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Le 6 octobre 2018, un nuage numérique s’envole de La Courneuve

par Véronique Giraud
"Nuagemot" fera événement le 6 octobre à La Courneuve.
Arts vivants Performance Publié le 03/10/2018
Après trois mois de fermeture, le centre culturel Jean-Houdremont de La Courneuve rouvre le samedi 6 octobre avec une grande fête dont le point d’orgue sera une performance numérique inédite, imaginée par le designer graphique Malte Martin et le collectif de game designers Orbe devant la barre des 4000.

Aller à la Courneuve n’est pas une destination de prédilection pour le passionné de l’art vivant. Cette perception, très répandue, Malte Martin l’avait lui aussi. Pourtant en prenant le RER pour se rendre à Houdremont : « Je me suis rendu compte que ce n’était pas si loin, j’étais heureux d’avoir une résidence aussi proche », confie le plasticien et designer graphique, artiste résident du centre culturel depuis plus de deux ans. Habitué à investir l’espace public dans sa pratique artistique, il a noué de nombreux contacts avec les habitants et connaît désormais bien la ville. Et d’expliquer comment, chaque après-midi, la bien nommée place de la Fraternité, sur laquelle donne le bâtiment d’Houdremont, se remplit d’habitués qui s’y retrouvent pour s’asseoir, parler, regarder les enfants jouer. C’est naturellement sur cette place et sur celle de la toute proche barre des 4000 que l’artiste a imaginé un événement fort pour fêter la réouverture du centre culturel ce samedi 6 octobre.

 

Centre de l’art en mouvement. Le lieu, qui porte le nom de Jean Houdremont, maire de La Courneuve de 1959 à 1973, n’a jamais fermé ses portes depuis son inauguration. Seul l’incendie criminel qui a dévasté avant l’été la médiathèque John-Lennon voisine l’y a contraint pendant trois mois. Sa réouverture est d’autant plus importante pour l’équipe du centre attachée à nouer un contact permanent avec les habitants, les lieux d’enseignement et les associations. Dans ce lieu municipal, la population est chez elle, mais franchir l’entrée d’un théâtre, d’une salle de spectacle, n’a jamais rien d’évident.

" Houdremont est un lieu de l’art en mouvement », résume Pauline Gacon, qui dirige le centre. De nombreux circassiens sont venus s’y produire, à l’instar de Yoann Bourgeois. Outre la grande salle de spectacles, les artistes et les associations y trouvent des salles de répétition, et depuis 2013 la Maison des Jonglages, scène conventionnée dont la mission est le soutien et la diffusion de la création dans cette discipline. Tout au long de l’année, les spectacles sont programmés à Houdremont, ou ailleurs dans l’espace public de La Courneuve et dans les lieux partenaires comme la MC 93.

 

Travail avec la population. Des artistes y sont accueillis en résidence et Malte Martin est de ceux-là. Associé au quotidien du centre, il s’est vu confier la mission d’inventer un signal fort pour Haudremont. Habitué à créer des signes dans les espaces publics pour « les rendre habitables pour tous », le designer fait ici primer la dimension humaine et cosmopolite de sa mission. Elle se traduit par ses interventions dans les écoles et lycées, dont les élèves sont, en retour, invités au théâtre pour participer à des ateliers. Des échanges de même nature se font avec des associations. Ces aller-retours ont fini par renforcer le lien entre le centre culturel et la population. Au fil des mois, les rendez-vous se sont échelonnés. Un travail sur le totem a été réalisé avec le lycée technique. Là aussi un échange a eu lieu : alors que Malte Martin conçoit ses formes en papier et en carton de couleur, les élèves eux, formés au verre et au métal, ont confectionné leurs totems avec ces matériaux. Après avoir investi le théâtre, les sculptures ont pris place aujourd’hui dans le lycée.

 

Kit pédagogique pour les écoles. Ces derniers mois, c’est vers les mots que Malte Martin a poursuivi sa réflexion. Le langage est au cœur de sa création graphique dans l’espace public, comme une façon de réactiver sa fonction sociale, et pour le designer, les mots doivent se faire entendre (comprendre) et faire entendre (ceux qu’on entend pas ou qui n’osent pas prendre la parole). À la fin de l’été, a émergé une sorte d’herbier de mots : cola, tulipe, chocolat, élixir, tomates, ketchup, et bien d’autres, ont voyagé. Un voyage formel d’abord, puisque chaque mot s’est vu distinguer par une typographie singulière et un code couleurs. Puis un voyage à travers les sens de ces mots très répandus, pourtant venus d’une autre langue et d’une autre culture avant de s’infiltrer dans la langue française. L’ensemble fait l’objet d’un « kit pédagogique » à destination des écoles : les images mots et leur légende ont été imprimés en format posters et ont été le support de plusieurs ateliers organisés en mai et juin. Les apprenants y ont retraduit les mots dans leur langue d’origine, complétant le kit à leur manière et dans leur graphie.

 

Le projet Nuagemot. Comme en prolongement de ce voyage des mots, Malte Martin a voulu concrétiser l’idée du mouvement du langage, comment il s’échappe de nos lèvres pour s’aventurer dans les airs, s’y perdre ou être reçu. La métaphore de la buée sortant de la bouche par jours de grand froid lui est apparue révélatrice. Elle est le fil conducteur de ce qui composera le grand spectacle de réouverture du centre culturel. À ce projet, qu’il a baptisé Nuagemot, il a associé le collectif Orbe, qui regroupe des game designers, ingénieurs et artistes numériques. Et Orbe a pris Nuagemot à la lettre, grâce à sa maîtrise numérique très sophistiquée. Le 6 octobre 2018, là où habituellement les voitures sont garées au pied des bâtiments, les habitants pourront venir assister à la formation inédite d’un immense nuage. Un micro placé sur côté de la grande place sera à la disposition de chacun. Aucun son ne sera émis directement du micro, mais quelque temps, dans le ciel, le son de la voix activera, modulera le nuage, et quelques mots prononcés pourront apparaître dans la vapeur virtuelle. Une façon très symbolique de rendre chacun acteur de la performance, un encouragement à dire en secret mais à tous le fond de sa pensée du moment, dans sa langue ou dans celle de l’autre.

L'événement est aussi une manière indirecte de rendre compte de la richesse culturelle des populations vivant sur le territoire où on parle 110 langues. Depuis son ouverture, le centre culturel Jean-Houdremont a vu passer et a accueilli des populations venant d’Espagne dans la décennie 1920-30 puis dans les années 1955-70, puis du Maghreb, et aujourd’hui principalement du Pakistan et de Chine.

 

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