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Biennale de Saint-Etienne : Le design a le sens du beau

par Julie Delem
La 9e Biennale International Design Saint-Etienne se donne pour thématique « Les sens du beau ». Dans l'esprit de Benjamin Loyaute, co-commissaire, ce « sens » est à associer à la « direction » du beau et à sa « réception par le public ». © DR
La 9e Biennale International Design Saint-Etienne se donne pour thématique « Les sens du beau ». Dans l'esprit de Benjamin Loyaute, co-commissaire, ce « sens » est à associer à la « direction » du beau et à sa « réception par le public ». © DR
Style de vie Design Publié le 02/03/2015

Economie, philosophie, société, innovation, architecture, beaux-arts, graphisme, environnement.... La Biennale Internationale Design Saint-Etienne montre chaque année que la curiosité des designers n'a aucune limite. En 2015, elle s'intéresse plus particulièrement aux "sens du Beau".

La grande halle de la Cité du design fait l’effet d’une cathédrale. A peine quelques pas, le seuil franchi, et nous voici submergés par un questionnement beaucoup plus grand, profond, que ce à quoi l’on s’attendait. Une exposition de design, avec sa multitude d’outils, de fournitures ou de meubles pourrait a priori s’apparenter à un magasin IKEA. La Biennale Internationale Design Saint-Etienne, du 12 mars au 12 avril, emprunte en réalité sa scénographie et son vocabulaire à la galerie d’art. Sur les brochures, dans la bouche des créateurs et dans la scénographie, le discours théologique est peaufiné : on cite des philosophes, on parle de bouleversements sociaux, de prises de position politique, d’expérience esthétique. « Le design a, pour moi, besoin de répondre à des considérations humaines, sociétales, économiques, environnementales. Il a valeur de combat », intervient Benjamin Loyaute, professeur à l’Université d’art et de design à l’Université de Genève et co-commissaire de la Biennale. Bien qu’il soit inféodé à un système de production, le design a le droit d’investir d’autres champs que le sien. Je rêverai que pour chaque création, on retrouve derrière un même bureau, un designer, un artiste et un sociologue. C’est dans ces échanges que se trouve la créativité.» 

Expérience du sensible. Si la Cité du Design est une cathédrale, la ville de Saint-Etienne est, à n’en pas douter, le Vatican français du Design. Depuis 2010, elle fait partie des onze villes mondiales « créatives » formant le réseau UNESCO du design. La Biennale Internationale fait office de grand messe. Cette année, 140 000 personnes sont attendues durant un  mois. Une soixantaine d’expositions et de colloques quadrilleront la ville à travers les programmations IN et OFF, sur une vingtaine de lieux. Mais il ne s’agit pas, ici, d’organiser uniquement une sorte de grand office publique sur les dernières créations de designers.  Pour la neuvième édition de la Biennale, les commissaires généraux Benjamin Loyaute et Elsa Francès ont choisi de regarder l’actualité de la production mondiale à travers un prisme : celui des « sens du Beau ».

« C’est un thème qui a été initié par Elsa Frances, la directrice de la Biennale. Je le trouve plutôt légitime et assez audacieux. Car la notion de Beau peut faire peur et engendre parfois des considérations opposées ». Benjamin Loyaute s’explique : «  En design, certains vont pencher pour un Beau naturel c’est-à-dire immédiat, émotionnel, du côté de l’affect, du symbole. D’autres vont préférer un Beau culturel, construit, du côté de la fonction, de l’usage, de l’apport social, économique. Ce qui m’intéressait ici, c’était de confronter ces deux visions et d’y chercher les points de convergence. »

Goûts et couleurs.  Pour remplir le rôle des cardinaux, 26 commissaires internationaux, tirés au sort parmi « les grands noms du design » ont été conviés à Saint-Etienne pour apporter leur regard et leurs coups de cœur au sein d’expositions carte blanche.  Avec le Broken Mirror de Guillaume Markwalder et Aurélia von Allmen ou la prise électrique Lapris par Van den Weghe, le visiteur suivra par exemple des réflexions sur le concept de beauté et les lieux diverses de son apparition « dans sa fabrication, son utilisation, sa forme, sa capacité à évoquer des souvenirs personnels, sa dimension culturelle ».  Sous le pavillon Demain réservé aux innovations, Taste of Light de Lukas Franciszkiewicz et de Daniel Tauber ou encore Bee’s de Susana Soares proposent de mêler le « rêve des possibles », à la « fiction d’une renaissance » à travers des objets futuristes cherchant de nouveaux comportements de survie face à une catastrophe alimentaire. Plus loin, les clichés de l’exposition « La cohérence des formes », sélectionnés par Oscar Lhermitte, invitent à se pencher sur « la beauté et qualité des normes, systèmes et produits industriels »  auxquels « nous sommes tellement habitués qu’ils revêtent une sorte d’évidence ».

En matière de design et de beauté, les antagonismes sont profonds, en convient Benjamin Loyaute. C’est pourtant tout l’intérêt d’un débat, fût-il théologique : confronter les contradicteurs pour « décloisonner » et ouvrir le champ des perspectives. Entre la volonté de vendre plus et celle d’améliorer l’utilisation un produit, le souhait de rendre un objet universel et celui de prendre en compte la singularité des identités, le rôle revendiqué d’anticiper les changements de sociétés (design fiction) et celui de donner simplement une forme à une fonction, Benjamin Loyaute assume vouloir accueillir « toutes les typologies de design », pour une biennale « généreuse ».  « Le design est un langage, qui lutte et varie en fonction des créations, conclue-t-il. Je ne sais pas si, à travers lui, on peut changer les choses, mais on peut certainement changer la manière de percevoir ces choses ». 

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