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L’art brut japonais dévoile son humanité à la Halle Saint-Pierre

par Véronique Giraud
œuvre céramique de Shinobu HAMAWAKI_
œuvre céramique de Shinobu HAMAWAKI_
Keita_KAGAYA
Keita_KAGAYA
Arts visuels Arts plastiques Publié le 11/09/2018
Huit ans après avoir organisé la première exposition de l’art brut japonais à Paris, la Halle Saint-Pierre renouvelle le panorama de ces auteurs qui, ici comme au Japon, peinent à être vus. Martine Lusardy a ramené de ses voyages des œuvres d’une beauté singulière qui atteignent l’humanité là où elle a mal.

Du 8 septembre au 10 mars 2019, la Halle Saint-Pierre renoue avec l’art brut japonais. Le premier événement Tandem Paris Tokyo, organisé au même endroit en 2010, mettait sur les cimaises les travaux de 60 auteurs. Ce second volet, prévu de longue date, en présente des dizaines d’autres qui, pour la plupart, surprennent par leur virtuosité. L’Occident s’est peu à peu habitué aux travaux compulsifs, délicats, d’internés, d’originaux obsessionnels, de personnes souffrant d’un dérèglement mental… Dubuffet les a collectionné, les a réunis sous l'expression art brut, et a revendiqué une définition qui vaut pour la pensée occidentale. L'art brut n'a pas été accepté par Paris, il a trouvé musée à Lausanne. Depuis, des collectionneurs s’occupent de le montrer, des galeries européennes et américaines s’occupent de le valoriser, célébrant une singularité qui a désormais sa place dans nombre d’expositions et de salons.

Mais pour Martine Lusardy, qui dirige depuis 1999 la Halle Saint-Pierre en défendant ces travaux, l’art brut échappe à la marchandisation. Il ne se produit d'ailleurs pas dans le but d’être montré, mais dans l’enfermement, mental ou/et physique. Par des personnes souvent dépendantes de leur famille ou d’une institution. Son travail de défricheur d’art singulier, populaire et brut contribue à la reconnaissance d’œuvres qui nous bouleversent sans qu’on sache pourquoi, « non pas pour ce qu’elles renvoient de la société, de ce qui fait consensus, mais au contraire pour ce qu’elles naissent d’un mal-être profond et de la douleur d’être différent », explique l'historienne de l'art.

 

Une histoire à construire entre Japon et Occident. L’exposition de 2010, organisée à la Halle Saint-Pierre, dura un an et a permis de découvrir l’art brut japonais. « Elle renouvelait le regard sur l’art brut à un niveau international, jusque-là très occidental. C’était faire rentrer l’Orient, via le Japon, dans le patrimoine mondial de l’art brut », poursuit Martine Lusardy. L’exposition fut un succès aussi bien à Paris qu’au Japon, où il y eut des répercussions notables. Cette première approche Art Brut Japonais n’était pas une fin en soi, n’avait rien d’un événement spectaculaire. C’était, après quatre années de recherches, le début d’une histoire à construire entre l’Occident et le Japon. Ses voyages, comme les venues à Paris d’artistes et chercheurs japonais, ont permis d’éclairer une part cachée de la société nipponne. Son art brut, encore peu reconnu au Japon, ouvrait un nouveau champ de réflexion sur l’art et la société qui rejaillissait immanquablement sur le visiteur parisien. Démontrant l'évidence que « l’art brut n’a pas de limites qu’elles soient historiques, culturelles, formelles ou géographiques ».

 

L'expression même du mal-être. Huit ans se sont écoulés, les partenariats se sont développés, des conférences ont été données à Tokyo et à Paris. Les nouveaux auteurs repérés dans les ateliers des institutions hospitalières qu’ils fréquentent, ou dans les collections nationales, indiquent une progression sensible. Il n’y a qu’une vingtaine d’années que le Japon s’intéresse à ces auteurs, depuis que le gouvernement a décidé de se rapprocher les populations écartées en raison de leur handicap ou de leur refus des codes sociaux établis. Dans les deux cas, la posture aboutissait jusqu’alors soit à l’enfermement soit à l’exclusion tacite. Mais enfermement et exclusion ne réduisent en rien la nécessité de créer, de s'exprimer. La pratique artistique est alors l’expression même du mal-être. Aux côtés des auteurs d’art brut, sont présentés les dessins et les peintures réalisés par Masaki Hironaka et Yukio Karaki, tous deux survivants des bombardements nucléaires d’Hiroshima et de Nagasaki. Le premier s’est exprimé dans ses carnets de dessins, le second à travers des peintures au réalisme saisissant.

 

 

L'art Brut Japonais, exposition du 8 septembre 2018 au 10 mars 2019. Halle Saint-Pierre, 18 rue Ronsard Paris. Programme de rencontres : la librairie de la Halle Saint-Pierre s’est mise à l’heure du Japon. Sa littérature, son art, sa musique se retrouveront en septembre à la Maison de la culture du Japon (Production de la Halle Saint Pierre). Plusieurs films japonais seront projetés dans l’auditorium de la Halle.

 

 

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