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En affiches, Egon Schiele ravive l’hypocrisie et la censure de l’art

par Véronique Giraud
L'affiche représentant
L'affiche représentant "Fill aux bas oranges" de l'artiste viennois Egon Schiele, telle qu'elle est placardée dans les stations du métro de Londres. DR
L'affiche représentant
L'affiche représentant "Homme nu assis" de l'artiste viennois Egon Schiele, telle qu'elle est placardée dans les stations du métro de Londres. DR
Hors-Champs Politique Publié le 17/11/2017
Le nu dans l’art est-il pornographique ? Oui, oui, la question se pose encore. Au XXIe siècle. En Europe. Pour un artiste mondialement reconnu, mort il y a cent ans, Egon Schiele. Certes, à notre époque, si le ridicule ne tue plus, il ose encore s’afficher

Le nu dans l’art est-il pornographique ? La question se pose en Europe où s’annonce une grande exposition au musée Leopold de Vienne, consacrée à l’artiste viennois Egon Schiele, mort à 28 ans en 1918. L’Autriche, Vienne en particulier, a voulu en faire un événement culturel de grande ampleur pour attirer les visiteurs, et son office de tourisme a mis au point une campagne de communication internationale. Les deux œuvres choisies pour figurer sur les affiches sont Homme assis nu (1910) et Fille aux bas oranges (1914). Rien de plus habituel, sauf que les dites affiches ont été refusées dans deux métropoles européennes, Londres et Hambourg. Dans la première, ce sont les bus et les métros, dans la seconde, c’est l’aéroport, deux lieux éminemment publics où il serait dommage qu’un sexe s’aperçoive à travers une œuvre d'art. Selon une porte-parole de l'office du tourisme de Vienne, Helena Hartlauer, les transports de Londres ont rejeté les images originales, invoquant une appréhension à l'idée de montrer des parties génitales dans un lieu public. Mme Hartlauer indique que la proposition d'affiches avec des organes génitaux pixélisés fut également refusée.

 

La rispote alimente la controverse. Il ne faut peut-être pas perdre du temps à discuter de la feuille de vigne sur le bas ventre des statues. Mais ce qui est intéressant dans cette affaire, c’est la riposte de l’office de tourisme de Vienne - ce dernier ne voulant pas se priver d’alerter les foules de Londres et de Hambourg - qui a pris une tournure non dénuée d’humour. Prenant au mot les arguments des deux prestataires, l’office autrichien a concocté de nouvelles affiches où la nudité des deux corps dessinés est placardée d’un bandeau sur lequel est écrit : « Désolé, cent ans mais encore trop osé aujourd’hui", un message souligné du hashtag #DerKunstihreFreiheit (#ToArtItsFreedom en anglais), qui invite bien sûr les internautes à réagir à l’incident. Ce hashtag est inspiré par le slogan "à chaque âge son art, à l'art sa liberté", toujours visible sur la façade du bâtiment de la Sécession à Vienne, lieu d'exposition co-fondé par Klimt en 1897. La controverse actuelle fait bien entendu écho aux discussions qui eurent lieu du temps de Schiele. " Nous voulons montrer aux gens à quel point Vienne et ses protagonistes étaient en avance sur leurs temps," poursuit Mme Kettner. " Et également encourager le public à examiner à quel point les choses ont – ou n'ont pas – changé en ce qui concerne l'ouverture d'esprit et l'attitude de la société au fil du temps." Une ironie qui se trouve dans une petite pastille noire : « Venez à Vienne, vous le verrez intégralement ». Alors, opération de marketing ou sincère manifestation anti-censure ? Il n’est pas mauvais de reprendre le débat public là où Facebook avait pu interdire la diffusion intégrale du tableau de Courbet L’origine du monde.

On serait tenté de dire rien de nouveau sous le soleil depuis cent ans, mais ce serait mensonge. On sait qu’Egon Schiele passa sa courte vie à combattre l’Académie de Vienne, qui encourageait à ne pas traiter les choses en profondeur, à rassurer par l’art de la surface, de l’apparence, bref à nourrir l’hypocrisie. Il semble bien que l'allumette a conservé tout son soufre…

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