espace abonné Mot de passe oublié ?

Vous n'avez pas de compte ? Enregistrez-vous

Mot de passe oublié ?
ACCUEIL > Oeuvre > Brigitte Seth et Roser Montlló Guberna : la complexité du corps « À vue »

Brigitte Seth et Roser Montlló Guberna : la complexité du corps « À vue »

par Véronique Giraud
À VUE, création de Roser Montlló Guberna et Brigitte Seth. Sur la photo : Roser Montlló Guberna et Sylvain Dufour. © Christophe RAYNAUD DE LAGE
À VUE, création de Roser Montlló Guberna et Brigitte Seth. Sur la photo : Roser Montlló Guberna et Sylvain Dufour. © Christophe RAYNAUD DE LAGE
À VUE, création de Roser Montlló Guberna et Brigitte Seth. © Christophe RAYNAUD DE LAGE
À VUE, création de Roser Montlló Guberna et Brigitte Seth. © Christophe RAYNAUD DE LAGE
Arts vivants Théâtre Publié le 22/03/2018
Dans une chorégraphie effrénée, les mots s’infiltrent dans trois corps dansant sur la scène de l'Usine Hollander. Glissant du masculin au féminin, les métamorphoses s’enchainent "À vue" pour traduire l'immense complexité du corps. Une complexité qui, niée, engendre des malentendus qui autorisent nos sociétés au pire. À ne pas manquer.

Que fait-on de notre corps ? On le pose là, dominant, imposant. On tente de le dominer pour en imposer. On le dissimule pour lui donner l’apparence avantageuse d’une position sociale. On l’exhibe pour stimuler le désir. Mais que sait-on de lui ? Quelle duperie cachent nos gestes ? Avec À vue, trois corps forgent une envolée de tableaux d’un expressionnisme cru, magnifié par la lumière. Trois corps dont chaque mouvement et chaque pose pose fait sens, soulignés par les mots de Jean-Luc A. d’Asciano. Ces mots ont été écrits pour Brigitte Seth et Roser Montlló Guberna. Ils sont devenu un matériau qu’elles malaxent, répètent, bouculent, interrogent avec Sylvain Dufour. Leurs trois corps répètent également, et interrogent. L’effroi menace et pèse, l’humour joue de la limite, du possible. Le spectacle est présenté dans la magnifique usine Hollander de Choisy-le-roi, où la compagnie a été accueillie en résidence pendant un mois.

 

Du masculin au féminin. Pour dire et danser la complexité du corps, le dispositif scénique de la pièce À vue est sobre. Six chaises pour une salle d’attente, une table et deux chaises pour un bureau administratif. L’attente, l’administration. L’attente soumet, le bureau administratif devient l’antre du dominant. Ces accessoires dérisoires sont les marqueurs d’un espace social où naviguent les corps de ces trois magnifiques incarnations, celui longiligne de danseuse, celui musclé de l’androgyne, celui plein d'une rondeur hésitante. Chacun transporte loin notre imaginaire, parfois au-delà de ce qu’on s’autorise.

Chaque corps est tout à la fois homme et femme, libre et contraint, gracieux et empêché. Le rapport du corps aux objets est ici sublimé par la grâce des comédiens et la précision scénographique. Caressant au passage chaises et tables qui font obstacle. Quand Brigitte Seth s’assoit et fait tourner son fauteuil sous un puissant halo de lumière, on pense à Bacon dont la peinture des corps a atteint le prodige de transfigurer l’expérience de la vie.

Le jeu scénique brille par des trouvailles ingénieuses, comme le Tshirt grossesse, que l’un cherche à imposer doucement à l’autre, et dont l’autre se dévêt tout aussi doucement. Deux corps se dédoublent, assemblés l’un dans l’autre par un accouplement métaphorique. Avec et sans mots, tout est dit. Les gestes s’emparent d’un intime rarement scénographié. La pièce parvient, sans rien omettre de malentendus présupposés, à convoquer tout à la fois les hommes et les femmes. Un dialogue précieux qui réconcilie avec l’enveloppe. Réconcilie "à vue" la dualité d'un corps.

 

À vue, de Roser Montlló Guberna et Brigitte Seth. Avec Sylvain Dufour, Roser Montlló Guberna, Brigitte Seth. Mise en scène, chorégraphie : Roser Montlló Guberna et Brigitte Seth. Texte : Jean-Luc A. d’Asiago. Les 15, 16, 17 mars 2018 Usine Hollander, 1 rue du docteur Roux à Choisy-le-roi. Les 22, 24 et 25 mars 2018 • Les Subsistances à Lyon

Partager sur
Fermer