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Mot de passe oublié ?En 2018, le parcours artistique de la 10e Biennale de Berlin a été confié à Gabi Ngocobo. Femme, noire, la sud-africaine choisit en préambule de citer Nina Simone et Tina Turner. Cette dernière est même étroitement associée à cette édition qui lui a emprunté le titre d'une de ses chansons : We don't need another hero. Le ton est donné, la figure de la femme noire, combattante, revendicatrice, guide cette Biennale dont les artistes invités et les sujets de rencontres dirigent le visiteur vers l'Afrique sub-saharienne. La femme noire, son art et sa représentation, tissent le fil des expositions. À travers divers points de vue bien sûr, c'est la richesse d'une biennale d'art, à travers aussi, et c'est plus étonnant, une profonde réflexion politique. Le titre We don't need another hero, chanson créée en 1983 par la chanteuse américaine, offre également la distance nécessaire d'un passé récent pour parler d'aujourd'hui et du futur, comme l'annonce Gabi Ngocobo.
Fenêtre ouverte sur le monde, une biennale d’art contemporain ambitionne de porter quelques grandes tendances d’une époque et, rappelle Gabriele Horn, directrice de la manifestation, « de produire des événements comme autant d’interrogations que chacun se pose ». C'est dans une grande capitale européenne que ces interrogations sont posées, et c'est l'académie des Beaux-Arts de Berlin, lieu d'enseignement et de transmission de l'art et son histoire, qui a été choisie comme lieu de présentation du programme de la 10e édition. Deux faits qui n'ont rien d'anodin, dans une Biennale où tout fait sens.
"Un acte de résistance". La commissaire s’est entourée de quatre personnes, avec lesquelles elle aime collaborer. Originaire de Sao Paulo où il est éducateur des musées Afrobrasil et Masilela, Thiago de Paulo Souza choisit de présenter "la production artistique comme un acte de résistance" dans son histoire, offrant " une connaissance qui exprime autant l'humanité que la monstruosité". L'historien Serubiri Moses explique que pour la biennale plusieurs collaborations ont été conduites dans différents États d'Afrique, à Johannesburg (Afrique du Sud), Nairobi (Kenya), permettant "d'ouvrir les yeux sur les formes d'exclusion", en particulier à Johannesburg où est vécue la différence entre éducation coloniale et éducation capitaliste. "Une performance sera dédiée à l'indépendance du Ghana", annonce encore le curateur ougandais. L'artiste et écrivaine Nomaduma Rosa Masilela, basée à New-York, explique quant à elle le choix des artistes avec lesquels elle a construit "une conversation". Enfin, l'éditrice Yvette Mutumba, qui vit en Allemagne, commente les publications que produit la Biennale, à travers son catalogue qui associe les textes de nombreux auteurs.
Cette affirmation politique et cosmopolite de la Biennale ouvre sans doute l'Europe en général et Berlin en particulier sur un monde qu'elle a longtemps considéré comme son jardin de matières premières. Alors que populismes et nationalismes grondent dans divers pays, s'affichent ici les perspectives d'un monde de demain, ouvert, humain, généreux et combattif. Mais n'est-ce pas aussi cela l'art ?
Biennale d'art contemporain de Berlin, du 9 juin au 9 septembre.