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Avignon : Olivier Py ouvre le festival avec Le Roi Lear

par Jacques Moulins
"Retour à Berratham" une création du chorégraphe Angelin Preljocaj pour la cour d’honneur © Jean-Claude Carbon
Arts vivants Publié le 02/07/2015
Pour sa deuxième année de direction, Olivier Py met en avant son idée d’un festival : créations et découvertes, ouvertures sur le monde et les autres cultures, permanence du geste théâtral.

Après la suite théâtrale autour de La République de Platon revue par le philosophe Alain Badiou qui commence samedi à 12h, l’ouverture du soixante-neuvième festival d’Avignon se fait le 4 juillet dans la Cour d’honneur du Palais des Papes qu’affrontera doublement Olivier Py. En tant que directeur, bien sûr. Mais également en tant que metteur en scène et traducteur. L’homme total de théâtre qu’il est s’est en effet attaqué au Roi Lear de Shakespeare. Il a fait sa traduction en vers libres et l’a voulue « vive, aiguisée et présente » pour un festival qui ne pouvait ignorer les guerres qui ravagent actuellement plusieurs régions du monde et impactent notre propre vie. Mais « si la guerre est présente dans beaucoup d’œuvres de l’édition 2015, c’est pour limiter son pouvoir de séduction et comprendre les moyens d’arrêter sa fatalité ». Lear qui provoque la guerre en son sein même en voulant garantir une paix à sa façon, Lear « comme une prophétie des catastrophes à venir trois siècles plus tard, la falsification du langage et son acceptation génèrent un bain de sang, où même frères et sœurs se massacrent ».

 

Shakespeare par trois fois. Hasard improbable des circonstances, le metteur en scène allemand Thomas Ostermeier propose lui aussi une des pièces phare de Shakespeare, là encore une pièce de guerre, là encore dans une traduction revisitée par Marius von Mayenburg mêlant le vers à la prose, dans le cadre italien de l’opéra d’Avignon. Richard III signe l’attirance nouvelle du directeur de la Schaubühne de Berlin pour le dramaturge élisabéthain.

Shakespeare aussi, mais dans un tout autre volume, un tout autre imaginaire. Le portugais Tiago Rodrigues, qui lui aussi assure une traduction libre dans sa langue natale, a fait le choix d’une pièce qui mêle amour et politique entre deux grands personnages de l’histoire, entre la rive nord et la rive sud de la Méditerranée, entre Europe et Asie : Antoine et Cléopâtre. Victor Roriz et Sodi Dias, danseurs autant qu’acteurs, seront seuls sur la scène du théâtre Benoît XII pour « raconter » cette liaison qui dura dix ans et eut l’importance que l’on sait sur le devenir de Rome et de César.

Trois textes de Shakespeare revus et actualisés donc, pour un festival qui ne veut pas nier sa dépendance aux textes et à l’histoire du théâtre. Une histoire en devenir bien entendu, avec des créations nombreuses et des compagnies peu connues des publics français et européens présents à Avignon.

 

La guerre encore. Autre guerre, celle que fait revivre à son personnage le chorégraphe Angelin Preljocaj dans Retour à Berratham. Le jeune homme ne reconnaît plus sa ville qu’il a quittée avec la guerre, ni les habitants, ni peut-être la jeune fille qu’il aime. La guerre change tout.

Dans un texte que la romancière allemande Christa Wolf a consacré à Cassandre, la guerre de Troie reste présente et la façon dont la guerre, la mort annoncée, modifient le comportement de l’être, du personnage principal de cette pièce en musique interprétée par Fanny Ardant et mise en scène par le directeur de la Comédie de Genève, Hervé Loichemol, sur une musique de Michael Jarrell.

La chorégraphe hongroise Eszter Salamon va elle aussi chercher dans la guerre des formes tribales de danse qu’elle sublime dans Monument O : hanté par la guerre.

