saône comme artiste associée, elle crée plusieurs formes théâtrales et opératiques sur le site du Port Nord. En 2017, elle présente Pantagruel, petite forme itinérante à partir de textes de Rabelais, puis crée L’Espace furieux de Novarina. Dans le cadre de son association au Théâtre de Tours, elle poursuit son travail sur le théâtre paysage.

 

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