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Le MIAM pour « faire dialoguer tous les territoires de la création »

par Véronique Giraud
Hervé Di Rosa, enfant prodige de la Figuration libre, fait le tour du monde pour créer. ©Treviers:NAJA
Hervé Di Rosa, enfant prodige de la Figuration libre, fait le tour du monde pour créer. ©Treviers:NAJA
Arts visuels Arts plastiques Publié le 04/05/2015
Hervé di Rosa a créé avec Bernard Belluc le MIAM, musée international des arts modestes, à Sète. Les deux artistes l’ont inauguré en 2000 avec leurs collections de figurines et petits objets installées dans des vitrines et des caravanes. Sorte de manifeste pour un lieu imaginé pour mettre au même plan art contemporain, art populaire, art brut.

Le MIAM est un musée singulier…

C’est plutôt d’un laboratoire de recherche. Le mot musée a été choisi pour MIAM et sa consonance gourmande. L’idée de départ était de valoriser les productions marginales, modestes, peu reconnues, et de les valoriser parce qu’elles ont influencé beaucoup d’artistes. C’est mon cas, je n’ai pas été influencé que par Dubuffet, par Rembrandt, Jérôme Bosch ou Matisse, mais aussi par la télévision et la bande dessinée. Je voulais donc rendre hommage à tous ces créateurs, souvent anonymes, créateurs de l’industriel ou de l’artisanat, et faire dialoguer tous les territoires de la création. Au début des années 2000, nous avons été parmi les premiers en France à faire dialoguer l’art contemporain avec l’art populaire, l’art brut, l’art décoratif, le cinéma, etc. Le dialogue, la transversalité se fait aussi entre les artistes. Nous avons exposé environ 350 artistes en quinze ans, émergents ou très connus, venant de très loin ou de Sète. J’ai voulu créer un lieu pour voir les expositions que je ne voyais pas ailleurs. Le jour où je verrai partout ce qu’on fait ici, il sera temps de faire autre chose.

Je crois être le seul artiste président directeur par défaut d’un centre d’art. Les artistes ont aussi leur mot à dire. Ils ont aussi à connaître le fonctionnement d’une exposition, d’une institution. Depuis quelques temps, le MIAM invite d’autres artistes à se transformer en commissaires. Ce fut le cas pour l’exposition Heta Uma : Paquito Bolino, du collectif Le dernier Cri, a lui-même monté l’exposition, fait le choix des artistes, s’est occupé du budget, de la scénographie. Nous développons cette démarche en permettant à certains artistes d’exprimer autre chose que d’exposer ce qu’ils font.

 

 

Ce n’est pas une démarche courante pour un artiste.

Les artistes sont un peu nombrilistes. Je suis comme les autres, mais je me force à essayer d’ouvrir le champ, à dire aux artistes que, même s’il est difficile de se battre dans notre milieu, dans notre travail, quand on arrive à une stabilité dans nos productions, il faut à son tour donner, rendre au collectif, aux autres artistes, au public, des choses qu’ils n’auraient pas l’occasion de voir. Je suis peut-être utopiste mais mon idée c’est de faire sortir les institutions et les artistes de leur carcan. Ce travail que je fais sur moi depuis quinze ans ici au MIAM, je veux le transmettre à d’autres artistes.

 

Comment le MIAM est-il organisé ?

Je suis aidé par un conseil d’administration et de nombreux bénévoles, des professionnels de l’art souvent à la retraite. Dans mon atelier, je suis seul et je fais ce que je veux, j’ai créé le MIAM pour travailler en groupe. Je crois encore au collectif. Je pense que l’avenir n’est pas dans l’individu ni dans la concurrence mais dans le travailler et concevoir ensemble. Le MIAM est un laboratoire qui doit développer cette idée. Depuis quinze ans, l’idée même d’art modeste commence à convaincre, à être palpable. Le MIAM est arrivé à un degré de réflexion qui incite le musée de Lausanne ou le Quai Branly à nous proposer des collaborations.

 

Le MIAM veut aussi s’adresser aux néophytes de l’art contemporain.