 

L’étranger. Toujours préoccupés de cette « lucidité jamais absente des plateaux » comme le souligne Olivier Py, plusieurs spectacles abordent la question de l’étranger. Franco-norvégien, Jonathan Châtel est allé chercher le thème dans l’œuvre du suédois August Strindberg. Plus exactement dans la première partie du Chemin de Damas, où le personnage principal Andreas se retrouve exilé dans un pays inconnu, obligé de revisiter son savoir social et donc son être même.

La metteure en scène Nathalie Garraud s’intéresse au même thème avec son complice l’auteur Olivier Saccamano. L’interrogation est différente, autour de la mort d’un jeune Arabe dans un aéroport européen dont le médecin est Arabe lui-même. Soudain la nuit clôt le tryptique Spectres de l’Europe.

Etrangers également, ces jeunes Français qui se composent et se décomposent en Argentine dans Le Syndrome de l’argentin Sergio Boris. Là, le décor et la scénographie semblent imposer les acteurs qui s’y débattent, s’affrontent, s’épuisent. Ce sont les élèves de troisième année de l’école supérieure de théâtre de Bordeaux-Aquitaine, avec laquelle le metteur en scène argentin a entamé une longue collaboration, qui vont tomber dans ce décor après une plongée réelle dans l’atmosphère de Buenos Aires.

Enfin, Camus est également interrogé en contre-point sur l’étranger. A partir du magnifique roman de Kamel Daoud, Meursault, contre-enquête, Philippe Berling propose Meursaults, au pluriel.

 

Le quotidien perturbé. Notre quotidien, tout simple, est lui aussi mis en question par un théâtre forcément actuel. A partir d’un texte de Botho Strauss pour le jeune metteur en scène Benjamin Porée qui malmène un petit cercle d’amis des arts dans Trilogie du Revoir. Ahmed El Attar s’intéresse lui au repas d’une riche famille égyptienne qui va révéler sa vacuité dans The last Supper. Le quotidien est également confronté aux souvenirs par l’argentin Mariano Pensotti pour Quand je rentrerai à la maison je serai un autre et par son compatriote Claudio Tolcachir avec Dinamo.

Avec Barbarians, le chorégraphe Hofesh Shechter, ancien de la Batsheva Dance Company met en scène des jeunes gens immatures, presque aculturés, qui passent de gestuelles quasi académiques à des danses quais tribales.

Quant au russe Kirill Serebrennikov, c’est chez Lars von Trier qu’il est allé cherche ses Idiots. Avec les acteurs du Gogol Center, qu'il dirige, il démonte les préjugés et les conformismes en jouant précisément de cette imbécillité de tous les jours dont des jeunes gens se saisissent comme d’une arme.

Le collectif estonien Teater NO99 s’attaque pour sa part à l’image qui envahit notre quotidien autour de la plus banale d’entre elles : la photo de famille. La pièce NO51 Ma femme m’a fait une scène et a effacé toutes nos photos de vacances met en scène un homme confronté à la reconstruction de son souvenir détruit.

 

A la source des traditions. Enfin les traditions, les mythes, interrogent les créateurs en Avignon. Pour le chorégraphe Fabrice Lambert, c’est le feu qui anime Jamais assez. Gaëlle Bourges fait évoluer ses danseuses autour de la tapisserie de la Dame à la licorne, de ses figures animales, des dits et non-dits de l’époque médiévale dans À mon seul désir.

Le chorégraphe sénégalais Fatou Cissé recrée le Tanebeer, une pratique ancestrale réservée aux femmes de son pays qui organisent des bals dans des rues et des cours de quartiers populaires. Le Bal du cercle prolonge le travail sur ces arts populaires commencé en 2013 avec Regarde-moi encore.

Le festival, restrictions budgétaires obligent, ne dure que trois semaines, du 4 au 21 juillet. Mais trois semaines denses.

 

Festival d’Avignon. Du 4 au 25 juillet. Les réservations se font sur internet, par téléphone (04 90 14 14 14 de 10h à 19h) ou à la Fnac. Et aux billetteries du festival : Cloître Saint-Louis (20, rue du Portail Boquier de 10h à 19h) et Boutique du festival (Place de l'Horloge de 10h à 19h).

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