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« Histoires d’une nation » : la France diverse et multiple

par Stoyana Gougovska
La série documentaire
La série documentaire "Histoires d'une nation" raconte l'histoire de la France à travers les témoignages intimes de personnalités parmi lesquelles (sur la photo) Françoise Davisse et Ramzi. DR
Cinéma Série Publié le 29/09/2018
Mêlant des témoignages de personnalités et d’anonymes, tous descendants d’immigrés, avec des images d’archive remastérisées et en couleur, Histoires d’une nation, coproduction de France 2 et de Point du jour, fait revivre de façon aussi intime que réaliste l’histoire de France du point de vue de ceux qui sont venus d’ailleurs pour aider à bâtir le pays.

Tout le monde a appris l’histoire française. Mais peu de gens savent à quel point le rôle des millions d’immigrés, arrivés en France au fil des années, a été important dans le déroulement des événements historiques. Qui sait qu’en 1889, quelques jours avant que Paris accueille l’Exposition Universelle, un ouvrier italien, Angelos Calliotti, trouve la mort en construisant un des symboles français les plus célèbres, la Tour Eiffel ? L’affaire a été étouffée pour ne pas mettre en péril la célébration du centenaire de la Révolution. Le métro Parisien était bâti essentiellement par des immigrés. Même la fameuse baguette de pain a été inventée par les ouvriers italiens de l’époque.

Un quart de la population française aujourd’hui est issue de l’immigration. Italiens, Polonais, Espagnols, Arméniens, Russes, Algériens, Marocains, Cambodgiens, Chinois : à travers les années, des millions d’immigrés fuyant la misère économique et des réfugiés, persuadés d’être à l’abri des persécutions, se sont installés en France et ont joué le jeu de l’intégration. « Lorsque la misère pousse à sortir de son village, on n’est plus qu’un étranger… »

La série Histoires d'une nation a pour ambition de raconter l’histoire en incluant tous les acteurs – ceux d’ici et ceux venus d’ailleurs. Parmi les témoignages, on peut entendre les histoires personnelles et émouvantes de José Garcia, Marcel Canti, Michel Drucker, Camélia Jordana, Ramzy, Estelle Mossely, François Cavanna, Samuel et Pascal Légitimus. Tous sont issus de familles qui ont un jour choisi la France pour patrie d’adoption. On remarque également l’apparition de Georges Charpak, le prix Nobel de physique, juif originaire de Pologne.

 

Sujet d’histoire. L’histoire de l’immigration est aujourd’hui une part entière de l’historiographie française. Depuis les années 1980, des chercheurs se sont penchés sur l’établissement d’un état des lieux des différentes vagues d’immigrés et de réfugiés du XIXe siècle à nos jours, et leur impact indéniable sur la nation française telle qu’elle est aujourd’hui. Un des fruits de ce travail est le documentaire L’histoire de l’immigration en France, disponible depuis 2006 sur le site web du Musée National de l’Histoire de l’Immigration. Écrit par des historiens, membres du comité scientifique du Musée, riche de 350 photographies et documents d’archive, ponctué d’extraits sonores, il retrace en quarante minutes deux siècles d’immigration.

C’est dans cette lignée de travail de mémoire que s’inscrit la série documentaire Histoires d’une nation. Elle retrace les arrivées successives de populations en France depuis 1870, au moment où la IIIe République française, traumatisée par la défaite contre les Allemands et la guerre civile, va renouveler l’idée de  nation. Avec l’arrivée de la Révolution industrielle, le pays a besoin de main d’œuvre et s’est mis à accueillir volontairement des ouvriers venus de l’étranger. Le paysan français, lui aussi poussé par la misère, ne quittera ses terres que plus tardivement.

 

Du massacre d’Aigues-Mortes aux camps pétainistes. Mais le pays, du moins ses politiques et ses gouvernants, n’a pas été reconnaissant pour autant. En phase d’opulence certains ont su prôner l’accueil et la fraternité. Mais ces périodes humanistes ont alterné avec des périodes tragiques. Quand la prospérité laisse place à la crise, les immigrés deviennent des « ennemis internes ». La fureur nationaliste, qui connut ses premières heures de gloire à la fin du XIXe siècle, a souvent provoqué des drames comme la chasse aux « métèques » ou le massacre des « ritals » à Aigues-Mortes en 1893. C’est en France que le régime de Vichy a créé plus de dix camps de concentration, points de ralliement pour renvoyer les juifs arrêtés sur son territoire. Le témoignage de Michel Cymes, de culture juive, est particulièrement poignant : « En mai 41 mon grand-père reçoit une convocation… Ma grand-mère lui dit délicatement de ne pas y aller, qu’elle ne voyait pas pourquoi il serait convoqué, en plus avec des affaires de change. Il a répondu : « Il n’y aucun risque, j’ai servi l’armée française et c’est la police française qui me convoque ». Il s’est présenté, et il a été arrêté. Ensuite il a été envoyé dans un camp à Drancy avant d’être déporté à Auschwitz où il est mort en septembre 42. » La série est pertinente, pédagogique, émouvante et, dans le contexte d’actualité, indispensable...

 

 

Histoires d’une nation, une série documentaire de Françoise Davisse et Carl Aderhold, réalisée par Yann Coquart, racontée par Roschdy Zem. Coproduction de France 2 et Point du jour. Épisode 1 : Le pays où l'on arrive, mardi 25 septembre à 21 heures. Épisode 2 : Des héros dans la tourmente, mardi 25 septembre à 22 heures. Épisode 3 : La Gloire de nos pères, mardi 2 octobre à 21 heures. Épisode 4 : Générations, mardi 2 octobre à 22 heures.

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