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L’art brut fait l’actu

par Véronique Giraud
L'art brut a aujourd'hui sa place au musée ou, comme ici à la Maison Rouge © Marc Domage
L'art brut a aujourd'hui sa place au musée ou, comme ici à la Maison Rouge © Marc Domage
Arts visuels Arts plastiques Publié le 13/11/2014
C’est un « autre art », longtemps nié. Avec un musée à Lille, le LAM, depuis 2010, l’art brut fait l'objet d'une exposition internationale à la parisienne Maison Rouge.

C’est un « autre art », longtemps nié. Après un musée à Villeneuve d'Ascq depuis 2010, le LAM, l’art brut obtient une exposition internationale à la parisienne Maison Rouge. C'est pour distinguer la production d’individus sans formation artistique que Jean Dubuffet inventa en 1945 le terme d’« art brut ». De 1800 aux années 20, on appelait « l’art des fous » la production artistique d’internés psychiatriques que seuls quelques médecins jugeaient digne d’intérêt. Mais l’étude que le psychiatre suisse Morgenthaler consacra à un patient Adolf Wölfli en 1921 fit de ce dernier un pionnier de l’«autre art ». Pensionnaires d’hôpitaux psychiatriques, individus vivants isolés, autistes... ils sont nombreux à dessiner sur papier, créer en volume, découper. Tous ont besoin d’accomplir un travail obsessionnel, irrépressible, hors de toute démarche intellectuelle ou culturelle.
Ces accumulations de dessins, d’images, souvent très symboliques, touchent au plus profond de l’être, ramènent à l’idée d’une authenticité, comme celle expérimentée au cours de l’enfance avec un crayon ou une paire de ciseaux.
C’est ce que donnent à voir jusqu’au 18 janvier 2015 les centaines d’œuvres que Bruno Decharme présente actuellement à la Maison Rouge. Une visite fascinante. Sans doute parce que ces œuvres, qui ne sont traversées par aucun pan d’histoire de l’art, s’offrent au regard dans leur pureté, leur innocence. C’est peut-être ce qui a passionné Bruno Decharme lorsqu’il vit pour la première fois en 1977 un dessin sur carton d’Adolf Wölfli. Et l’acheta « au prix d’une carte postale ». Un temps assistant de Jacques Tati, Bruno Decharme suit les cours de philosophie nouvelle des Althusser, Deleuze, Lacan, Foucault et Derrida. Lorsqu’il apprend que leur disciple Michel Thévoz enseigne l’Art Brut à Lausanne, il s’y rend et visite la collection que Jean Dubuffet venait de léguer à cette ville. Son émerveillement le conduit à acheter de nombreuses œuvres des pionniers : Wölfli, Aloïse Corbaz, Henry Darger, Auguste Leforestier...  Il parcourt le monde pour dénicher d’autres trésors, rencontrer leurs auteurs : « Ce qui m’intéresse c’est comment l’inconscient prend le poste de commande, comment l’automatisme mental s’instaure dès lors qu’il n’est pas entravé par les normes ». À l’époque, il y a peu d’amateurs, plutôt du mépris pour ces « œuvres venues d’une autre planète ».

 

Quand " l’inconscient prend le poste de commande ". Les choses ont peu changé du côté du grand public mais plusieurs initiatives ont permis de faire émerger ces créations. Des initiatives publiques, comme la création en 2010 du Lam (musée d’art moderne, d’art contemporain et d’art brut de Lille Métropole) qui s'appuie sur son fonds d’art brut pour programmer de belles expositions comme celle en cours, intitulée "L’autre de l’art". Quelques initiatives privées sont remarquables. La plus emblématique en France est celle de Christian Berst qui, avec sa galerie d’Art Brut ouverte en 2005 à Paris, joue un rôle crucial dans l’évolution de sa diffusion. Le 30 octobre 2014, il a ouvert une seconde galerie, à New-York. Aux États-Unis, où l'on parle d’Outsider Art, on peut se référer au Creative Growth Art Center, qu’un couple d’Américains, les Kats, a fondé en 1972 à Oakland en Californie. Ce centre culturel pas comme les autres fut le premier à ouvrir les portes d’ateliers d’art à des personnes handicapées. Encadrées par des artistes de talent, elles suivent un programme artistique qui favorise la créativité. Il ne s’agit pas d’un enseignement mais d’un accompagnement. Actuellement, 160 artistes y créent. Les travaux de plusieurs d’entre eux ont acquis une notoriété mondiale, comme Dan Miller, enfermé depuis toujours dans un autisme profond et aujourd’hui présent dans les collections du MoMA à New-York.

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