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Pakito Bolino : éditeur de l’undergraphique Dernier Cri

par Véronique Giraud
Pakito Bolino. DR
Pakito Bolino. DR
Arts visuels Arts plastiques Publié le 07/01/2015
Avec sa maison de microédition le Dernier Cri, Pakito Bolino fait bouger la création graphique, loin des sentiers battus. Il retrace son parcours qui l’a conduit il y a vingt ans à installer un atelier de sérigraphie au sein de la Friche Belle de Mai à Marseille.

Après avoir étudié à l’école des Beaux-Arts d’Angoulême, Pakito Bolino abandonne vite la Bande Dessinée. Ce qu’il veut c’est produire des images, les reproduire et les vendre à un prix raisonnable. Ce qui le passionne c’est la diffusion, le multiple, à l’égal de la musique et du disque. Il se rend à Paris où il se forme dans un atelier de sérigraphie, crée l’association Dernier Cri et devient éditeur. « A la fin des années 80, il y avait peu d’éditeurs. J’ai commencé dans un squat en banlieue parisienne, avec un travail très mêlé à la musique : magazines, affiches de concerts, couvertures de magazines musicaux… » Deux ans plus tard, il est expulsé du squat et décide de partir à Marseille où il espère avoir les moyens de vivre et de travailler. Et ce sera à la Friche Belle de Mai. L’atelier collectif de sérigraphie Le Dernier Cri s’y installe et, vingt ans plus tard, environ 450 livres y sont édités et de nombreux artistes accueillis en résidence. De très grandes sérigraphies sont réalisées sur l’immense presse de l’atelier. En parallèle, sérigraphies et livres font l’objet de nombreuses expositions-vente permettant leur diffusion. Certains livres, édités en peu d’exemplaires, intéressent les collectionneurs par leur rareté. Mais la plupart des acheteurs sont des fans de l'undergraphique.

Le site web du Dernier Cri, avec sa boutique en ligne, est essentiel à la diffusion de ces éditions. « D’autant que de moins en moins de librairies acceptent de prendre ce type de productions. », constate Pakito Bolino. Le collectif s’efforce donc de développer le réseau de distribution en supprimant le plus possible les intermédiaires qui rendent difficile la survie d’une activité éditoriale prônant avant tout la création.

 

Un éditeur hors-champ. L’artiste-éditeur est à l’origine de plusieurs expositions hors les murs. Deux réunissent actuellement les trois générations d’artistes japonais revendiquant une contre-culture, héritiers de « l’art du bien fait mal fait », appelé Heta-Uma par son inventeur King Terry Yumura. Ce dernier, il y a quarante ans, voulait s’opposer à la perfection et l’esthétique glacée traditionnelle japonaise. Les premiers magasins japonais et les mangas, Pakito Bolino les a découverts à Paris dans les années 80. Leur puissance graphique devient vite pour lui source d’inspiration et lui donne l’envie d’éditer les artistes qu’il admire.

Keshemuta, avec lequel il a déjà fait deux livres, fut le premier à lui ouvrir les portes du Japon et lui a permis de rencontrer de nombreux artistes contemporains. Cette découverte lui a inspiré il y a 17 ans la réalisation d’un film d’animation, intitué Dernier Cri, que la chaîne Canal Plus a diffusé dans son émission L’œil du cyclone. À cette époque, un label japonais a sorti le DVD du film, avant même sa sortie en France. Le DVD a donc été distribué au Japon et de nombreux jeunes artistes alternatifs sont entrés en contact avec l'éditeur marseillais.

Réunis pour la première fois, ces artistes ont répondu à l’invitation de Dernier Cri qui les expose à la fois Marseille, à la Friche Belle de Mai, et à Sète, au Musée International des Arts Modestes (MIAM). Une occasion exceptionnelle de découvrir par exemple Sekitani, dont les grands collages sont exposés à Sète. L’artiste japonais a pris contact il y a dix ans avec le collectif après avoir vu le film. « Il ne parlait pas anglais, se souvient Pakito Bolino. Il m’a envoyé des photos par internet. Moi j’ai fait un livre de ses créations il y a quatre ans. Pendant des années, ça s’est passé comme ça. Je recevais des images, je les imprimais, sans connaître les artistes et parfois sans pouvoir communiquer avec eux. Grâce à la librairie Taco Che, j’ai fait une exposition à l’Institut français de Tokyo en 2010. Là ils sont tous venus et j’ai pu rencontrer des gens que j’éditais depuis des années. Ils m’ont fait rencontrer d’autres gens. Ensuite, il y a deux ans, ils ont organisé l’exposition Dernier Cri. Ca a été l’occasion de rencontrer d’autres artistes, plus jeunes. Cette nouvelle génération m’a donné l’envie de monter une exposition en France. » Les librairies manga en France ne s’intéressent pas à ce graphisme qui se situe entre le manga et la peinture, entre la bande dessinée et la peinture, et s’exprime par l’estampe, l’affiche, le livre. Cet art ne rentre pas dans une case. « Les Japonais sont toujours des enfants, leurs personnages sont des petits bonshommes mignons, même les monstres et les jouets sont graphiques. L’esthétique japonaise est très excitante, elle est partout. C’est ce qu’on a essayé de restituer à Marseille et à SèteMême si les expressions sont très singulières, ne se ressemblent en rien, elles sont attachées à l’esprit Heta-Uma, un art déviant, opposé à un héritage policé du Japon où on ne parle pas de sexe, où on cache beaucoup, où on suggère sans montrer. »

 

Le Dernier Cri, 41 rue jobin La Friche de la Belle de Mai - 13003 Marseille

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