espace abonné Mot de passe oublié ?

Vous n'avez pas de compte ? Enregistrez-vous

Mot de passe oublié ?
ACCUEIL > Événement > Le Nobel de la paix récompense la lutte contre le viol de guerre

Le Nobel de la paix récompense la lutte contre le viol de guerre

par Véronique Giraud
Denis Mukwege et Nadia Murad, Prix Nobel de la paix 2018 Ill. Niklas Elmehed. © Nobel Media
Denis Mukwege et Nadia Murad, Prix Nobel de la paix 2018 Ill. Niklas Elmehed. © Nobel Media
Hors-Champs Société Publié le 09/10/2018
Le Prix Nobel de la paix 2018 résonne d'un combat étouffé par le tabou et l’indifférence, celui de la lutte contre les violences sexuelles en tant qu'arme de guerre. En attribuant la distinction au courageux gynécologue congolais Denis Mukwege et à la jeune Yazidi Nadia Murad, victime sexuelle du groupe État islamiste, le viol comme arme de guerre est à nouveau sous les projecteurs.

"Denis Mukwege et Nadia Murad ont tous les deux risqué personnellement leur vie en luttant courageusement contre les crimes de guerre et en demandant justice pour les victimes", a déclaré la présidente du comité norvégien le 5 octobre, lors de la remise du Prix Nobel aux deux lauréats.

Denis Mukwege est L'homme qui répare les femmes, titre de l'édifiant documentaire réalisé par le journaliste belge Thierry Michel en 2015 qui dresse le portrait d’un homme engagé aux côtés des femmes. Depuis plus de vingt ans, au péril de sa vie et en dépit des menaces qui visent sa famille, le gynécologue obstétricien congolais reconstruit le corps des femmes mutilées par les milices ou l’armée régulière dans l’est de la République démocratique du Congo. Dans ce pays comme dans beaucoup d’autres, les femmes et les fillettes violées subissent la double peine d’être rejetées par leurs proches. Pour elles, et les jeunes filles exorcisées le chirurgien a fondé en 1999 l’hôpital de Panzi à Bukavu, où il exerce sans relâche son délicat travail de reconstruction des corps. Bien qu’on lui ait attribué le prix Sakharov en 2014 et qu’il se saisisse de toutes les tribunes internationales pour sensibiliser les autorités à ce fléau dévastateur, ces viols restent impunis à ce jour.

Et la présidente d'ajouter : "Un monde plus pacifique ne peut advenir que si les femmes, leur sécurité et droits fondamentaux sont reconnus et préservés en temps de guerre". C’est bien le sens de la lutte menée par Nadia Murad, capturée avec des milliers de femmes de la minorité yazidie lors de l'offensive de l'EI dans le nord-est de l'Irak en 2014. Réduite pendant plusieurs mois à l'esclavage sexuel organisé par les jihadistes sunnites, dont elle a réussi à s'échapper, la jeune femme de 25 ans a mis de côté son traumatisme pour parvenir à ce que les jihadistes soient jugés pour leurs exactions. « La justice, c'est de mener les membres de Daech devant un tribunal et les voir, devant la cour, admettre les crimes qu'ils ont commis contre les Yazidis et qu'ils soient punis pour ces crimes", a-t-elle dit lors d’une conférence de presse à Washington le 8 octobre. Aujourd'hui ambassadrice de l'ONU pour la dignité des victimes du trafic d'êtres humains, Nadia Murad, dont six frères et la mère ont été tués par l'EI, milite désormais pour que les persécutions commises contre les Yazidis soient considérées comme un génocide.

L’engagement de Denis Mukwege et Nadia Murad justifie largement ce Nobel de la Paix. Mais le prix du comité suédois aura d’autant plus de valeur s’il devient un levier pour les gouvernements et leur justice à qui il revient de prendre le relai de ces actions individuelles. Un relai d’autant plus nécessaire dans une période où l’avortement, socle universel de l’émancipation des femmes, est remis en question. Mais un relai encouragé par le mouvement général de prise de paroles des femmes ayant subi des abus sexuels.

Partager sur
à lire aussi

"TIME TO ACT" : MOBILISER CONTRE L"IMPUNITÉ DU VIOL DE GUERRE
Fermer