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À Montpellier, les comédiens viennent au Printemps

par Véronique Giraud
"DON JUAN" de Frank Castorf fera sa première en France au Domaine d'O. © Horn
Ludmilla Dabo dans
Ludmilla Dabo dans "Une femme se déplace", magnifique portrait de Nina Simone créé par David Lescot. Cette comédie musicale avec 15 comédiens, danseurs.ses, chanteurs.ses, musiciens.nes. © Christophe Reynaud de Lage
Arts vivants Théâtre Publié le 14/05/2019
D’un printemps des Comédiens à un autre, les arts vivants animent le domaine d’O. Sous les pins, près des bosquets, en salle, sous chapiteau, les compagnies façonnent de mille et une facettes le miroir de nos sociétés. Du 31 mai au 30 juin.

Jean Varela a composé un nouveau Printemps des Comédiens qui fait venir à Montpellier des metteurs en scène exigeants ne redoutant pas les défis, Frank Castorf, Julien Gosselin, Simon Mc Burney, et des auteurs sensibles, David Lescot et son vibrant hommage à Nina Simone avec Une femme se déplace et Pascal Rambert qui, avec le chorégraphe Rachid Ouramdane, compose Mont Vérité comme un hymne à la beauté, à la liberté, à la jeunesse.

Grand nom de la nouvelle génération, Cyril Teste revient avec son collectif MxM pour son adaptation, sur la scène et sur écran, du film de John Cassavetes Opening Night. En se mesurant à l’œuvre singulière du cinéaste américain, il signe aussi le retour sur scène tant attendu d’Isabelle Adjani.

 

Un théâtre de la démesure. Après La cabale des dévots, le roman de Monsieur Molière, spectacle magistral monté au festival d’Avignon en 2017, Frank Castorf retrouve Molière, et son Don Juan dont la première en France est donnée au Printemps des Comédiens. Pour celui qui pendant vingt-cinq ans fut l’intendant de la Volksbühne de Berlin, construire un spectacle c’est avant tout parler du théâtre. Et le faire parler. Ici avec Molière et… Georges Bataille, Heiner Müller, Blaise Pascal, Alexandre Pouchkine, pour un spectacle où, durant trois heures, les comédiens accomplissent dans une arène politique, une performance effrénée et virtuose qui joue avec l’insolence.

Julien Gosselin aime lui aussi la démesure. Défiant les spectateurs de ses spectacles au long cours, comme à Avignon l’an dernier avec son adaptation en neuf heures de trois livres de Don DeLillo. Il fait à nouveau entendre et voir l’écrivain américain, qui décidément le fascine, en déployant son théâtre d’images avec Le marteau et la faucille… en seulement 60 mn ! Avec Simon Mc Burney, dont The Encounter avait ébloui les festivaliers en 2017, gageons que La Cerisaie de Tchekhov n’aura plus la même résonance. Décrivant la fin d’un monde, le texte empreint de la nostalgie des choses et des lieux est ici interprété par l’une des plus prestigieuses troupes européennes, l’Internationaal Theater Amsterdam, habituée aux réalisations exigeantes d’Ivo van Hove (spectacle en néerlandais surtitré en français). Autre esthétique avec Jean Bellorini qui, après Hugo, Dostoïevski, Rabelais, consacre à Proust Un instant, élégante digression et ode à la mémoire inspirée de La recherche du temps perdu.

 

L'écho à la violence d’aujourd’hui. Avec Tous des oiseaux, Wajdi Mouwad écrit les douleurs de l’ennemi à travers le récit d’Eitan, jeune scientifique allemand d’origine israélienne confronté à un violent conflit avec son père... Tandis que Sylvain Creuzevault s’inspire du Capital de Marx pour revenir sur le renversement de la Monarchie de Juillet de Louis-Philippe, qui conduit le peuple parisien à veiller à ne pas se voir confisquer le mouvement révolutionnaire au cours duquel la question sociale du travail a surgi dans la sphère politique. Son Banquet Capital offre un étonnant écho à la colère populaire qui gronde aujourd’hui dans les rues de Paris et d’ailleurs. Avec force et talent, le théâtre s’approprie les mouvements de société.

 

Une traversée des imaginaires. Plusieurs auteurs font leurs premiers pas au Domaine d’O avec des belles surprises. Machine Théâtre, troupe née au creuset de l’école montpelliéraine, capte de façon bouleversante la puissance et le désespoir de Crime et Châtiment, le chef d’œuvre de Dostoïevski. Réduit à un être pantelant - fulgurant Frédéric Borie - écrasé par l’acte qu’il a choisi pour se donner un destin. L’auteure Anne Sibran a décidé de porter au théâtre son roman Je suis la bête. Elle a confié à Julie Delille à la fois la mise en scène et l’interprétation du personnage de Milène, jeune femme abandonnée dans son enfance, recueillie et élevée par un animal sauvage, puis capturée et forcée de s’adapter au monde civilisé… Dans un tout autre registre, un salutaire délire d’imagination se déversera sur le public pour quelques soirs quand le comédien Pierre Misfud donnera sa Conférence de choses tel un raz-de-marée drôlissime des mots de François Gremaud. Ou quand le public ira dans La clairière du grand n’importe quoi pour une traversée extratemporelle d’un monde où tout est possible puisqu’il est le fruit de l’imagination d’Alain Béhar.

Les arts du cirque ont une belle place grâce au lieu magique qu’est le Domaine d’O. Avec ses cinq scènes, il n’accueille pas moins de trente-cinq spectacles, des animations, une librairie, un restaurant, et la fête de la musique pour un mois complet de fêtes culturelles et populaires. Le Printemps des Comédiens démontre une nouvelle fois son exigence de théâtre pour tous.

 

Le Printemps des Comédiens

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