Oui. En exposant à Paris, Issoudun, New-York ou Tokyo, j’ai souvent le même genre de public, des connaisseurs, des collectionneurs, des universitaires. Je viens d’un milieu très populaire et je ne pense pas que l’art contemporain soit réservé à une élite. Il y a bien sûr les passionnés, ceux qui lisent et se renseignent, mais je pense que les néophytes ont droit de percevoir la création d’aujourd’hui, sans démagogie et en invitant des artistes jugés difficiles. Si l’art contemporain est fait pour expérimenter, réfléchir, c’est aussi du plaisir. Il n’y a pas que la télé et le cinéma. Les pages culturelles des journaux se réduisent souvent à la mode, au cinéma et à la cuisine. Il y a même des chanteurs qui exposent au MOMA. Ce n’était pas dans l’idée du MIAM, l’art modeste ce n’est pas n’importe quoi. Sans échelle de valeurs, chaque chose y est à sa place, représente une partie de l’histoire et de la création.

 

D’où vient ce nom d’art modeste ?

Ce n’est pas un concept, c’est une notion. Tout le monde peut se l’approprier. Ce n’est pas moi qui ai inventé le terme. Je cherchai à nommer ces images, ces objets un peu méprisés car sans nom ces images n’existent pas, ni pour les musées ni pour les spécialistes. Un jour, à l’occasion d’une exposition que je faisais avec mon frère au milieu des années 80 au Musée d’art moderne de la Ville de Paris, j’ai entendu une petite fille dire à sa mère : « je voudrais qu’on retourne au musée d’art modeste ». Sa langue avait fourché. C’était comme un don du ciel. Ce n’était pas une invention intellectuelle, cela venait de soi.

Nous sommes en train de créer un fonds de dotation qui commencera l’an prochain à donner des bourses à des doctorats et des maîtrises II sur des sujets qui nous intéressent, l’art touristique, l’art carcéral, des sujets qui ne sont pas étudiés dans le domaine de l’esthétique. Je connais mes limites intellectuelles, donc pour aller plus loin dans la réflexion j’ai besoin de fédérer.

 

Comment faites-vous le choix des expositions ?

Les expositions du MIAM sont nées de rencontres extraordinaires que j’ai pu faire dans ma vie d’artiste. L’exposition sur Manille est venue de ma rencontre avec Manuel Campo aux Philippines et d’autres artistes magnifiques, tout comme à Séville, au Mexique, à Winnipeg au Canada. Ces choses sont peu montrées en France. Cela ne nous empêche pas de nous ouvrir à d’autres champs de production. Pour la première exposition du MIAM il y avait, par exemple, une pièce de Jeff Koons. Nous ne faisons pas de dichotomie entre les œuvres de production du marché de l’art contemporain et des œuvres de l’art brut réalisées par des gens atypiques, souvent en asile, qui créent pour eux uniquement sans penser à les exposer. Toutes ces œuvres peuvent dialoguer, c’est aussi ce qui intéresse le néophyte. Il peut découvrir des œuvres qui lui sont propres même s’il ne les connaît pas.

Pour « Véhicules », l’exposition actuelle, c’est Norbert Duffort, sur proposition du musée de Lausanne, qui a croisé les merveilles de sa collection, une des plus importante au monde, avec des œuvres d’art contemporain, d’art modeste et d’art populaire. Cette exposition est un nouveau dialogue entre art contemporain et le meilleur de l’art brut.

 

Le MIAM a un projet d’agrandissement ?

Les professionnels qui m’entourent au conseil d’administration le savent. Si, après quinze ans, un centre d’art ou musée n’a pas un projet de rénovation cela peut être fatal. Je ne passe pas du temps, de l’énergie, parfois de la douleur, pour juste mener à bien un musée plan-plan. C’est un lieu d’expérience qui doit servir aux artistes et au public. Là nous sommes coincés en terme de surface, les collections du musée ne peuvent pas toutes être montrées, comme les Caravanes de l’art modeste que nous avons présentées devant la pyramide du Louvre en 2012. Nous ne pouvions pas agrandir ici, il y a donc un projet de MIAM2 ailleurs.

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