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Charlotte Perriand, une femme engagée dans la modernité

par Véronique Giraud
La chaise longue de charlotte Perriand, son fauteuil de bureau, devant une immense tapisserie de Fernand Léger introduisent l'exposition rétrospective que consacre la Fondation Vuitton à l'architecte d'intérieur. ©Rivaud/NAJA
La chaise longue de charlotte Perriand, son fauteuil de bureau, devant une immense tapisserie de Fernand Léger introduisent l'exposition rétrospective que consacre la Fondation Vuitton à l'architecte d'intérieur. ©Rivaud/NAJA
Style de vie Design Publié le 12/02/2020
L’histoire n’aura voulu retenir que ses sièges, devenus des icônes de la modernité, et sa bibliothèque modulable. Mais Charlotte Perriand est bien plus que cela. C’est ce dont témoigne l’exposition rétrospective de la Fondation Vuitton qui rend compte à grande échelle des multiples réalisations d’une architecte intérieure hors normes

Inviter Charlotte Perriand, c’est à la fois rendre hommage à une conceptrice avant-gardiste d’un mode d’habiter sobre, proche de la nature, et éloigner de l’ombre une femme qui a œuvré auprès d’hommes puissants et reconnus. En cheminant dans les espaces de la Fondation Vuitton, on mesure le parcours vertigineux de Charlotte Perriand, qui couvre la quasi totalité du XXe siècle, et la pertinence de ses créations dont beaucoup n’ont pas pris une ride. Ses pièces emblématiques sont installées, le bureau et le salon de son petit appartement parisien, son stand du salon des décorateurs de 1913, le prototype d’une station de montagne. Autant d’univers qui cohabitent le plus souvent avec celui des plus grands artistes modernistes qui partagent la vision de la jeune pionnière de l’habitat.

Car Charlotte Perriand, qui a su s’imposer à Le Corbusier et concevra les meubles des villas de l’architecte suisse, revendique « un art de vivre » en rupture avec les codes de son époque. Sur les photos, très souriante, elle porte à ses débuts un curieux collier composé de boules chromées, « Je l’appelais mon roulement à billes, un symbole, une provocation qui marquaient mon appartenance à l’époque mécanique du XXe siècle » disait-elle. Ce même acier chromé, symbole de la machine moderne, compose en 1927 les meubles de son atelier parisien de Saint-Sulpice.

Très impliquée en ce début d’un siècle nourri d’utopies et des promesses du progrès, elle croisa le chemin de Calder, de Picasso, et surtout de Fernand Léger, qui réalisera de très nombreuses œuvres faisant écho à son mobilier. Chaque projet est une profession de foi en une vie conciliant travail et sport, architecture et artisanat, art et industrie, bois et métal.

L’appartement idéal et La maison du jeune homme, projets réalisés en 1935 pour l’exposition universelle de Bruxelles que l’on retrouve grandeur réelle dans le musée, témoignent de l’ambition d’une vie meilleure, d’un habitat adapté techniquement et esthétiquement aux nouvelles exigences de la vie moderne.

Et son appareil photo remplace parfois le crayon. Parcourant la nature, dans laquelle elle puise son inspiration, elle capte dans son objectif des formes qui l’interpellent, le tronc d’un arbre, le relief d’une pierre, le miroitement de l’eau…  Et ses clichés, dont quelques-uns sont exposés, font en effet écho aux formes sobres et aux matières issues de la nature qui composent son mobilier.

Au pied de l’architecture sinueuse de l’américain Franck Ghery et de l’immense escalier sur lequel l’eau coule sans cesse, sa Maison au bord de l’eau ne dépareille pas. Conçue pour répondre à un concours de « Maisons de weekend bon marché destinées à un public populaire » organisé en 1934 par la revue L’architecture d’Aujourd’hui, elle symbolise un de ses projets d’architecture préfabriquée des années 30.

La visite s’achève avec la maison de thé, conçue dans le cadre du festival du Japon organisé par l'Unesco à Paris en 1993. Charlotte Perriand a alors 90 ans. Cette réalisation d’une grande sensibilité témoigne des liens profonds que la designer a entretenu avec le Japon et sa culture. Elle y avait été invitée en 1940 pour réfléchir à la "production d'art industriel" du pays. De ce travail et de ses voyages, naîtront deux expositions à Tokyo en 1941 et en 1955, puis Charlotte Perriand recevra la commande de l’aménagement de l'agence Air France de Tokyo en 1959, contribuera à la résidence de l'ambassadeur du japon en 1966-69, puis au showroom Shiki Fabric House en 1975. Dissimulée au milieu d’une forêt de bambous, sa maison de thé s’inscrit dans la tradition japonaise, toute de sobriété, de légèreté, et dont l’ordonnancement est soigneusement codifié.

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