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« Pelléas et Mélisande », difficile confrontation avec le présent

par Véronique Giraud
"Pelléas et Mélisande", mise en scène par Julie Duclos. Création le 5 juillet à La Fabrica. © Christophe Raynaud De Lage / Festival d'Avignon
Arts vivants Théâtre Publié le 06/07/2019
Pour sa première à Avignon, la jeune metteure en scène Julie Duclos adapte "Pelleas et Melisande" de Maurice Maeterlinck. Un choix de texte difficile pour un temps présent.

Maurice Maeterlinck est-il l’auteur le mieux placé pour parler d’aujourd’hui ? Rien d’évident mais Julie Duclos en fait le pari, elle qui, pour sa première création au festival d'Avignon, a choisi d’adapter Pelléas et Mélisande. La dimension symboliste du texte a inspiré les grands musiciens du début du XXe siècle, parmi lesquels Claude Debussy dont la partition a marqué l’histoire de l’opéra et le contemporain Alexandre Desplat, à qui il a inspiré en 2013 une symphonie concertante pour flûte et orchestre.

Pour la scène, la pièce a été représentée au début du XXe, elle se fait moins présente au XXIe. L’amour interdit, qui rythme l’action de Pelléas et Mélisande, met sur scène des personnages dont on ne saura rien, ou très peu. Fort symbole, la forêt où l’on se perd, où l’on se réfugie dans sa fuite, où l’on trouve l’autre par hasard, où les destins se scellent par la force des choses. À l'intérieur, la pénombre d’un château dont la pièce maîtresse est la chambre. Échapper à sa condition, s’enfuir en quête d’un refuge, se laisser surprendre par le sentiment d’un amour que la règle réprouve et qui peut engendrer la fureur et la violence de l’être trahi, tous ces ingrédients font sens dans l’histoire de l’humanité.

Julie Duclos les introduit avec force beauté sur un écran où, fermant entièrement la scène, défilent à grand rythme les images en noir et blanc de guerres, d'un loup qui rôde dans la forêt enneigée, d'un torrent dont la puissance menace les éléments, d'un champignon atomique… Puis, des voix se font entendre, s'interrogent, se répondent. Mais lorsque l’écran fait place au dispositif scénique, lorsque les personnages viennent dans la pénombre de la scène, faiblement éclairée par les deux étages du château, l’élan de cette vitalité disparaît, laisse place à une langueur distanciée qui affadit l'esthétique d'un texte qui célèbre le non-dit et se situe délibérément hors du temps. Engendrant au final un étrange anachronisme.

Le langage symboliste de Maeterlinck n'occupe pas ici l'espace. À l’ère du langage direct, frontal, les repères se fondent dans l’obscurité pour faire planer un vide. Si le parti pris de Julie Desclos est l’onirisme, les moyens scéniques et techniques ne servent pas le rêve d’aujourd’hui. La caméra n’ouvre pas vers ailleurs, elle fait écran. Il semble que la metteure en scène, très attendue, ait multiplié les portes d’entrée sans en privilégier aucune. Au risque de perdre le spectateur, troublé de cette impuissance, cette inactivité face à un destin qui se veut inéluctable. « Comme si une force invisible fabriquait l'histoire, enveloppait les personnages, pour s'abattre sur eux » explique Julie Duclos.

 

Pelléas et Mélisande, texte de Maurice Maeterlinck. Direction : Julie Duclos. Avec Vincent Dissez, Philippe Duclos, Stéphanie Marc, Alix Riemer, Matthieu Sampeur, Émilien Tessier. Et en alternance Clément Baudouin, Sacha Huyghe, Eliott Le Mouël. Création 2019 au Festival d'Avignon 2019, les 5, 6, 7, 9 et 10 juillet, La Fabrica, 18h.

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