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Jean Varela : « Le temps est à l’énergie collective »

par Véronique Giraud
Le Printemps des Comédiens ouvre la saison des grands festivals en France le 29 mai avec 36 spectacles dont 20 créations. Dans ce temps d’incertitude et de solitude, son directeur, Jean Varela (photo), a créé une radio web autour du théâtre et avec des comédiens. DR
Le Printemps des Comédiens ouvre la saison des grands festivals en France le 29 mai avec 36 spectacles dont 20 créations. Dans ce temps d’incertitude et de solitude, son directeur, Jean Varela (photo), a créé une radio web autour du théâtre et avec des comédiens. DR
Arts vivants Théâtre Publié le 26/03/2020
Programmé du 29 mai au 27 juin, le Printemps des Comédiens de Montpellier est le premier grand festival d’arts vivants de la saison. Dans l’incertitude sur sa tenue, son directeur, Jean Varela, a pris plusieurs initiatives originales, dont la création d’une radio web depuis le 25 mars.

Y a-t-il d’ores et déjà des modifications du programme ?

Utopolis, du groupe berlinois Rimini Protokoll, est reporté d’une année. Ce spectacle, qui devait être recréé dans le centre-ville de Montpellier après Saint Petersbourg, Cologne et Manchester, est une réflexion sur comment construire et faire vivre une société en commun, inspiré de l’ouvrage de Thomas More, L'Utopie (1516). Le principe : 300 spectateurs sont invités par SMS à se rendre dans 48 lieux de la ville par des commerçants, artisans, architectes, etc. qui ont collecté sur une enceinte connectée leurs témoignages sur la ville. Guidés par cette enceinte, les gens se dirigent ensuite dans quatre lieux de pouvoir, temporel, judiciaire, scientifique… et se réunissent dans un seul lieu où ils font société. Nous étions en train de préparer ce travail avec une équipe technique et 48 commerçants. Puis tout s’est arrêté dans la ville.

 

Une annulation du festival est possible ?

Le temps n’est pas venu d’envisager un report ou une annulation. Le temps est à l’énergie collective pour aider ceux qui sont atteints et ceux qui sont en première ligne. Et à se poser la question de la puissance du théâtre, des mots, du verbe, qui tend à développer un imaginaire. Certes le théâtre en temps « normal » concerne peu de gens, mais il a une résonance beaucoup plus grande dans la société. Si chacun d’entre nous, là où nous sommes, nous lisons et relisons des textes, contemporains ou anciens, on peut envoyer des ondes positives. C’est ce que nous pouvons faire nous les acteurs.

 

Comment maintenez-vous le contact avec le public ?

Je propose aux gens qui le veulent de prendre contact avec le festival et je les rappelle pour leur présenter par téléphone la programmation du Printemps.En relisant Antigone, je me disais que la description de l’enterrement de son frère était un texte magnifique pour les gens qui ne peuvent pas assister aux obsèques de leurs proches. Il y a aussi les textes de Koltès sur le rapprochement, ceux de Shakespeare sur la puissance évocatrice. C’est comme ça qu’est venue l’idée de la radio, pour garder le lien avec les spectateurs, et donner un peu de joie, de son, à ceux qui sont seuls.

 

En quoi consiste cette radio web ?

Il y a, en 1 à 2 mn, des souvenirs de théâtre de spectateurs, comme cette dame qui ramasse les tilleuls du Domaine d'O et les consomme le soir en tisane, une façon, dit-elle, d’être avec le Printemps toute l’année. J’ai aussi sollicité deux universitaires. Gérard Lieber, qui a fait des vignettes sur l’histoire du théâtre, et Florence March, spécialiste de Shakespeare, qui nous parle de Hamlet. Le musicien Jean-Christophe Sirven a fait un travail de mixage autour de La Danse sauvage, des Indes galantes de Rameau. Et le metteur en scène Julien Bouffier, à qui j'ai confié la direction artistique, a eu l’idée d’un feuilleton théâtral. Pour l’instant les thèmes sont l’attente, le désir amoureux, le désir de se retrouver quand on est éloignés. Plusieurs acteurs, confinés chez eux, ont enregistré des scènes de théâtre. La première émission a été mise en ligne le 25 mars.

 

Quelle est la situation des compagnies invitées ?

Elles ont arrêté de répéter. Warlikowski en Pologne, Castellucci en Italie… et en France plus personne ne répète. Sur 36 spectacles, il y a une vingtaine de créations. Je sens beaucoup d’inquiétude chez les compagnies. D’autant que le festival Saperlipopettes, qui nous précède au Domaine d’O les 9 et 10 mai, vient d’être annulé.

 

Et financièrement ?

Tous nos fournisseurs, tous nos partenaires ont fermé. Ce qui m’inquiète beaucoup c’est le retour du public dans les salles en juin. Le festival génère beaucoup de billetterie. La recette, les partenariats privés que nous n’aurons pas cette année, et les coproductions, représentent à eux trois un tiers du budget. Pour l’instant tout est en attente.

 

Quel soutien le public peut-il apporter ?

Venir en masse dès que ça repartira dans les théâtres. Je vois beaucoup de théâtres de saisons, qui ont dû annuler, inciter les spectateurs qui le peuvent à ne pas demander le remboursement de leurs billets. Ce serait un signe de solidarité. Et les organisations demandent à l’État de défiscaliser ces dons qui pourraient être considérés comme du mécénat. Il va falloir qu’on se serre les coudes pour maintenir les outils de production que sont les compagnies et donc tous les savoir-faire des comédiens, des techniciens, etc. Il faut que ce vivier soit conforté.

 

Festival Printemps des Comédiens

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