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« Festen » de Cyril Teste, performance filmique acte 2

par Véronique Giraud
Arts vivants Performance Publié le 09/11/2017
Pour sa deuxième performance filmique, Cyril Teste s'est emparé des dialogues corrosifs dont Thomas Vinterberg avait ciselé son film Festen. La première a eu lieu sur la scène nationale de Bonlieu à Annecy, immergeant la salle dans une effervescence d'émotions.

À l’issue de la première de Festen, qu’il vient de présenter au public de Bonlieu scène nationale d’Annecy, Cyril Teste à qui nous demandons s’il a revu le film avant de l’adapter pour la scène répond : « non, je n’ai surtout pas voulu le revoir ». Son ami au Conservatoire, le comédien Anthony Paliotti n’avait travaillé qu’une fois avec le metteur en scène, pour sa création d’Ajax au Maroc. Depuis, leurs routes ne s’étaient pas recroisées, mais ils conservaient tous deux le désir de retravailler ensemble. Le rôle qui lui a proposé Cyril Teste est celui de Michaël, le frère colérique des Klingenfeldt, famille que Thomas Vinterberg a fait émerger sur les écrans en 1998. Son film Festen avait fait l’effet d’une bombe, tant pour son sujet que pour sa forme esthétique apparentée au dogme95 initié par le réalisateur danois Lars von Trier.

Cyril Teste a voulu en faire un personnage plus nuancé que celui de Vinterberg : « il a fallu que je compose un personnage en modulation, incarnant une virilité variant entre hystérie et responsabilité d’aîné », explique le comédien. Il ne lui ’a pas été difficile de s’adapter aux indications de la performance filmique, processus esthétique initié par Cyril Teste avec son magnifique Nobody en 2014. S’il revendique « mon ADN c’est le théâtre », Anthony Paliotti est sollicité par les réalisateurs de cinéma. En témoigne son actualité avec deux films prochainement à l’affiche : Les confins du monde, avec Gérard Depardieu, et Paul Sanchez est revenu. Avec Festen, le va et vient de l’image cinématographique et de l’incarnation théâtrale lui sied à merveille et le comble. « Le plaisir est double, celui du rapport à la scène et le positionnement à la caméra. Jouer sur les deux tableaux est une expérience riche. Elle permet de donner le meilleur ».

 

Interactions de la performance filmique. Pour chacun des comédiens, la dualité s’impose également. Christian, magnifiquement incarné par Mathias Labelle, est omniprésent, enfant à la fois docile et blessé. Dès les premières minutes de la pièce, il arrive dans la maison silencieuse et pose sa valise. Ce geste symbolise tout ce qui a été retenu et va se déverser comme une déflagration au cours du dîner auquel toute la famille a été invitée à l’occasion de l’anniversaire du père, qui fête ses soixante ans. Alors que l’écran qui surplombe la scène diffuse les images d’une forêt mue par la souffle du vent, le spectateur prend conscience peu à peu que les arbres proviennent des images captées par un caméraman posté devant le piano au-dessus duquel est accroché le tableau de Corot, Orphée ramenant Eurydice des enfers. Ça y est, l’effet produit par la performance filmique commence à agir. Le spectateur prend conscience que deux caméramen arpentent la salle à manger et le salon de la maison, où brûle un feu de cheminée, tandis que les domestiques achèvent de mettre le couvert de la table et que, dans la cuisine, le chef s’affaire aux derniers préparatifs du repas. La forêt, le feu de cheminée, la cuisine, le parfum de la sœur disparue, autant d’odeurs qui vont réveiller les sens olfactifs du spectateur. Pour Festen, Cyril Teste s’est en effet rapproché du fameux parfumeur Francis Kurkdjian, qui a conçu pour la pièce trois odeurs diffusée dans la salle.

 

Une nuée d'émotions. Dans l’univers théâtral, la vidéo s’est taillée une belle place, avant et après Nobody. Si elle ne s’apparente pas précisément à la performance filmique, elle nourrit l’introspection de la chose théâtrale, et ouvre des possibles vers d’autres émotions que celles du verbe et de la mise en espace. Avec Festen, Cyril Teste réalise une avancée considérable dans son exploration, marque de nouveaux points dans son esthétique exigeante et gourmande. Proposer au spectateur de voir la pièce se jouer simultanément sur écran et sur plateau était déjà audacieux, ici s’ajoutent la musique, le sensoriel et les images pré enregistrées, faisant visuellement alterner présent et passé, introduisant la mémoire par son odeur et son souvenir. Avec le risque de perdre le spectateur par la profusion. Mais l’ensemble des éléments sensiblement perçu enrichit le tissu émotionnel. Porté par de multiples sensations, auditives, visuelles, olfactives… Au terme de la première, le tonnerre des applaudissements, les mines réjouies ou atterrées par l’émotion disent tout cela. L’ambition créative a porté ses fruits.

 

Festen - Mise en scène : Cyril Teste. De : Thomas Viterberg / Collaboration artistique : Sandy Boizard, Marion Pélissier / Scénographie Valérie Grall / Illustration olfactive : Francis Kurkdjian / Conseil et création culinaire : Olivier Théron / Création florale : Fabien Joly / Création lumière : Fabien Blizzard… Avec : Estelle André, Vincent Berger, Hervé Blanc, Sandy Boizard ou Marion Pellissier, Sophie Cattani, Bénédicte Guilbert, Mathias Labelle, Danièle Léon, Xavier Maly, Lou Martin-Fernet, Ludovic Molière, Catherine Morlot, Anthony Paliotti, Pierre Timaitre, Gérald Weingand et la participation de Laureline Le Bris-Cep.

Bonlieu Scène Nationale Annecy : du 7 au 10 novembre. Tournée : du 24 novembre au 21 décembre Odéon- Théâtre de l'Europe.

 

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