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Mot de passe oublié ?Le cinéaste Oleg Sentstov : « Gaamer », et après ?
Alors que Vladimir Poutine garde le silence sur les agissements de la Russie envers la Crimée, un homme, Oleg Sentsov, fait résonner l’injustice ukrainienne du fond de sa cellule. Privé de sa liberté d’agir et de sa caméra, le cinéaste a entamé une grève de la faim, faisant de son corps un micro qui se fait entendre à des milliers de kilomètres, comme en témoignent les nombreuses mobilisations organisées dans différents pays pour demander au Président de la Russie que soit libéré Oleg Sentsov. Dernière initiative, une lettre ouverte signée par un collectif de 250 cinéastes, intellectuels et politiques du monde entier, adressée à tous les chefs d’État, alors que ces derniers, dont Vladimir Poutine, étaient invités à la commémoration du 11 novembre à Paris. Le même jour, sur la place de la République, un rassemblement organisé pour réclamer la libération du cinéaste était ponctué par la projection sur écran géant du film Le procès : l’État de Russie contre Oleg Sentsov. Ce documentaire a été réalisé en 2018 par Askold Kurov, qui a suivi le procès-spectacle et très politique du cinéaste à Moscou. Le film est d’ailleurs repris par la Filmothèque du Quartier Latin ce 12 novembre.
Enlevé par les services secrets. Le cinéaste, opposé à l’annexion de la Crimée par Moscou, son pays natal, a été condamné en 2015 à 20 ans de prison. Il a été reconnu coupable par la justice russe de « terrorisme » anti-russe et « trafic d'armes » en 2015 en Crimée, à l'issue d'un procès dénoncé comme « stalinien » par l'ONG Amnesty International. La vérité, comme le précise la tribune du Monde, « c’est qu’au XXIe siècle, Oleg Sentsov, ce jeune cinéaste auteur d’un premier film repéré par les grands festivals européens de cinéma, père de deux enfants, a disparu le 10 mai 2014 alors qu’il sortait de chez lui, enlevé par les services secrets dans sa Crimée natale, ce morceau d’Ukraine que les Russes venaient brutalement d’annexer. La vérité, c’est qu’il a été battu et torturé, emprisonné en Russie et condamné un an plus tard à vingt ans de prison ». Depuis le 14 mai dernier, le cinéaste a cessé de s’alimenter, mettant sa propre vie en péril tout en demandant que soient libérés les autres Ukrainiens emprisonnés en Russie. En dépit de tous les appels, des intellectuels et des politiques, le président russe est resté sourd ou insensible à son sort. Le 5 octobre, le cinéaste a annoncé l'arrêt de sa grève de la faim de peur d'être nourri de force. Le Parlement européen lui a attribué en octobre le Prix Sakharov, récompensant « une contribution exceptionnelle à la lutte pour les droits de l'homme dans le monde ».
Oleg Sentsov n’a eu le temps de réaliser qu’un long métrage, tourné avec seulement 20 000 dollars de budget. Ce premier film, Gaamer, raconte l'histoire d'un adolescent qui participe à des compétitions de jeux vidéo tout en faisant face à une vie quotidienne difficile dans un village d'Ukraine. Gamer a été montré et salué dans de nombreux festivals, et récompensé à Rotterdam en 2012. La cinémathèque de Paris, que dirige le réalisateur Costa Gavras, a organisé fin septembre une projection gratuite de Gaamer, en soutien au cinéaste. Plusieurs salles de l'hexagone l’ont projeté ou le projettent depuis septembre.
Gaamer (2012), long-métrage réalisé par Oleg Sentsov.
Le Procès, l’Etat de Russie contre Oleg Sentsov, film réalisé par Askold Kurov. Estonie/Pologne/République tchèque. Production : Marx Film, Message Film, en co-production avec la Télévision tchèque, avec le soutien du Polish Film Institute et de B2B Doc, 2017. 70 min
