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La Maison Maria Casarès renoue avec le théâtre et la vie en Charente

par Véronique Giraud
Sur le chemin qui mène au porche d’entrée du Domaine de la Vergne, tout rappelle à Maria Casarès la maison de son enfance en Espagne. ©Giraud/NAJA
Sur le chemin qui mène au porche d’entrée du Domaine de la Vergne, tout rappelle à Maria Casarès la maison de son enfance en Espagne. ©Giraud/NAJA
Le logis du domaine est resté en l'état. Le mobilier de la comédienne évoque sa nostalgie de son Espagne natale. ©GIraud/NAJA
Le logis du domaine est resté en l'état. Le mobilier de la comédienne évoque sa nostalgie de son Espagne natale. ©GIraud/NAJA
Plusieurs objets évoquent la personnalité de Maria Casares. ici, près du Molière que la grande tragédienne obtint en 1989 pour son rôle dans
Plusieurs objets évoquent la personnalité de Maria Casares. ici, près du Molière que la grande tragédienne obtint en 1989 pour son rôle dans "Ecube" d'Euripide, un crâne humain témoigne de son étrange spiritualité. ©Giraud/NAJA
Les livres et souvenirs personnels emplissent les rayonnages dde la bibliothèque ©Giraud/NAJA
Les livres et souvenirs personnels emplissent les rayonnages dde la bibliothèque ©Giraud/NAJA
La bibliothèque du logis, aux murs couverts de photos personnelles et d'affiches de festivals et d'expositions. ©Giraud/NAJA
La bibliothèque du logis, aux murs couverts de photos personnelles et d'affiches de festivals et d'expositions. ©Giraud/NAJA
Vue de la bibliothèque. ©Giraud/NAJA
Vue de la bibliothèque. ©Giraud/NAJA
Maria Casares a acquis le Domaine de la Vergne en 1961. À la veille de sa mort, en 1961, elle a légué lsa propriété à l'État pour en faire un lieu d'accueil des comédiens. ©Giraud/NAJA
Maria Casares a acquis le Domaine de la Vergne en 1961. À la veille de sa mort, en 1961, elle a légué lsa propriété à l'État pour en faire un lieu d'accueil des comédiens. ©Giraud/NAJA
Avec la Cie Le veilleur, le théâtre rêgne en maître à la Maison Maria Casarès. Ici, réunion sous le tilleul pour un échange entre Jeunes Pousses et diffuseurs. ©Giraud/NAJA
Avec la Cie Le veilleur, le théâtre rêgne en maître à la Maison Maria Casarès. Ici, réunion sous le tilleul pour un échange entre Jeunes Pousses et diffuseurs. ©Giraud/NAJA
Au coucher du soleil, le domaine offre une vision apaisante. Au premier plan, les logements des artistes en résidence. © Giraud/NAJA
Au coucher du soleil, le domaine offre une vision apaisante. Au premier plan, les logements des artistes en résidence. © Giraud/NAJA
Arts vivants Théâtre Publié le 25/09/2018
La Maison Maria Casarès, que la comédienne a léguée à la commune d'Alloue en Charente, a failli fermer. C'était sans compter avec Johanna Silberstein et Matthieu Roy qui, depuis deux ans, font revivre le lieu avec leur compagnie Le veilleur. Un lieu qu'ils aiment et qu'ils veulent faire reconnaître comme havre de création de nouveaux modèles de l'art vivant et… de l'art de vivre en Charente.

« Matthieu Roy et moi-même, lui metteur en scène et moi comédienne, nous avons toujours eu envie d’avoir un lieu pour développer notre propre rapport au théâtre et accompagner les jeunes compagnies, explique Johanna Silberstein. De la génération précédente nous nous souvenons de ce que c’est que de débuter. Nous nous inscrivons pleinement dans ce travail de décentralisation, dont Maria Casares était pionnière avec le TNP de Jean Vilar, ses tournées en France et à l’étranger ». De fait, il existe peu de tels lieux de création en France. Comme l’Abbaye royale de Fontevrault, l’Abbaye aux Dames de Saintes, ou la Chartreuse de Villeneuve lez Avignon, la Maison Maria Casarès est devenue Centre culturel de Rencontres, un lieu patrimonial où les artistes travaillent. « C’est intéressant de diriger la Maison Maria Casarès parce que ce n’est pas un théâtre. C’est un lieu à la frontière entre le patrimoine, le centre culturel, le lieu de résidence d’artistes, la scène extérieure pour un festival. Nous avons un potentiel de création passionnant. Ce qui nous intéresse c’est de réinventer les modèles, ici on sent la confiance de nos partenaires publics comme de la population charentaise » poursuit Johanna.

