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50 ans au Collège de France, le parcours de Jacques Glowinski

par Véronique Giraud
"Le Cerveau-architecte, Le Collège de France dans le XXIe siècle", ouvrage que Jacques Glowinski a co-écrit avec le journaliste François Cardinali, est publié aux éditions
Hors-Champs Croisement Publié le 16/12/2016
Jacques Glowinski a passé 50 ans au Collège de France en qualité de chercheur, professeur titulaire de la chaire de neurophysiologie, administrateur, et même responsable du projet de sa rénovation. Ses recherches sur le cerveau l'ont amené à prendre son architecture pour modèle d'organisation.

Jacques Glowinski vient d’obtenir sa thèse en pharmacie quand il intègre le Collège de France en 1960. Sa rencontre avec Alfred Fessard, alors professeur au Collège de France et titulaire de la chaire de neurophysiologie, détermine sa voie vers la neurochimie. « De cette discipline, on connaissait peu de choses en matière de neurotransmission dans le cerveau, alors que les travaux de Jean-Pierre Changeux sur la jonction neuro-musculaire avaient contribué à une grande avancée dans la connaissance » précise-t-il.

Il commence ses recherches à l’Institut Pasteur de 1961 à 1963, puis part travailler aux États-Unis où il rejoint le laboratoire de Julius Axelrod, prix Nobel de médecine 1970. De retour en France avec une bourse américaine bien dotée, Jacques Glowinski est de nouveau accueilli par les Fessard et développe progressivement l’unité de recherche INSERM U114 en neurobiologie pharmacologique. De 1983 à 2006, il est professeur et titulaire de la chaire de neuropharmacologie au Collège de France où il côtoie deux personnalités de renom, les neurophysiologistes François Morel et Yves Laporte. « Il avait une vision du Collège de France, c’est lui qui l’a agrandi en libérant les locaux de polytechnique, puis récupéré les locaux de la rue d’Ulm » ajoute-t-il à propos d'Yves Laporte.

 

23 années de rénovation. « J’ai toujours aimé l’architecture. J’étais désolé de voir l’état du Collège en repensant aux instituts américains que j’avais visités, en particulier l'Institut de San Diego. J’ai donc écrit un petit projet, que j’ai remis à Marc Fumaroli. Ce dernier est allé rencontrer son ami Biazoni et Jack Lang. En quelques semaines, il a été décidé que le Collège de France serait rénové dans le cadre de la mission des grands travaux. Ce fut la dernière grande opération de Mitterrand. Il y avait peu d’argent, on savait qu’il faudrait prévoir le financement sur plusieurs années. » C’est ainsi que fut entérinée en 1991 la rénovation du Collège de France. André Miquel, alors administrateur de l’institution, nomma responsable de ce grand projet Jacques Glowinski, qui ignorait que l'entreprise durerait 23 années.

« On ne peut pas mener un tel projet seul. J’ai donc créé un groupe de réflexion du Collège ». Au départ, la priorité était le site Marcelin-Berthelot. Très rapidement, il est apparu que la rénovation devait se concevoir dans son ensemble, et qu'il était nécessaire de transférer les quatre bibliothèques spécialisées sur un autre site. L’organisation même de l’institution était à repenser, avec l’idée de déborder en périphérie.

 

Un travail en équipe. « J’aime le travail en équipe, quand j’étais jeune j’ai pratiqué le handball. J’ai eu la chance de faire partie très jeune du Club Jean Moulin, et l’oncle de ma femme, le directeur de la régie Renault Claude Dreyfus, m’a beaucoup appris sur l’industrie et la politique. Mon patron américain Julius Axelrod le disait : « si on veut recevoir, il faut savoir donner » évoque Jacques Glowinski.  Sa dernière histoire collective, il l’a vécue à l’Inserm avec le directeur général de l’institut national Philippe Lazare, qui a réuni pendant dix ans, un après-midi par semaine, un collège de personnalités de la recherche. « Il n’avait pas peur des conflits et avait l’art de la négociation », se souvient-il. Cette succession d’événements façonne l’histoire de l’ouvrage Le cerveau-architecte. Le Collège de France dans le XXIe siècle, que Jacques Glowinski vient de publier et qu’il a co-écrit avec le journaliste François Cardinali.

« Ce livre est une histoire à 4 temps, histoires superposées qui s’enchevêtrent vers la fin » résume-t-il. La première est la création d’un groupe de recherche en neuropharmacologie au Collège. Une création réalisée grâce à la collaboration avec l’industrie, Rhône-Poulenc en l’occurrence, à une époque où cela ne se faisait pas. C'est devenu progressivement une école dans laquelle la plupart des neuropharmacologues français actuellement dans le monde ont été formés. « Ce qui m’intéressait c’était la sociologie du montage d’un groupe, il y a là une spécialité française ». La deuxième histoire raconte le moment où, responsable de la rénovation du Collège, il a dû cumuler les fonctions. « C’est comme cela que ça s’est passé. Je ne savais pas que ce serait si long, si compliqué. Mais ça a été une succession d’aventures ». À la fois d’architecture, d’organisation, de réflexion sur le futur de l’institution, de bagarres pour obtenir des moyens financiers, d’incessantes négociations politiques, autant de difficultés à surmonter.

 

Jusqu'à la fin du chantier. En 2006, alors que Jacques Glowinski cesse ses fonctions de professeur et d’administrateur, Pierre Corvol puis Serge Haroche, tour à tour administrateurs, lui demandent de poursuivre le projet de rénovation. Jusqu’à la nomination d’une responsable de l’administration à qui revient le dernier acte du chantier : la rénovation du site Cardinal-Lemoine. « Cette période de ma vie m’a ouvert de nouvelles perspectives ».

Nommé par le Préfet de Région garant de la concertation pour une opération d’urbanisme d’intérêt national située dans l’Essonne et les Yvelines, il a participé à la préparation de l’aménagement du campus du plateau de Saclay et au développement d’un pôle industriel au niveau de Saint-Quentin. « Pendant trois ans, j’ai été chargé des relations avec le monde industriel et tous les ensembles universitaires (Polytechnique, Centrale, etc.). Personne ne comprend pourquoi c’est si difficile. Tout est lié aux comportements. »

 

Vers un modèle applicable. « Toutes ces rencontres et expériences m’ont conduit à une sorte de synthèse et j’ai mené une réflexion pour déterminer comment simplifier l’organisation des fonctions cérébrales pour qu’on puisse facilement la représenter ou l’expliquer. Je me suis servi d’un modèle simplifié d’organisation architecturale du cerveau pour l’appliquer progressivement à d’autres domaines. Par exemple à l’architecture, pour la réorganisation du Collège de France, puis du Campus de Saclay, puis, comme je le décris à la fin de l’ouvrage, aux systèmes complexes avec une méthode de concertation-négociation liée à ce modèle. »

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