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Bach / De Keersmaeker, Accords / À corps

par Véronique Giraud
Arts vivants Danse Publié le 08/07/2019
Anne Teresa De Keersmaeker a pensé sa dernière création en symbiose avec les partitions des six concertos brandebourgeois de Jean-Sébastien Bach. Invitée de Montpellier Danse, elle la présente sur la scène de l'opéra où les corps des danseurs vibrent de la sonorité des instruments. Ou est-ce l'inverse ?

La musique de Bach accompagne depuis vingt-cinq ans le travail d’Anne Teresa De Keersmaeker. Elle lui a inspiré Toccata sur des fugues et partitas, Partita 2 avec Boris Charmatz, les suites pour violoncelle furent un quatrième rendez-vous avec l’œuvre du compositeur allemand. En 2019, une nouvelle étape est franchie avec l'intégralité des concertos brandebourgeois. Pour répondre au défi d'un tel cycle, la chorégraphe explique : " Il faut élaborer un nouveau système et, tout comme Bah, s'imposer des règles" et de poursuivre : "J'essaye de répondre par un contrepoint chorégraphique au contrepoint musical de Bach, mesure par mesure, et de faire coïncider la logique du vocabulaire dansé avec la musique".

Sur la scène de l'opéra Corum de Montpellier, le décor est d'une grande pureté. Le mur du fond est habillé d’un panneau immaculé traversé de haut en bas par plusieurs liens soutenant des sphères métalliques qui s’alignent au ras du sol, blanc lui aussi. Les danseurs sortent des coulisses pour s’élancer avec légèreté vers le fond où ils forment une ligne puis parcourent à l’unisson la distance qui les sépare du bord de la scène, marquant de leurs pas légers le rythme des instruments. Au diapason des musiciens que dirige la violoniste Amandine Beyer, quinze lignes sont gravées du pas de cette foule humaine, depuis le blanc du fond à l'obscurité menant au vide. Les quinze danseurs et danseuses, vêtus de costumes et de tailleurs pantalon noirs, vont et viennent avec la grande élégance d’un podium de mode. Les musiciens leur font face, en contrebas de la scène. Seules leurs têtes dépassent, tournées vers les danseurs qui, tout près du vide, joignent leurs regards à ceux des musiciens du B' Rock Orchestra.

 

Des inventions qui collent à la musique. Chaque concerto est annoncé par un garçon qui tient à bout de bras un panneau où s’affiche le numéro. C’est un moment de détente, un intermède qui contraste avec la beauté à couper le souffle produite par chacun des concertos. Si le premier passage décontenance, les suivants sont salués par des rires et des applaudissements. Les six concertos se suivent et chacun diffère par le nombre des danseurs et leurs trajectoires. Ils s'élancer dans les airs, atteignent à peine le sol, s'élancent à nouveau, les mouvements des bras et des têtes marquent une autre direction. Près d'eux, un danseur réalise un solo, gravant une autre trajectoire de son corps tournoyant toujours à la limite du déséquilibre. Le 5ème se distingue par un prodigieux solo qui, cette fois, est la ligne maîtresse.

 

Une chorégraphie musicale. Les pas des danseurs collent à la musique, ou s’en décalent. La musique habite leurs corps, les fait se ployer, les propulse vers les airs, tandis que leurs bras plongent vers le sol. La danse qui s'écrit devant les yeux du spectateur est toute musique. Même en fermant les yeux pour se concentrer sur les notes, l'esprit recompose l’élégance des corps. La musique prend corps et s'en trouve magnifiée. Autant par l’interprétation d’Amandine Beyer et l'orchestre que par les mouvements dansés traçant leur sillon sur la scène. Lorsque les musiciens ne jouent pas, ils restent assis au premier rang pour assister au spectacle. L’osmose est là, se produit une intimité entre corps et accords.

 

Les six Concertos brandebourgeois. Anne Teresa De Keersmaeker & Amandine Beyer. Rosas & B'Rock Orchestra. Les 5 et 6 juillet à 20h, Opéra Berlioz / Le Corum. Festival International Montpellier Danse 2019.

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