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Festival d’Avignon, l’épopée pour conter le monde

par Véronique Giraud
L’odyssée traverse le festival, Blandine Savetier en a fait le motif du feuilleton théâtral que le public peut suivre dans le jardin Ceccano, du 6 au 20 juillet. L'Odyssée. Image de Weeping Meadow, film de Theo Angelopoulos © Theo Angelopoulos
L’odyssée traverse le festival, Blandine Savetier en a fait le motif du feuilleton théâtral que le public peut suivre dans le jardin Ceccano, du 6 au 20 juillet. L'Odyssée. Image de Weeping Meadow, film de Theo Angelopoulos © Theo Angelopoulos
Arts vivants Théâtre Publié le 18/05/2019
La 73e édition du Festival d'Avignon multiplie les retours ou les allusions à L’Odyssée d’Homère pour en tirer les fils d'un théâtre d'aujourd'hui. Du 4 au 23 juillet, les grands noms du théâtre européen seront à Avignon.

Depuis le lointain voyage chanté par Homère à celui, dramatique, des migrants d’aujourd’hui sur la Méditerranée, l’odyssée est passée de l’invention littéraire d’un héros vainqueur, Ulysse, aux directs télévisés d’une foule anonyme de laissés pour compte, d’indésirables. Cette dualité fiction / réel parcourt la programmation très internationale du 73e Festival d’Avignon. Elle se partage équitablement entre artistes français et ceux d’autres pays, et témoigne que « les artistes français se sont beaucoup intéressé au reste du monde, et même à la rencontre de l’étranger », comme le souligne le directeur du festival Olivier Py. L’héritage d’Homère permettrait-il de mieux comprendre le présent en Europe ?

 

L’Europe et la démocratie. Trois textes fondateurs de l’Europe et de la démocratie, comme les décrit Olivier Py, ponctuent l’édition. Celui d’Homère, L’Odyssée, sera le rendez-vous du traditionnel « feuilleton de midi » dans le jardin de la médiathèque Ceccano. Blandine Savetier le fera voir et entendre (dans la traduction de Philippe Jacottet) en une série quotidienne de 13 épisodes jouée par des comédiens professionnels, des amateurs, et des élèves acteurs. Cette année, un direct Facebook est prévu pour que le public n’en rate rien. Eschyle sera revisité par Jean-Pierre Vincent qui, avec les élèves de l’école du théâtre national de Strasbourg, a mené un travail sur Orestie. Enfin, Maelle Poésy ramènera Virgile sur scène en adaptant Sous d’autres cieux, texte pour lequel Kevin Keiss s’est inspiré des souvenirs d’exil d’Énée, épopée latine. Pour ce travail sur la mémoire, Maelle Poésy s’est nourrie de recherches scientifiques et, afin d’aller au-delà des mots et incarner les oublis, a fait appel à des danseurs.

 

L’Europe et les peuples. Les mots et les musiques de poètes d’aujourd’hui se feront entendre. Pascal Rambert ouvrira le festival dans la cour d’honneur du Palais des Papes avec Architecture, un spectacle où il met en scène sa famille d’acteurs pour lesquels il a écrit ces dernières années. Réunissant Audrey Bonnet, Marina Hands, Marie-Sophie Ferdane, Emmanuelle Béart, Jacques Weber, Stanislas Nordey, Laurent Poitrenaux, Arthur Nauzyciel, Denis Podalydès, Pascal Rénéric, Rambert a écrit pour chacun d’eux afin qu’ils forment ensemble sur scène une famille dont la brutale histoire va de 1910 à l’Anschluss. « C’est l’histoire d’une famille face à l’histoire, l’histoire de l’enfer de la famille européenne telle qu’elle a pu s’imaginer être », résume le dramaturge qui juxtapose des drames intimes pour évoquer le naufrage de l’Europe (le spectacle sera capté par France TV).

Deux autres poètes se produiront dans la cour et le gymnase du lycée Saint-Joseph. Le jeune Clément Bondu fera résonner son oratorio Dévotion, dernière offrande aux dieux morts, accompagné des élèves de l’école supérieure d’art dramatique de Paris, tandis que le compositeur et metteur en scène Roland Auzet portera son théâtre musical au service de Nous, l’Europe, banquet des peuples, un texte de Laurent Gaudet qui conte l’histoire européenne. À la Chartreuse de Villeneuve lez Avignon, la violoncelliste Sonia Wieder-Atherton caressera de sa musique La nuit des odyssées, tirant à son tour le fil conducteur de cette édition devant les images de la cinéaste Chantal Ackerman.

Le rapport entre la petite histoire et la grande, le témoignage autobiographique de ceux qui ont vécu l’exil, la guerre, sont sources de création poétique pour Christiane Jatahy. La Brésilienne a traversé les pays de Méditerranée et d’Afrique, menant une longue enquête sur ceux qui se sont déplacés pour échapper au drame de l’histoire. Dans chaque pays, elle a fait jouer des passages de l’Odyssée d’Homère à des amateurs, les a filmés. Ces images sont la toile de fond pour les comédiens de O demora (Le présent qui déborde), un spectacle-voyage qui ne s’achève pas sur l’île d’Ithaque mais dans l’Amazonie d’aujourd’hui, objet de tensions et d’affrontements mêlant l’écologie à la politique.

 

N'oublier personne. On sortira de l’Europe pour entendre d’autres cultures que le théâtre nous fait approcher. Ordinary People, spectacle que le pékinois Wen Hui et la praguoise Jana Svobodovà ont imaginé, fera entendre les cris et les paroles des gens ordinaires dont on n’entend jamais la voix. Cette fois, ils la font porter sur la scène d’un des plus grands théâtres de monde, comme un nouvel écho à la démocratie, comme un appel vibrant du peuple invisible.

Tue, elle aussi, l'histoire coloniale de la France apparaît peu au théâtre. Après les tirailleurs sénégalais, Alexandra Badea s’est intéressée au massacre des Algériens rassemblés en d’octobre 1961 pour manifester à Paris. Quais de Seine est le second volet de la trilogie Points de non-retour.

 

Serebrennikov salue Ren Hang. Même assigné en résidence à Moscou, Kirill Serebrennikov est parvenu à soulever le baillon qui voudrait le faire taire. Le cinéaste et dramaturge russe, enfin libéré sous contrôle judiciaire, ne sera pas présent à Avignon mais le festival programme sa dernière création. Elle recèle des accents autobiographiques, bien que le support provienne des textes et des images d’un poète et photographe chinois Ren Hang à qui il rend hommage. En attendant le festival et la création de Outside, on peut découvrir l'œuvre de Ren Hang à la Maison européenne de la photographie à Paris, qui lui consacre une grande exposition institutionnelle, la première en France. Elle témoigne de toutes les facettes de la créativité de cet immense artiste qui, suicidé à l’âge de 29 ans, laisse un corpus majeur et audacieux nourri par un questionnement sur le rapport à l’identité et à la sexualité.

Le festival s’achèvera sur la musique de 120 battements par minute, interprétée dans la cour d’honneur par le compositeur et DJ Arnaud Rebotini et un ensemble instrumental, avec des images du film de Robin Campillo et Philippe Mangeot qui se mêleront à des textes de Jean-Luc Lagarce.

Cette édition du festival d'Avignon ne se résume pas à ces quelques spectacles. 180 levers de rideau parcourront la cité des papes entre le 4 et le 23 juillet.

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