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Précurseur : Jiri Menzel, cinéaste du Printemps de Prague

par Véronique Giraud
Jiri Menzel est avec Milos Forman, Pavel Juracek et Vera Chytilova, l’initiateur d’un nouveau cinéma né à Prague dans les années 60. © Del Gatto / NAJA
Jiri Menzel est avec Milos Forman, Pavel Juracek et Vera Chytilova, l’initiateur d’un nouveau cinéma né à Prague dans les années 60. © Del Gatto / NAJA
Cinéma Film Publié le 03/12/2014
Né à Prague en 1938, Jiri Menzel obtient avec "Trains étroitement surveillés" l’Oscar du meilleur film étranger en 1968. Restauré par Malavida Films, il ressort dans plusieurs salles.

Comment avez-vous réagi à 28 ans au succès de Trains étroitement surveillés, qui signait, en Tchécoslovaquie, une nouvelle culture de liberté ?

J’ai été très heureux de voir les réactions au film à l’étranger, d’autant plus que j’avais d’abord fait ce film à destination du public tchèque. Aujourd’hui encore, je reste surpris de voir ce film susciter des réactions positives un peu partout dans le monde. Avant Trains étroitement surveillés, d’autres films de certains de mes collègues, Milos Forman, Pavel Juracek ou Vera Chytilova, avaient déjà été montrés ici et m’avaient ouvert la porte.

 

 

Dans cette explosion culturelle, le cinéma a pris une grande place. Est ce du à l’importance de la Famu, la prestigieuse école du cinéma de Prague ?

La Famu était une école assez libérale pour l’époque. Nous pouvions discuter avec nos professeurs de façon relativement ouverte, y compris les professeurs qui enseignaient les matières politiques. C’était un îlot plus ouvert et il est sûr que cet esprit là, lorsque la nouvelle vague tchèque débute, a contribué au dégel politique progressif des années 60 qui mènera au Printemps de Prague. Ce désir d’une libéralisation, qui était présent dans la société, a fortement influencé ce que nous faisions.

 

 

Alors que d’autres partent en exil, vous restez dans votre pays en 1968. Quel impact l’invasion soviétique a-t-elle eu sur votre création ?

Je venais de terminer le tournage d’un film, mis en place pendant ces quelques mois de liberté d’expression de la première moitié de 68, « Alouettes le fil à la patte ». Une fois le film achevé, la nouvelle direction des studios Barrandov l’a interdit. Ce qui s’est passé c’est que des personnes qui dans le passé avaient eu le désir de faire du cinéma mais n’en avaient pas le talent, se sont retrouvées à des postes qui leur donnaient du pouvoir, et la possibilité de décider des nouveaux courants, de dicter la marche à venir en matière de cinéma. Les conséquences se sont fait sentir bien sûr.

 

 

Le dialogue de votre cinéma avec l’œuvre de Bohumil Hrabal, ce « créateur du roman moderne » comme dit Kundera, est-il important ?

Mon professeur à la Famu, Vavra, nous disait toujours que la littérature est la grande sœur sinon la mère du cinéma, que le cinéma avait beaucoup à apprendre de la littérature et du théâtre. L’adaptation cinématographique d’une œuvre littéraire a parfois des aspects plus complexes que le simple fait de filmer un scénario. Il est nécessaire de trouver le langage le mieux adapté pour rendre l’esprit du livre. Je pense aussi qu’une des missions du cinéma est de populariser, de diffuser des œuvres littéraires, à travers une autre forme et auprès d’un public qui ne va pas forcément acheter des livres régulièrement et parfois lui donner envie de lire l’œuvre après. Je suis assez fier d’avoir vu les ventes des livres de Hrabal augmenter après la sortie des Trains ou de mes autres films adaptés de ses œuvres. De même que les livres de Vladislav Vancura après Un été capricieux.

 

 

Dans plusieurs endroits du monde on redécouvre vos films. A Bruxelles en février, à Paris aujourd’hui.

Peut-être que ces films ont quelque chose à dire encore aujourd’hui. Après une rétrospective à Rio de Janeiro, certains films ont été projetés en Inde. C’est surprenant. A l’origine, je faisais ces films pour les spectateurs tchèques, pour mes concitoyens. Et cela vaut aussi pour mes collègues de la nouvelle vague dont les films sont connus de par le monde. Je n’ai jamais eu l’ambition d’être connu à l’étranger ou de réfléchir par rapport à cela. Je n’ai d’ailleurs jamais eu l’ambition de faire des films complexes, ou des films d’art. Ce qui m’intéressait c’était de remplir mon devoir d’artisan, de faire des films du mieux que je pouvais. Mais j’ai toujours cherché à ce que ces films ne s’adressent pas seulement aux intellectuels, aux plus cultivés mais qu’ils s’adressent aussi aux gens normaux, au peuple. Ma mère était couturière, un femme du peuple, mon père, lui, était un intellectuel très cultivé, et à chacun de mes films je me disais qu’il fallait que je le fasse de façon à ce que ma mère puisse le comprendre, mais que je n’ai pas à avoir honte face à mon père.

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