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Le bon pain se cultive avec amour

par Véronique Giraud
Le couple Thierry et Céline Seren a tout quitté pour devenir paysans boulangers. ©Rivaud/NAJA
Le couple Thierry et Céline Seren a tout quitté pour devenir paysans boulangers. ©Rivaud/NAJA
Céline Seren travaille la pâte avant de la laisser reposer. © Rivaud/NAJA
Céline Seren travaille la pâte avant de la laisser reposer. © Rivaud/NAJA
C'est dans cette ancienne bergerie du vallon Saint Pierre Saint Julien, au sud de Martigues, que le couple Seren a aménagé leur fournil. ©Rivaud/NAJA
C'est dans cette ancienne bergerie du vallon Saint Pierre Saint Julien, au sud de Martigues, que le couple Seren a aménagé leur fournil. ©Rivaud/NAJA
Thierry et Céline Seren cultivent leur blé, seigle, épeautre sélectionnés afin de faire leur farine à façon. ©Rivaud/NAJA
Thierry et Céline Seren cultivent leur blé, seigle, épeautre sélectionnés afin de faire leur farine à façon. ©Rivaud/NAJA
Style de vie Ethique Publié le 18/06/2019
Au sud de Martigues, entre vignes et garrigue, un petit chemin conduit à une ancienne bergerie. L’odeur des bêtes n’est plus, remplacée par des effluves appétissants depuis que Thierry et Céline Seren ont transformé cette simple pièce, ouverte sur les champs de blé et les vignes, en fournil pour y fabriquer leur pain de campagne.

Mais que s’est-il passé ? Que représente aujourd’hui la boulangerie pour qu’un couple ait eu l’idée de fabriquer du pain ? « Nous sommes paysans-boulangers, c’est-à-dire que nous cultivons nos céréales, nous faisons nos sélections de blé, de seigle, d’épeautre, nous préparons nos mélanges. Nous les semons nous-mêmes, les récoltons à la moissonneuse batteuse, et nous faisons notre farine à façon. Nos pains sont faits avec notre production. »

 

Dans le fournil, plusieurs sacs sont entassés. L’un contient de la farine issue d’une variété ancienne de blé, la Touzelle, cultivée biologiquement. Un autre est rempli d’un mélange d’une douzaine de variétés anciennes biologiques, dont le meunier d’Apt. Ici pas de baguettes, uniquement des pains de campagne, cinq sortes, et de seigle. « La farine composée à 100% de variétés anciennes de blés est notre farine de base, c’est tout notre savoir-faire », explique Thierry avec fierté. Les masses de deux pétrins se font face. L’un, entièrement fabriqué en bois, est utilisé pour cette farine composée à 100% de variétés anciennes de blés. L’autre, électrique, pour celle composée à 50% de blés modernes. C’est que, avec leur taux de gluten et leur faible résistance mécanique, les variétés anciennes de blés ne supportent pas le pétrissage mécanique, adapté lui aux blés modernes, plus résistants.

 

Devant la bergerie, le champ de céréales n’est pas cultivé comme l’an passé. Thierry observe la traditionnelle rotation des cultures, c’est un autre champ du vallon qui lui fournira le blé de sa farine de cette année. Une fois récolté, le blé est réparti entre d’une part les épis semés pour une nouvelle récolte et d’autre part ceux destinés à multiplier les espèces. « Nous avons commencé avec des petits sachets de graines de vieilles variétés que nous avons récupérés d’un endroit à un autre, et nous travaillons avec Agribio 13 et Agribio 04. C’est dans ce dernier que se trouve la part Grandes cultures, dédiée aux céréales. Avec les producteurs du 04, nous travaillons à remettre ces céréales anciennes au goût du jour. » Toutes ces considérations laissent penser qu’ils ont déjà l’expérience de l’agriculture. Mais non, leur savoir-faire de paysans et de boulangers, ils l’ont appris sur le tas. Pour Thierry, jusque-là ingénieur en aéronautique, et pour Céline, qui a élevé leurs deux filles, c’est une deuxième vie. Le couple a voulu s’investir dans une nouvelle vie commune. Tous deux sont nés à Martigues, où la famille de Thierry est installée depuis plusieurs siècles. Il est le dernier Seren de Martigues. « Pour nos filles, ce n’est pas le nom mais nos valeurs que nous leur transmettons ».

 

Leur pain est distribué aux restaurants qui revendiquent le bio ou le local, et le fait maison, comme Le Garage du chef martégal Fabien Morréale, rendu célèbre par l’émission Top Chef. « Il a été le premier à venir nous voir. Notre travail l’a touché, d’autant qu’il a lui-même eu une boulangerie et que c’est une passion pour lui. » Le pain des Seren alimente deux paillottes installées sur la plage de Ferrières à Martigues, et plusieurs restaurants du centre-ville. Chaque mardi, les particuliers se ravitaillent à l’étal que le couple tient au marché des Producteurs de Ferrières. Et leur pain est de tous les événements de la ville. « La particularité de notre pain, c’est d’avoir un parfum naturel. Les gens nous disent qu’il a un peu le goût de la cannelle, du pain d’épices, ou de la noisette. » Une envie de toucher la pâte que Céline sort d’un bac puis étale sur le plan en bois après l’avoir parsemé de farine. Elle la tourne, la retourne en y mettant toute sa force, puis la remet dans le bac pour la laisser reposer à nouveau. Son poids ? Environ 10 kg. Céline laisse la toucher, elle est douce, elle semble presque vivante.

 

La vie alors ? « Quand on est paysan, confie Céline, il faut faire ce qu’il faut pour que ça fonctionne, juste pour vivre ». « Nous avons eu beaucoup de monde au départ, poursuit Thierry, notre activité a dynamisé le vallon Saint Pierre Saint Julien. » Et plusieurs propriétaires, ravis de l’initiative, ont même prêté leur terre au couple pour qu’ils la cultivent. Ils ne sont plus des inconnus dans le vallon, et la qualité de leur pain a su convaincre. Cela fait seulement quatre ans que le couple est revenu à Martigues. En regard du cycle de la nature, c’est tout nouveau : « Cette année, ce sera la première fois que nous récolterons après un cycle complet : nous semons le blé en novembre, la récolte se fait en juillet, ensuite nous moissonnons, nous faisons le grain, et du grain on fait la farine qu’on va consommer de juillet à juin » explique le paysan boulanger. Leurs céréales sont en bio, leurs vignes aussi. Thierry apporte les grappes à la coopérative de la Venise Provençale toute proche, mais il aimerait bien avoir une cuvée de vin bio. Après trois ans, les premières vignes arrivent à la période de conversion, et d’autres vignes seront bientôt en bio. « L’an prochain il n’y aura pas que notre pain bio, il y aura aussi notre vin », se réjouit Thierry.

 

 

 

 

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