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Mot de passe oublié ?Quatre Européens mettent l’Europe sur scène
Tout commence avec Monika Dobrowlanska. Il y a quelques années, l’auteure et metteure en scène allemande a cherché à dresser un pont scénique entre plusieurs pays d’Europe en proposant à plusieurs duos auteur et metteur en scène (il s’agit parfois d’une même personne) de produire une pièce courte inspirée du phénomène de la montée des populismes, des nationalismes et des crispations observées au sein de leurs sociétés. Quatre pays illustrent le propos : l’Allemagne, la Pologne, la France et la Hongrie. Les trois textes nés du projet Pandora's Box prennent appui sur les documents et témoignages d'une histoire ancienne (l’antagonisme entre Pologne et Allemagne, la discrimination, les amalgames), ou d'un événement récent (la questions des réfugiés, des immigrants, la politique anti-européenne, les attentats de Paris…) avant d'instiller une fiction.
Les trois auteurs réunis par Pandora's Box ont puisé dans leur propre culture pour documenter leurs textes : Monica est une Allemande dont l’histoire familiale a débuté en Pologne, le Hongrois Àkos Nemeth vit le théâtre au pays de Viktor Orban, et le photographe et écrivain Philippe Malone est né dans le département français du Var, au bord de la Méditerranée. Monika Dobrowlanska et Àkos Nemeth ont mis en scène leurs textes, Philippe Malone a fait appel au fondateur de la compagnie du Bredin Laurent Vacher, avec lequel il collabore régulièrement.
Reflets d’Europe. Le théâtre nécessite de faire pointer le regard et de grossir le trait. Les mots de Monika Dobrowlanska ont été guidés par « l’amitié inattendue entre les partis allemands d’extrême droite et les nationalistes ultra-conservateurs polonais" autour de la question des migrants. Avec pour décor la ville divisée par l'Oder, Frankfurt côté allemand, Sublice côté polonais, d’où la dramaturge a extirpé son matériau documentaire, entre archives et interviews. "La psychose de la solitude" caractérise la pièce de l’auteur metteur en scène Àkos Nemeth, qui aborde le douloureux rapport entre les Hongrois et l’Europe dans l’histoire jusqu'à aujourd'hui où le rejet est politiquement assumé, par le biais d'une rencontre amoureuse entre deux femmes. Pour le duo Philippe Malone / Laurent Vacher, le point de départ documentaire est encore brûlant. Après les attentats de Paris en 2015, un climat général de suspicion a transformé le débat public, le rejet s’est ouvertement installé au plus profond de la société française.
Composé de trois courtes pièces, le spectacle n’a pas pour objet de faire ressortir les liens entre les pays scrutés, ceux-là sont connus. En témoignant d’événements historiques plus ou moins lointains, qui ont installé durablement la défiance d’une grande partie de la communauté, le spectacle juxtapose des consciences individuelles et collectives composant aujourd’hui l’Europe. Les mots réfugié, immigrant, musulman, nationaliste, n’ont pas la même résonance d’un pays à un autre, même s'ils font partie d’une préoccupation commune à tous les Européens.
Leçons d’Europe. Au fil des créations, la boîte de Pandore a laissé échapper les grandes disparités culturelles entre les pays d’Europe. Non pas celle des langues, qui portent sur chacun des textes leurs musicalités singulières, mais celle dont l’art, ici le théâtre, est reçu et reconnu d’un pays à un autre. Le Hongrois Nemeth a dû pour le projet renoncer à travailler dans son pays, avec ses comédiens, et a dû s’installer à Berlin, où réside Monika. Pour cette dernière, qui a choisi l’indépendance plutôt qu'être attachée à un lieu de théâtre, produire un projet est plus ardu que pour la majorité de ses congénères allemands, même si elle est soutenue par la Ville et l'académie de Berlin. Quant au Français Laurent Vacher, l’expérience lui a fait mesurer à quel point la production théâtrale est facilitée au pays des intermittents et de l’exception culturelle. "Dans les autres pays, c'est beaucoup plus compliqué, témoigne Laurent Vacher. Ma compagnie de province est beaucoup mieux dotée que les compagnies indépendantes de Berlin. C'est encore pire pour Àkos Nemeth. Dans son pays, il n'y a rien. Beaucoup d'artistes indépendants hongrois sont attirés par l'Allemagne ou d'autres pays où ils peuvent travailler plus facilement, tout en maintenant une présence artistique dans leur pays. En Pologne, où nous devions tous aller travailler, c'est aussi très difficile ".
Mais ce que tous ont expérimenté, c’est l’art de travailler à un projet qui a pour seul point commun l’Europe. "C'est extraordinaire en Europe de pouvoir vivre ensemble avec tout ce qui nous rend différents et complémentaires", ajoute Laurent Vacher. Surmonter les difficultés, les malentendus, les impératifs et priorités de chacun, fut un exercice ardu dominé par le puissant moteur que procure la découverte de l’autre, si proche et pourtant si méconnu. "Ce qui fut passionnant dans cette aventure, et pas si simple, explique Laurent Vacher, c'est de trouver comment s'accorder entre auteurs et metteurs en scène européens pour faire un projet commun. Confronter nos esthétiques nécessite aussi un long chemin ".
Pandora's Box, trois pièces courtes sur l'Europe. Pour la France : auteur : Philippe Malone / Metteur en scène : Laurent Vacher. Pour la Pologne : auteur et metteuse en scène : Monika Dobrowlanska. Pour la Hongrie : auteur et metteur en scène : Akos Nemeth.
Les 15 et 16 mars (Création), Akademie der Kunst, Berlin, Allemagne. Le 19 mars, Kulturfabrik Fürstenwalde, Brandenburg, Allemagne. Le 21 mars, Bürgerhaus Neuenhagen, Allemagne. Le 5 avril, Kleist Forum, Studiobühne , Frankfurt / Oder, Allemagne. Le 12 juin, Uckermärkische Bühnen Schwed, Allemagne. Les 14 et 15 mai, Festival Passages, Metz, France.
