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Avignon Off : Gala Vinogradova « réinvente » Audrey Hepburn

par Élisabeth Pan
Gala Vinogradova dans
Gala Vinogradova dans "Le Journal d'Audrey" qu'elle crée à l'Archipel Théâtre d'Avignon. DR
Arts vivants Théâtre Publié le 19/07/2019
Elles sont nées la même année, 1929, ont passé leur enfance dans le même pays, que les nazis ont envahi. L’auteure et comédienne Gala Vinogradova a imaginé l’émotion de l’actrice Audrey Hepburn lisant le journal d’Anne Frank. Cela donne "Le Journal d’Audrey" créé à L’Archipel Théâtre d’Avignon. Une Audrey « réinventée ».

Audrey Hepburn qui, souvent malgré elle, était devenue une icône de l’élégance, était bien plus que cela. Comme le dira si bien Elizabeth Taylor à son enterrement : « Un ange s’est envolé ». Gala Vinogradova, une jeune Caucasienne au parcours impressionnant, docteure en philosophie, polytechnicienne, formée à la Dramatic Arts de Londres, partage sans doute cette opinion. Et s’interroge, comme Audrey en son temps, sur « les motivations des guerres qui ont traversé son parcours depuis l’enfance ». Ce sujet difficile, elle a tenu à le mettre sur scène avec sa personnalité. Une personnalité, comme l’indique le metteur en scène Ivan Cori, qui a des points communs avec Audrey Hepburn et Anne Frank : « toutes trois (…) partagent une grande sensualité, une force de caractère et une formidable rage de vivre. Elles ont aussi cette solitude qu’on ne trouve que chez les déracinés ». La joie de vivre est donc au cœur du Journal d’Audrey. Gracieuse et rayonnante à la Audrey Hepburn, Gala Vinogradova crée une pièce pleine de douceur mêlant musique, danse et théâtre dans un spectacle poétique qui n’est pas un biopic sur l’actrice emblématique, mais plutôt la vision que l’auteure en a, comment elle se l’imagine.

 

Audrey et Anne. Gala Vinogradova conte la vie d’Audrey à travers de petites histoires qui ont marqué sa vie. Les histoires sont-elles véridiques ? Là n’est pas la question. La comédienne réinvente l’actrice. On retrouve Audrey dans ses manières, mais également par l’éclat dans les yeux que les deux femmes ont en commun. La guitare, la danse classique, le chant, la mode et bien sûr le cinéma, tout y est pour entrer avec la comédienne dans le monde d’Audrey. La star était timide, avait peu confiance en elle contrairement à ce que les apparences pouvaient laisser croire. « Je ne suis pas belle. J’ai plutôt une drôle de tête, dit Gala Vinogradova en Audrey, j’amplifie tout ça avec du maquillage, mais c’est du faux, c’est du dessin. J’ai toujours été douée pour le dessin ». À chaque anecdote de sa vie est associé un enregistrement, extrait d’un film ou du Journal d’Anne Frank. Si la comédienne lie dans cette pièce les histoires d’Audrey et d’Anne, c’est d’abord parce qu’elles sont nées la même année et ont toute deux vécu en Hollande pendant la seconde guerre mondiale. Mais surtout en raison du lien particulier qui unit Audrey à Anne. La lecture du Journal a bouleversé Audrey, au point qu’elle refusera, malgré la prière du père d’Anne, d’interpréter son rôle à l’écran : « Cela m’a tant détruite, que j’ai dit que je ne pouvais pas le gérer. C’est un peu comme si c’était arrivé à ma sœur… D’une certaine façon, elle était ma sœur d’âme ». Elle aurait confié à son fils : « Cette enfant avait écrit un rapport complet de ce que j’avais expérimenté et ressenti ». « Un adulte n’aurait pas pu écrire ça » dit Gala Vinogradova, qui elle aussi, dans son adolescence caucasienne, a vécu cette expérience d’enfant en pays de guerre.

 

« Faire quelque chose de magique ». C’est dire si la jeune comédienne explore dans cette pièce les émotions, les sentiments d’Audrey Hepburn. Une certaine fragilité transparaît ainsi dans la malice et la beauté pour lesquelles elle s’est faite connaître. Lorsque Audrey décrit les horreurs de la guerre, elle semble ne pas comprendre que les gens puissent être si cruels, si mauvais les uns envers les autres. En lisant le Journal d’Anne Frank, Audrey se prend d’admiration pour cette jeune fille et la vision positive qu’elle a su garder de la vie, malgré la guerre qui l’entourait. Mal nourrie pendant l’occupation nazie, Audrey Hepburn pouvait à peine se relever, elle ne pouvait plus ni danser ni lire. Cette fragilité a cependant fait sa force, elle n’a pas perdu courage. C’est ce que Gala Vinogradova fait transparaître dans cette pièce. Au sortir de la guerre, elle fait dire à Audrey : « Je n’ai qu’une seule envie : faire quelque chose de magique. Rendre les gens heureux ». Elle travaillera dur pour réussir dans le monde du spectacle. Dès son premier film, elle sera admirée. Elle jouera ensuite avec les plus grands acteurs de son époque, sera la muse de Givenchy et l’inspiration des plus grands couturiers et photographes, et restera à jamais une icône du cinéma hollywoodien. Mais Audrey Hepburn arrêtera tout pour devenir ambassadrice de l’UNICEF. Ayant toujours aimé les enfants et vécu elle-même une enfance difficile, elle luttera principalement en faveur de leur défense. C’est cette humanité, cette envie d’agir, cette joie de vivre mais aussi cette détresse que la pièce impose. D’une certaine façon, la comédienne a fait venir Audrey sur scène. Et le public en sort sous le choc.

 

Le Journal d’Audrey de Gala Vinogradova. Mise en scène d'Ivan Cori. Avec Gala Vinogradova. L’Archipel Théâtre, festival Off d'Avignon. Jusqu'au 28 juillet.

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