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 » En 18 ans, le nombre d’écoles et d’artistes de cirque a explosé « 

par Véronique Giraud
Le grand chapiteau de CIRCA à l'heure du festival. ©Giraud/NAJA
Le grand chapiteau de CIRCA à l'heure du festival. ©Giraud/NAJA
Arts vivants Cirque Publié le 21/10/2019
CIRCA Auch est la grande fête du cirque actuel. Né il y a 18 ans dans la petite ville du Gers, il témoigne des acquis de la formation professionnelle et de l'évolution formelle d'un art qui se construit et circule partout dans le monde. Pour Marc Fouilland, à la tête de CIRCA depuis ses débuts, c'est la dernière édition. Rencontre.

Quelle est la tonalité de cette 32e édition de CIRCA Auch, du 18 au 27 octobre ?

Elle est donnée par Circo Strada, réseau mondial de cirque et arts de rue. Les trois premières éditions ont été organisées à La Villette, la quatrième à Bruxelles en 2017 et l’édition 2019 se déroule à Auch. Elle est axée sur la problématique du cirque et du territoire. Cela permet de montrer aux acteurs du cirque des grandes métropoles du monde comment sur un tout petit territoire comme le nôtre on a pu développer le cirque et devenir un centre national. En France, les grandes villes ont leur grand théâtre et, quand le cirque a été reconnu comme un art, il y a une trentaine d’années, il n’y avait pas de place pour lui. Du coup, pour se développer, le cirque s’est beaucoup appuyé sur les territoires ruraux, ou péri-urbains.

 

Quelles sont les tendances esthétiques du cirque cette année à Auch ?

Un cirque qui continue à se libérer du formatage, qui continue à construire avec les autres arts, à s’en nourrir, comme celui de la compagnie Barro D’Evel avec son spectacle créé à Barcelone et en première en France à Auch. Un cirque qui s’enracine dans ses spécificités, le mât chinois par exemple développé par Monstro, ou par Instable. C’est aussi un cirque qui continue à chercher son rapport au public, en frontal, en bi-frontal, en circulaire. Le cirque en 3D fait son apparition.

 

Fresh Circus réunit les professionnels, de quoi s'agit-il ?

Il s’agit principalement d'échanges d’expériences. Nous l’avons axé sur les écoles de cirque, dont la forte présence est une autre spécificité du festival. 650 participants seront accueillis à Auch du 22 au 24 octobre. L’idée de Fresh Circus est de faire venir de nombreux témoins du monde entier pour parler de leur expérience du cirque, échanger, et permettre de dégager des problématiques. Qu’il s’agisse d’esthétique ou de rapport au territoire. Le cirque social par exemple domine en Amérique du sud, ou en Éthiopie. Chaque acteur vient témoigner avec un partenaire, public ou associatif, qui l’aide dans la construction de son projet de développement. Ces mises en partage permettent de dégager des formes communes pour continuer à développer et faire connaître les formes nouvelles du cirque.

 

La dimension sociale et sociétale habite en effet les arts vivants actuels…

Oui, et je pense que le cirque a beaucoup amené cette dimension-là, davantage encore que d’autres arts vivants. Il a amené également une dimension internationale. Il circule dans le monde entier et dans certaines équipes de cirque, il n’y a pas une langue commune aux artistes. Ces choses questionnent, l’identité en particulier. Ainsi le spectacle du GDRA, de nulle part, qui met en scène une institutrice vivant en Guyane française, au milieu de la forêt amazonienne. Tentant de défendre sa propre identité ethnique tout en étant une enseignante de l’Éducation nationale, de la République, elle pose les questions de l’isolement, de ce qui fait république, ce qui fait frontière. Des questions que beaucoup se posent.

 

Cela fait 18 ans que vous portez CIRCA et animez la promotion et le développement du cirque, quel bilan en faites-vous ?

Par le hasard de l’histoire nous avons eu la chance à Auch que CIRCA naisse avec le cirque contemporain. Défini comme étant le cirque pratiqué par des artistes sortis des écoles, qui ont cinq, sept ans de formation professionnelle, qui ne viennent ni des familles dans la tradition, ni d’une génération spontanée comme les Plume et Archaos dans les années 70. CIRCA est donc arrivé il y a trente-deux ans au moment où est fondé le CNAC (Centre National des Arts du Cirque). En 18 ans, le nombre d’écoles et d’artistes a explosé un peu partout. Ainsi que les structures de politique publique en faveur du cirque dans le monde. Je fais le bilan à la fois d’une richesse énorme et de l’immense travail à faire encore pour le faire connaître. C’est encore un art méconnu. Alors que le public est là.

 

Que manque-t-il au cirque contemporain pour être mieux reconnu ?

Il n’y a pas suffisamment de représentations, de lieux. Dans certains lieux, il y a encore une programmation du cirque comme remplissage, à proposer aux familles. On ne fait pas l’effort, comme on le fait pour la danse, le théâtre ou la musique, d’aller sur des champs plus risqués artistiquement, plus innovants. Le cirque reste enfermé dans une image ancienne. En programmant un ou deux spectacles par an dans un théâtre, on ne donne pas un aperçu suffisant du cirque au public pour attiser sa curiosité. D’autant qu’en ne programmant qu’un seul spectacle, les grands théâtres choisissent plutôt une solution facile, qui va marcher, à l’instar d’un pan connu du cirque québécois.

 

Quelles sont alors les pistes pour demain ?

C’est la reconnaissance du cirque, que le public ait davantage la possibilité d’aller à la rencontre des œuvres. Elles sont d’une telle diversité ! Et les artistes, de plus en plus nombreux, osent. Encore plus aujourd’hui. Ils vont jusqu’au bout de leurs idées. Ils se disent : on va faire le maximum et on verra bien ce qui se passe ! Du coup ça donne davantage de liberté, et des projets singuliers.

 

Vous quittez le CIRCA, quels sont vos projets pour l’art et la culture dans le Gers ?

L’art et la culture dans le Gers, c’est comme tout le service public dans le milieu rural : il faut l’amener, le développer, le maintenir. Il y a aujourd’hui une prise de conscience de l’intérêt de l’art et de la culture, même par les élus ruraux. Les médias et le numérique apportent l’information partout. L’une de mes tâches sera de travailler avec les communautés de communes pour voir comment mettre en place une vie culturelle, tant en termes de diffusion, de pratiques, d’enseignement dans les établissements scolaires. L’enjeu est là.

 

CIRCA Auch fait sans doute exemple…

Bien sûr. Même si elle met beaucoup de moyens, il y a pour cette ville de 23000 habitants à la fois un retour économique et un retour d’image très importants. Dans le Gers, il y a d’autres exemples comme Jazz in Marciac, il ne manque pas d’initiatives citoyennes pour créer des contextes pour le développement de la culture. Après, il faut les accompagner, faire prendre conscience aux élus de la dimension économique de ces projets. Ils reposent sur un grand bénévolat. Le Gers est même le département où il y a le plus grand nombre de bénévoles investis dans des manifestations culturelles et des associations. Nous avons un immense réseau de cinémas, il y a quasiment une salle dans chaque chef-lieu de canton. Ces salles reposent beaucoup sur le bénévolat et sur des associations locales qui veulent que dans leur commune il y ait une salle de cinéma. Le conseil départemental a racheté toutes les salles fermées et en a fait construire d’autres pour maintenir la diffusion du cinéma. Il faut accompagner les autres arts à faire de même.

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