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Angoulême, une ville qui grandit de bulles en bulles

par Véronique Giraud
Les planches sortent du papier pour habiller les murs d'immenses fresques dessinées. ©Rivaud/NAJA
Les planches sortent du papier pour habiller les murs d'immenses fresques dessinées. ©Rivaud/NAJA
La bande dessinée se niche partout dans la ville. ©Rivaud/NAJA
La bande dessinée se niche partout dans la ville. ©Rivaud/NAJA
L'image est omniprésente dans le paysage public. ©Rivaud/NAJA
L'image est omniprésente dans le paysage public. ©Rivaud/NAJA
La statue de Corto Maltese domine la passerelle menant à la Cité de la Bande dessinée et de l’image. ©Tréviers/NAJA
La statue de Corto Maltese domine la passerelle menant à la Cité de la Bande dessinée et de l’image. ©Tréviers/NAJA
La très grande bibliothèque de la Cité de la bande dessinée. ©Rivaud/NAJA
La très grande bibliothèque de la Cité de la bande dessinée. ©Rivaud/NAJA
Le musée de la Cité de l'image est aussi un lieu qui encourage à expérimenter sa créativité. ©Rivaud/NAJA
Le musée de la Cité de l'image est aussi un lieu qui encourage à expérimenter sa créativité. ©Rivaud/NAJA
Dans le musée de la Cité internationale de l'image, passé et présent se conjuguent. ©Rivaud/NAJA
Dans le musée de la Cité internationale de l'image, passé et présent se conjuguent. ©Rivaud/NAJA
Au bord du fleuve Charente, séparée d'une passerelle de la Cité, l'école internationale de l'image a investi une friche laissée par l'industrie du papier. ©Rivaud/NAJA
Au bord du fleuve Charente, séparée d'une passerelle de la Cité, l'école internationale de l'image a investi une friche laissée par l'industrie du papier. ©Rivaud/NAJA
Livre BD Publié le 25/01/2020
2020 est l’année de la BD en France, et son Festival international ouvre sa 47e édition le 30 janvier.

Dans la ville de Marguerite de Valois, on fait des bulles. Angoulême vit en effet au rythme de la bande dessinée, dont le festival international ouvre le 30 janvier. L’UNESCO a désigné Ville Créative l’ancienne cité des Valois. De quoi imposer au monde un champ d’écriture qui a mis long temps à accéder au rang de création littéraire. Mais, depuis sa reconnaissance comme art à part entière, ce domaine de création, qui mêle invention graphique et écriture, a réveillé il y a 25 ans un marché de l’édition atone. 44 millions d’exemplaires ont été vendus en 2018. S’échappant avec bonheur du seul album jeunesse, il a envahi les rayons des librairies de ses romans graphiques, mangas, documentaires, historiques, biographies, et bien sûr et toujours de ses super héros. Cette magnifique vitalité témoigne aussi de la longue histoire de personnages qui font série depuis des décennies, celles aussi de dessinateurs hors pair qui ont pour caractéristique d’avoir pour la plupart un solide sens de l’humour, du détail et de l’observation, allié à une simplicité peu répandue dans l’univers du livre.

Angoulême a su accompagner cette petite révolution. De la royale Marguerite de Valois au roturier belge Franquin, elle risqua un audacieux pas de côté en 1974 avec un premier Salon international de la bande dessinée. Porté par un trio de passionnés, Jean Mardikian alors adjoint à la culture du maire d’Angoulême et deux comparses Francis Groux, collectionneur, Claude Moliterni, éditeur et spécialiste de la BD (décédé en 2009). C’est le Festival de Lucca en Italie, alors plus importante manifestation du genre en Europe, qui servit de modèle et, parmi les premiers invités internationaux figuraient Hugo Pratt, dont une statue de Corto Maltese domine la passerelle menant à la Cité de la BD, et Burne Hogarth, dont le Tarzan a fait rêver des générations. Un Grand Prix de la Ville fut attribué à André Franquin, également premier président de la manifestation.

