espace abonné Mot de passe oublié ?

Vous n'avez pas de compte ? Enregistrez-vous

Mot de passe oublié ?
ACCUEIL > Analyse > « Dolor y Gloria », « Mathias et Maxime », confessions

« Dolor y Gloria », « Mathias et Maxime », confessions

par Stoyana Gougovska
Les deux personnages de
Les deux personnages de "Dolor y Gloria" de Pedro Almodovar se retrouvent après plusieurs décennies de séparation. DR
L'amour nait entre deux amis d’enfance, une scène de
L'amour nait entre deux amis d’enfance, une scène de "Mathias et Maxime" de Xavier Dolan. DR
Cinéma Film Publié le 26/05/2019
Alors qu’en Hongrie on déprogrammait il y a peu Billy Elliot de l’Opéra National, au motif qu’une œuvre d’art aurait le pouvoir de stimuler l’homosexualité chez les jeunes garçons, au Festival de Cannes l’amour et le désir prennent le ton délicat de la confession avec Pedro Almodovar et Xavier Dolan.

Au Festival de Cannes, cette année, deux des films en compétition explorent avec délicatesse des émotions intimes : Dolor y Gloria de Pedro Almodovar et Mathias et Maxime de Xavier Dolan. Pour Pedro Almodovar à 69 ans, pour Xavier Dolan qui en a 30, le désir de se confier est là. Un désir souvent douloureux, mais indispensable à la recherche de son identité. D’autant plus qu’il ne s’agit pas pour les deux cinéastes de raconter de simples faits, mais de rendre visibles des sentiments, des troubles et de la passion. Dans Dolor i Gloria, il s'agit pour Almodovar de retrouver la créativité et le sens perdu de la vie. Dans Mathias et Maxime, de Xavier Dolan, c'est la dignité et sa place dans le monde.

 

La force d’un baiser. Dans les deux cas, la clé est un baiser. Chez Almodovar, il opère entre deux hommes plus très jeunes en ravivant le souvenir de l'amour passionné qui les a liés pendant leurs plus belles années. Salvador Malo, le personnage, brillamment interprété par Antonio Banderas, est un réalisateur de cinéma qui a connu le succès dans le passé, et qui, aujourd’hui blasé, cherche désespérément à sortir de la solitude. Pour Dolan, qui tient le rôle de son personnage Maxime, c’est un baiser « pour de faux » entre deux amis d’enfance qui augure un questionnement sur son identité.

Les deux personnages souffrent de solitude, l’un dans son appartement luxueux, mais vide, l’autre entouré de copains de sa génération, sympas et tendres, mais bruyants et pas mal hystériques. Ni Almodovar, ni Dolan ne sont à l’aise dans le monde : l’un souffre de la vieillesse qui commence à dévaster son corps, l’autre de l’abondance d’échanges superficiels. L’envie brûlante qui les habite est de trouver ne serait-ce qu’un seul être qui remplirait leur existence. Les illusions de bonheur, que ce soit par les effets de la drogue ou le besoin de se montrer, ne pourront jamais remplir le vide, mais un simple baiser aura l’effet d’un ouragan émotionnel qui traverse l’écran. Plus qu’un acte physique ou sexuel, il apporte la paix à l’un et le début du tourment pour l’autre.

 

Premier désir. L’auto-fiction Dolor y Gloria d’Almodovar dresse un bilan émotionnel qui le transporte dans le passé, quand il vit à l’âge de 9 ans son « primeo deseo » pour un beau corps masculin. Un désir tellement puissant qu’il en garde le souvenir toute sa vie, avec une pointe de culpabilité par rapport à ce « péché » désormais avoué. Chez Dolan, le désir s’exprime par l’échange de regards à moitié cachés au sein d’un groupe. Dans les deux films, ce désir se transforme en quelque chose de profond et durable, une vraie union entre deux êtres qui se comprennent, et se donnent l’un l’autre la force d’affronter la vie. Revivre et partager ces moments de désir avec le public est peut-être un moyen de se libérer émotionnellement pour vivre en paix avec soi-même et les autres.

 

La mère omniprésente. Pour les deux hommes, le personnage de la mère est aussi une source de tourments, suscitant un sentiment qui relève du péché. Dans le cas d’Almodovar, elle est protectrice et veut le meilleur pour son fils, qui choisit pourtant de suivre la voie de ses désirs. Par ce choix, il gagne temporairement une vie remplie d'aventures, mais perd un temps précieux auprès d’elle. Réalisant trop tard, le sentiment de culpabilité s’installe pour ne jamais le laisser. Son ombre lumineuse lui apporte une douleur, elle aussi salvatrice. Chez Dolan, les rapports avec la mère sont plus agressifs. L’échec de son combat pour la sauver de ses propres faiblesses, la drogue et l’alcool, cultive en lui aussi le sentiment de culpabilité envers elle.

 

Dolor y Gloria et Mathias et Maxime sont programmés dans la Compétition Officielle du 72ème Festival de Cannes. Dolor y Gloria est en salle depuis le 17 mai 2019.

Partager sur
Fermer