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« Le Kung Fu » de Dieudonné Niangouna

par Véronique Giraud
Dieudonné Niangouna interprétant sa pièce
Dieudonné Niangouna interprétant sa pièce "Le Kung-fu" au théâtre des 13 Vents de Montpellier. DR
Arts vivants Théâtre Publié le 05/12/2018
Le titre du spectacle est étonnant, mais bien moins que la prestation de Dieudonné Niangouna. Avec "Le Kung-fu", l’auteur, comédien et metteur en scène réveille de sa torpeur le spectateur confortablement assis face à lui. Un théâtre de la simplicité qui se joue en mots percutants et en vidéos d'amateurs.

Le Kung-fu, Dieudonné Niangouna l’a créé en 2013 à Aubervilliers. L’idée lui est venue de sa fascination d’enfant pour le cinéma, de son rêve d’être acteur, lui qui est né au Congo, un pays où les gens sont peu habitués à payer pour voir un homme qui grimace. « Le Kung-fu est un manifeste qui raconte, de manière très simple et lisible, comment un acteur s’est créé », « acteur de l’échange et de l’interculturalité des mondes » qui « continue à défendre des zones laissées pour compte » décrit l’auteur. Autour de ce rêve enfantin de super-héros, l’idée même du théâtre se construit tranquillement, dans la bonne humeur, les interrogations inévitables, les souvenirs qui font une personnalité.

Dieudonné Niangouna évoque ainsi la promesse de son père, le regard porté sur le théâtre et le cinéma à Brazzaville, sa ville natale. Au fil de sa diatribe, se compose une réflexion sur le jeu de la vie. Parsemée de moments de pur fou-rire quand il s’étend sur la V.O. en Afrique, et d’un moment de pur bonheur quand une trentaine d’ados prennent d’assaut la scène, répondant à l’invitation du metteur en scène, devant le regard inquiet des enseignants qui les accompagnent. Non le théâtre n’est pas un objet de consommation, c’est bien un objet de vie, qui réagit et fait réagir. Et la performance du fondateur de la compagnie Les bruits de la rue tient aussi à ça : faire se déplacer le public, lui faire lire un texte, à voix forte et percutante.

 

Des spectateurs acteurs de la pièce. Devant un décor composé d’un échafaudage rouillé et de quelques ballons de couleur, Dieudonné Niangouna envoie au public, de sa voix sourde au rythme saccadé, des images qu’il faut vite s’approprier, des parallèles désopilants, des jeux de mots venus d’ailleurs, des souvenirs sincères, son vrai amour du spectacle et du cinéma. Et cet amour, il ne le garde pas pour lui, ne s’en gargarise pas. Il le transforme à chacun de ses passages dans une ville où est programmé Le Kung-fu, en passant le relai aux gens du coin. Quelques semaines avant la représentation, il invite par voie de presse les futurs spectateurs à réinterpréter leur scène de cinéma préférée devant la caméra de son vidéaste Wolfgang Korwin. Chaque petit film sera ensuite projeté sur un grand écran planté dans le décor comme un élément de la pièce plus qu'un collage.

Car ces petites vidéos, qui respectent le texte et la mise en scène originale des scènes choisies, deviennent des souvenirs personnels qui, comme toute œuvre de mémoire, accentue le glamour ou la dérision sur des films cultes comme Un homme et une femmeThe Party au son étrange du trompette Peter Sellers ou Breakfast at Tiffany's avec l’inoubliable Audrey Hepburn. Des cadeaux hilarants qui viennent ranimer le cinéma populaire, celui que personne n’oublie et que tout le monde peut partager.

Cette dérision, qui anime Le Kung-fu, n’agite pas que le rire. Elle témoigne aussi magistralement que « avec rien, on peut beaucoup ». Une philosophie qui s’apprécie depuis longtemps en Afrique, et qui revient comme un boomerang en Europe.

Dieudonné est habitué aux combats, dans son pays le Congo, ils sont sanglants. Habitué à n’être pas attendu : en Afrique plus qu'ailleurs, quand on fait du théâtre il faut se battre pour se faire entendre. Sa parole même d’auteur est celle du combat, celle qui compose Le Kung-fu, ou d'une autre de ses pièces, M’appelle Mohammed Ali

 

Le Kung-fu, écrit, mis-en-scène et interprété par Dieudonné Niangouna avec la complicité d'habitants de Montpellier. Théâtre national des 13 vents. Du 4 au 7 décembre 2018. 

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