 

Du papier à l’image, une tradition littéraire. Devenu Festival international de la bande dessinée (FIBD), et événement culturel de premier plan, la ville toute entière s’est mise à son pas. Nommant ses rues par des bulles, laissant peindre ses murs borgnes de personnages sortis du papier, consacrant un grand musée et une bibliothèque à l’histoire du 9e art, créant l’École de l’image, devenant « The place to be » pour les grands du monde de la BD. Troquets et restaurants se sont mis au diapason, jeux de mots et dessins s’affichent à tous les coins de rue, réveillant avec humour la ville à l’allure de citadelle. Au-delà, cet engagement dans la BD se manifeste par le développement d’un écosystème d’écoles et d’entreprises spécialisées dans l’image, le Pôle Magelis, composé de plus de 100 entreprises et de 12 écoles spécialisées.

Sur les rives du fleuve Charente, les longs bâtiments industrieux sont en majorité des fabriques de papier, dont le plus fameux est le vélin d’Angoulême, créé au XVIe siècle. C’est d’ailleurs dans l’une de ces grandes bâtisses qu’a été aménagée la Cité internationale de la bande dessinée et de l’image. Y sont réunis un musée de la bande dessinée, des galeries d'exposition, une bibliothèque patrimoniale, une bibliothèque publique spécialisée, un centre de documentation, une résidence internationale d’artistes (la maison des auteurs), une librairie spécialisée (10e plus grande librairie BD de France), un cinéma d’art et d'essai, un centre de séminaires et de congrès et une brasserie panoramique. C’est là que s’organisent des rencontres hebdomadaires avec des auteurs. Certains sont restés vivre là, ils sont près de 200 à s’être installés à Angoulême.

 

Diversité esthétique et vitalité culturelle. L’édition 2020 se déroulera du 30 janvier au 2 février. En têtes d’affiche, trois artistes, deux femmes et un homme. De quoi calmer les esprits échauffés par le manque de reconnaissance des auteures dessinatrices. La japonaise Rumiko Takahashi, lauréate du Grand Prix 2019, a décliné l’hommage d’une rétrospective par manque de temps mais signe l’affiche 2020, la niortaise Catherine Meurisse se verra consacrée par une exposition au Musée du Papier de plus de 150 planches, dessins, manuscrits originaux, vidéos et inspirations. L’américain Charles Burns, auteur et dessinateur culte de Black Hole et Toxic, présentera une restitution de travaux qui, réalisés collectivement lors d’une résidence de huit jours, sortent la bande dessinée de son contexte habituel et témoignent de la vitalité esthétique et de la diversité culturelle de la BD. Meurisse et Burns seront présents au festival, dans le cadre des rencontres internationales. En compétition, 72 albums et publications ont été retenus, répartis en cinq sélections : Officielle, Jeunesse, Patrimoine, Jeunes Adultes, Bande Dessinée Alternative et Polar SNCF.

Deux nouveaux Fauves font leur entrée en 2020 : le Prix de l'Audace, qui récompense un album au style graphique innovant, et le Prix Jeunes Adultes, destiné aux lecteurs de plus de 13 ans. Pour la seconde année consécutive, un pavillon Manga City abritera bande dessinée et cultures populaires asiatiques. Deux expositions y seront consacrées à des artistes japonais, l'une à Yoshiharu Tsuge, l'autre à Yukito Kishiro. Et si le festival ne dure qu’un week-end, les nombreuses expositions s’étendent jusqu’en février.

 

La BD rend son rapport. Jean Mardikian est décédé le 27 décembre 2019. C’est lui qui, alors adjoint à la culture du maire d’Angoulême, avait fondé l’événement BD en 1974, avec Francis Groux, actuel membre du Conseil municipal, et Claude Moliterni, éditeur et spécialiste de la BD décédé en 2009. Il s’était rendu en janvier 2019 à la remise du rapport sur l’état de la bande dessinée en France, commandé par le Ministère de la Culture à Pierre Lungheretti, le directeur de la Cité de la bande dessinée. Sous le titre La bande dessinée, nouvelle frontière artistique et culturelle, les 54 propositions pour une politique nationale renouvelée, le rapport lui rend hommage conjointement à Francis Groux en tant que « pionniers de cette nouvelle frontière », et cite le créateur de la BD moderne, le genevois Rodolphe Töpffer (1799-1846) : « La bande dessinée est l’enfant bâtard de l’art et du commerce ».

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