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La compagnie Hercub’ réalise « L’espace vital » d’Horovitz

par Véronique Giraud
Israel Horovitz a écrit Lebensraum (Espace Vital) pour trois magnifiques comédiens. De gauche à droite : © Benoite Fanton
Israel Horovitz a écrit Lebensraum (Espace Vital) pour trois magnifiques comédiens. De gauche à droite : © Benoite Fanton
" Espace Vital (Lebsenraum) porte un message humaniste qui dépasse son contexte historique. Nous voulons faire entendre cette parole car les idées d’ouverture et de tolérance doivent occuper l’espace public.", Michel Burstin, Sylvie Rolland, Bruno Rochette. ©Fabrice Merabet
Arts vivants Théâtre Publié le 20/07/2019
L’Espace vital hitlérien est retourné par Israel Horovitz qui en fait une invitation à six millions de juifs à s’installer en Allemagne. Dans le Off, la compagnie Hercub’ porte le texte avec une mise en scène ingénieuse pour donner sur scène humour, efficacité et profondeur.

Pour les compagnies, le OFF a des contraintes que le festival d’Avignon, et souvent le spectateur, ignore. Celle notamment de faire disparaître tout décor dans les cinq minutes après la fin du spectacle pour laisser la place au suivant. Lorsqu’on interprète une pièce qui convoque une cinquantaine de personnages, il faut une sacré dose d’ingéniosité pour tenir le pari. Et un certain talent pour que cela devienne constitutif de la pièce. La compagnie Hercub’ a ce talent. Créée en 1991 par trois comédiens, Michel Burstin, Bruno Rochette et Sylvie Rolland, la compagnie vante un théâtre populaire, immédiatement accessible, au service des auteurs contemporains. Et ceux-ci le lui rendent bien. En 1998, Israel Horovitz, l’auteur de théâtre américain le plus joué en France, écrit pour eux Lebensraum (Espace Vital) : « Ils me donnent l’impression d’être un compositeur qui a trouvé de grands musiciens pour l’interpréter ». Le niveau d’exigence ainsi posé, il a fallu à nos trois comédiens inventer un processus scénique efficace, rapide et magnifiant l’actualité de l'œuvre pour la représenter en 2019 à Avignon.

 

Espace vital inversé. « Lebensraum » était un des concepts favoris d’Hitler. Un espace vital qu’il put revendiquer pour le peuple allemand vis-à-vis de ses voisins autrichiens, tchèques, danois, français, belge et polonais, tous pays où se trouver des enclaves aux parlés originairement alémaniques. Au nom du Lebensraum, il envahit l’Autriche et la Tchécoslovaquie et déclara la guerre aux Polonais. L’idée initiale d’Horovitz est d’inverser le propos. En pleine nuit, victime d’un rêve éblouissant, le chancelier allemand Stroiber se réveille avec une idée folle : comment mieux assumer la responsabilité allemande dans la Shoah qu’en invitant six millions de juifs à prendre la nationalité allemande et à s’installer dans le pays ? On imagine les résistances et le chaos que cela va produire. Résistance d’abord d’Allemands qui avaient jusque-là réussi à enfouir leur antisémitisme, voire leur sympathie pour le nazisme. Résistance aussi de juifs qui tiennent le peuple allemand pour ennemi irrémédiable du peuple juif. Mais pour de nombreux juifs, l’idée est séduisante. Soit comme Silvenberg parce qu’exilé en Australie, il rêve de retourner dans son Berlin natal, soit comme cette famille d'un docker du Massachussetts, parce que le chômage la frappe. La pièce va rebondir de scénette en scénette, passant d’une famille à l’autre, pour raconter comment combien cette idée surprenante bouleverse la vie de tout un monde.

 

Espace vital sur scène. Le défi pour les trois comédiens est justement cette superposition de niveaux de réactions à la décision du chancelier. Il faut enchaîner rapidement les scènes, et donc les décors et les costumes. Cela se fait par une suite de procédés ingénieux qui mettent de l’âme à la pièce. De deux caissons à roulettes, véritables boîtes magiques, surgissent instruments et décor à une vitesse folle. Il en va de même pour les costumes, servis par un comédien pour un autre, éléments indispensables à la reconnaissance immédiate d’un des cinquante personnages dont on suit la vie. De ce fait l’espace vital devient également une exigence pour la mise en scène. C’est drôle, c’est profond, c’est efficace, c’est du Horovitz. Admirablement servi par la compagnie Hercub’.

 

Lebensraum (Espace Vital) d’Israel Horovitz. Présence Pasteur, festival Off d’Avignon. 12h40, jusqu’au 28 juillet. Compagnie Hercub’. Avec Michel Burstin, Bruno Rochette et Sylvie Rolland.

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