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Le théâtre La Filature à la reconquête de Mulhouse

par Véronique Giraud
La Filature / Grande salle
La Filature / Grande salle
Arts vivants Théâtre Publié le 08/02/2021
Devant le nouveau bassin, l’immense vaisseau de La Filature attend son heure. Arrivé en janvier 2020 pour diriger le théâtre, Benoît André met à profit le huis clos du confinement pour le conduire à rayonner sur la ville.

De l’ancienne filature il ne reste que le nom… et l’énergie. C’est que, là où une usine s’activa pendant un siècle pour fournir en fil de coton l’industrie textile florissante de Mulhouse, a émergé un immense bâtiment conçu pour accueillir deux salles de spectacle, dont une pouvant accueillir les représentations de l’Opéra national du Rhin, une salle de cinéma d’art et essai, une médiathèque, une salle d’exposition, un restaurant. Si ce dernier ne fut pas achevé, théâtres, cinéma et médiathèque accueillent le public depuis 1993.

Aujourd’hui, alors que Benoit André dirige la Scène nationale en pleine pandémie de Covid, seule la médiathèque de la Filature est autorisée à ouvrir. Annulations et tentatives de reports rythment le quotidien de l’équipe, et les responsables de la billetterie ont appris à faire jongler réservations et remboursements. L’immense atrium de la Filature est désert et, depuis l’élégante mezzanine qui le surplombe, les baies vitrées plongent sur le bassin miroitant, les fauteuils sont vides, les discussions autour du bar se sont tues. Malgré tout, les projets fusent et ils sont soutenus. C’est ce qui étonne Benoit André qui, venu de Lyon, passé par la Normandie, est surpris de l’intérêt manifesté par les collectivités envers la Filature. « Nous avons des réunions régulières avec le service architecture de la Ville, qui vient régulièrement inspecter le lieu. Le suivi des travaux est fait d’une manière très précise. Par exemple, il a été noté qu’il faudrait changer les fauteuils de la grande salle qui commencent à être abimés après 27 ans. Deux semaines plus tard, la Ville nous informe que dans le cadre du plan de relance, elle finance le remplacement, qui sera effectué cet été ». Cette architecture, réalisée par Claude Vasconi, est le plus gros établissement public de Mulhouse. Sa dimension est exceptionnelle dans le paysage des théâtres français et fait la fierté des élus.

 

« Quand je suis arrivé en janvier 2020, se souvient le directeur, l’adjoint à la culture me disait que l’objectif était de ramener la Filature en première division, il m’a parlé d’ambition, d’exigence. Les autres tutelles avec lesquelles j’ai pu dialoguer me parlaient plutôt d’élitisme. Ici elles ont compris qu’un établissement comme celui-là tire vers le haut et pour autant sait garder des racines sur le territoire, respecter les publics. C’est un moteur très important. » L’autre particularité du lieu est qu’il bénéficie de la forte synergie entre les villes de Strasbourg, Colmar et Mulhouse. Le syndicat intercommunal a permis de mutualiser les outils. Ainsi, si le plateau de la grande salle de la Filature a des dimensions extraordinaires, de 30 mètres sur 30, c’est pour accueillir les représentations de l’opéra.

Faire venir le public au théâtre n'est pas chose facile. De nombreuses personnes s'en sentent exclues, d'autres pensent ne pas en avoir les moyens. À l’époque du textile, Mulhouse était considérée comme « la petite Manchester ». C’était une des villes les plus riches d’Europe. « Les riches sont restés riches, les plus grosses fortunes sont restées concentrées, par contre la crise du textile a accru l’appauvrissement des populations ouvrières » constate Benoît André. Une classe moyenne s’est installée en périphérie, et c’est au devant de la ville dans son ensemble que la Filature veut aller. Le projet de l'équipe est de l’animer d’un parcours de spectacles pour que théâtre et population fassent connaissance. Simplement.

Le numérique a lui changé la donne de la diffusion de la culture, fournissant une manne imprévue de spectateurs internautes. Ce fut le cas pour Les Vagamondes, festival de danse, théâtre et musique qu'organise La Filature, a dû s’adapter pour exister malgré la fermeture prolongée des salles en janvier. Le programme a été diffusé jusqu'au 31 janvier sur le site de La Filature, sur le site lalsace.fr et sur la chaine YouTube de Szenik. Il a été également retransmis sur les chaînes et sites web du Réseau des Télévisions du Grand Est. Captations de spectacles, tables rondes et rencontres ont été largement suivies en ligne, et pas seulement par les habitués du théâtre. Avec plus de 20 000 vues, ce succès numérique est vécu comme un signal encourageant pour l'équipe. Il aura sans doute une répercussion prochaine sur la programmation de la Filature et son modus vivendi. À suivre.

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