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Mot de passe oublié ?Colin Cook, comme beaucoup d'exilés, remercie probablement chaque jour l'invention d'internet. Marié à une philosophe de l'esthétique enseignant à Paris, l'Américain a quitté sa Californie. Mais pas ses amis. Depuis dix ans, ce visage rond d'enfant, vissé sur un torse tenant de l'armoire normande, est penché sur le même projet : une série de soixante-dix dessins de toutes tailles, intitulée Drawing with Bill. Le concept est farfelu, le résultat horriblement drôle. Après sa toute première expérience les années 2000, l'énergumène utilise invariablement le même le procédé, impliquant l'achat un ordinateur, un scanner et une bonne connexion: La première étape consiste à s'asseoir à son bureau et à passer plusieurs heures sur internet à chercher des images pornographiques. « Je n'ai pas encore réussi à me détacher de mes fantasmes d'adolescents », lance-t-il avec une ironie bonhomme. Puis Colin Cook compile des paysages et des décors naturels, des photos de célébrités, y ajoute des clichés de lui-même, souvent nu.
Quatre mains. Sa composition - sorte de collage numérique -réalisée, il entreprend de la retranscrire par dessin, avec un réalisme bluffant. A l'exception d'une partie. Ou plutôt d'un personnage, dont la silhouette reste blanche. Ce morceau de choix est envoyé à son fidèle ami Bill, constructeur dans le bâtiment et pas illustrateur pour deux sous. A la clé, des dessins à quatre mains et une difformité quasi alchimique entre plusieurs univers: celui d'une nature minérale et photographique, d'une intimité à la fois provocatrice et désexualisée et celui de la maladresse enfantine.
« Ce qui n'est pas juste, c'est que je peux mettre huit mois sur un dessin, tandis que lui fait sa partie en une heure. Mais le résultat fonctionne toujours, à la fois étrange et drôle. Je crois que c'est parce que Bill essaie vraiment de recopier l'image que je lui envoie, sans surjouer. »
Au fur et à mesure de ce partenariat à quatre mains, la technique progresse. Du simple crayon, Colin Cook passe à la poudre de graphite et au pinceau, à l'éponge. « Encore aujourd'hui, je ne sais pas ce qu'il va m'envoyer, assure-t-il. Je suis toujours surpris que cela fonctionne. Il y a à la fois un mélange d'attirance et de répulsion, de bizarre et d'intime, dans ces dessins. Si cette émotion marche sur moi, j'imagine que ça marche sur d'autres ».