 

Le site a bien failli fermer. « Quand nous avons pris la direction, le lieu souffrait d’un fort déficit de reconnaissance aussi bien au niveau local que national, se souvient la comédienne. Il a donc fallu travailler la notoriété, ce qui nous a amené à créer les Rencontres, le dispositif Jeunes Pousses avec les journées professionnelles pour identifier à nouveau le lieu vis-à-vis de la profession. Et nous avons ouvert cinq semaines l’été pendant notre festival ». Il a été intitulé « Cet été, la maison est ouverte » pour inciter les gens à venir librement se promener dans le parc, aller voir un spectacle. « Ici c’est une maison, les gens qui viennent se sentent chez eux. Ça respire, c’est beau, la nature est agréable ».

Depuis le décès de Maria Casarès en 1996, le logis du Domaine de la Vergne, dont la comédienne avait fait sa maison, est resté en l’état. L’intérieur est émouvant, meubles, objets, livres rappellent sa mémoire, mais trahit à maints endroits la nécessité d'une rénovation. L’isolation et l’installation d’un chauffage amélioreraient la conservation des livres de la bibliothèque qui commencent à se couvrir de taches d’humidité. Le domaine n’est pas classé, mais le logis, désormais répertorié à l’inventaire supplémentaire des Monuments historiques, devrait faire l'objet de nouveaux soins. Le scénographe de la Cie du Veilleur et des architectes locaux rassemblés en collectif Album 16 travaillent avec Matthieu et Johanna sur ce projet au long cours. « Ils nous aident à repenser les usages, les fonctionnements de la maison, explique Johanna. Le potager a été dessiné par une paysagiste, Anne-Cécile Jacquot. Il a fait l’objet d’un atelier participatif et a été planté en février dernier par notre jardinier Jérémie ». Et, pour améliorer le quotidien, une intendante s’occupe de l'entretien et des repas de la maisonnée. Elle sera formée par le chef de La Scène Thélème à Paris (une étoile au Michelin et trois toques au Gault & Millau), lieu partenaire de la compagnie, pour réaliser le dîner de l’été 2019. Autant de promesses de beaux moments de redécouvertes et de joie de vivre.

 

Réfugiée politique espagnole. Maria Casares a acquis la propriété en 1961. Née en Galice, fille de celui qui fut premier ministre de la République espagnole avant la prise de pouvoir par Franco, elle a 14 ans quand, avec sa famille, elle fuit l’Espagne pour Paris. Elle apprend le français, devient comédienne, et débute une carrière au cinéma. Une carrière aussi brève qu’inoubliable, notamment pour son rôle dans Les enfants du paradis de Marcel Carné et dans La chartreuse de Parme aux côtés de Gérard Philippe. Elle délaisse le cinéma, lui préférant le théâtre. Malgré sa longue carrière de tragédienne et ses tournées en France et dans le monde, Maria Casares est oubliée, méconnue des générations du XXIe siècle. Elle vit une grande et longue relation d’amour avec Albert Camus, et leur correspondance, publiée cette année par la fille d’Albert Camus aux éditions Gallimard, a ravivé son souvenir.

Albert Camus se tue dans un accident de voiture en 1960. Les parents de Maria sont décédés, elle vit loin de son pays natal toujours dirigé par Franco, son "unique" n’est plus. Tout cela la fragilise. Le succès de Cher menteur, qu’elle a joué à l’Athénée puis en tournée internationale pendant deux ans aux côtés de Pierre Brasseur, lui a rapporté plus d’argent que d’habitude. Ses recherches la portent vers l’océan atlantique qui lui rappelle sa Galice natale, mais la Bretagne est trop chère. Un agent immobilier lui propose alors en Charente le Domaine de la Vergne et lui envoie des photos. Elle part le visiter et, sur le chemin qui mène au porche d’entrée, tout lui rappelle la maison de ses parents, celle de son enfance. Elle achète le domaine en 1961 avec son ami André Schlesser, régisseur de scène au TNP. Elle habite toujours à Paris, mais l’endroit devient sa résidence privilégiée jusqu’à sa mort en 1996. Elle finit par épouser André Schlesser dans les années 70 et de ce fait devient française. La section européenne de l’OFPRA s’appelle d’ailleurs section Maria Casarès. La notoriété de la comédienne, réfugiée politique, représentait et représente encore pour beaucoup l’exil espagnol. Quand elle se sait condamnée par un cancer, n’ayant pas d’enfants, elle décide de léguer la propriété à la commune d’Alloue, pour remercier la France d’avoir été une terre d’asile.

 

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