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Les pratiques culturelles en 2020 : un bilan inattendu

par Véronique Giraud
Signée Anne Jonchery et Philippe Lombardo pour le ministère de la Culture, une étude fait le bilan des Pratiques culturelles en temps de confinement. ©RivaudNAJA
Signée Anne Jonchery et Philippe Lombardo pour le ministère de la Culture, une étude fait le bilan des Pratiques culturelles en temps de confinement. ©RivaudNAJA
Hors-Champs Société Publié le 26/02/2021
Une enquête inédite réalisée pour le ministère de la Culture montre que les confinements et autres couvre-feux ont accentué les pratiques culturelles des Français, réduit les écarts sociaux et attiré les jeunes, malgré des arts vivants sinistrés.

S’il est encore tôt pour dessiner les futures tendances des pratiques culturelles en France après l’époque de la Covid-19, les bilans commencent à se faire pour l’année 2020. On connaît déjà le résultat pour le cinéma, grâce au travail du Centre national du cinéma (CNC). Outre la mutation qu’ont opéré les producteurs vers les plateformes numériques au détriment des salles obscures, ces dernières ont accusé le rude coup de 162 jours de fermeture et de 204 jours d’ouverture sans blockbusters à mettre à l’affiche. Bien que plus de 2000 établissements aient rouvert fin juin. Alors que ces dernières années, le public revenait dans les salles, permettant de dépasser le chiffre record de 200 millions d’entrées, l’année Covid a fait brusquement redescendre de l’échelle : 70% de fréquentation en moins avec seulement 65,1 millions d’entrées. Triste consolation pour l’ego national, les films français ont pour la première fois depuis longtemps attiré plus de monde que les films américains.

 

Une enquête inédite. Une autre étude, intéressante pour la culture, apporte des données significatives grâce aux questions posées par le Crédoc à 3 000 Français âgés de plus de 15 ans sur leurs conditions de vie en 2020. Signée Anne Jonchery et Philippe Lombardo pour le ministère de la Culture, elle fait le bilan des Pratiques culturelles en temps de confinement en comparant les réponses apportées au Crédoc et l’enquête décennale sur les pratiques culturelles réalisée en 2018.

Des conclusions relativement inattendues. La première, en partie étonnante, est que « les Français ont profité de cet épisode pour s’adonner aux pratiques culturelles en amateur ». Nos compatriotes sont 10% de plus à s’être adonnés pendant les confinements et couvre-feux successifs à une activité scientifique ou technique telle que l’astronomie ou les recherches historiques (soit 17% de la population). Pour la musique, la danse, les arts graphiques, le montage audio ou vidéo, c’est 6% de plus, soit une fourchette comprise entre 13% de la population pour la danse et 20% pour le dessin.

 

Les écarts sociaux réduits. La féminisation des pratiques artistiques s’est poursuivie avec une augmentation nette pour les arts graphiques. Les hommes ont toutefois rattrapé en partie leur retard sur les femmes dans la pratique de la danse et de l’écriture, alors que ces dernières ont rattrapé les hommes dans la pratique d’un instrument de musique.

Autre révélation, et non des moindres, les écarts sociaux se sont resserrés. Et d’une manière radicale selon les secteurs. Ainsi les pratiques artistiques en amateur touchaient deux fois plus de cadres que d’ouvriers en 2018. En 2020, c’est l’égalité entre les deux catégories sociales. Une tendance inattendue qui s’explique autant par une baisse des pratiques des cadres que par une hausse des pratiques ouvrières, qui a rajeuni les pratiquants et réduit les écarts sociaux. « D’une façon générale, les consommations culturelles ont progressé et sont mieux réparties parmi les différents groupes, à l’exception toutefois de l’écoute de musique et de la presse écrite » notent les auteurs de l’étude. Sans surprise cette fois, les hausses constatées sont d’autant plus importantes chez les salariés en télétravail ou en chômage partiel.

 

Les jeunes en demande. Les jeunes n’ont pas été en reste. La musique les a particulièrement attirés, avec une hausse de 19% chez les 15-24 ans, de 16% chez les 25-39 ans. Même chose pour le dessin, la peinture et la sculpture avec des hausses respectives de 13% et 17%.

La mise sur le marché de logiciels simples d’usage a fait un tabac chez les jeunes passionnés de montage. Un tiers des 15-24 ans s’y adonnent, 14% de plus qu’en 2018. Cette dernière tendance ne semble pas conjoncturelle. Elle s’inscrit dans un engouement fort pour les pratiques numériques que l'on retrouve également pour le cinéma et les réseaux sociaux. Elles touchent de nouveaux publics, particulièrement les seniors. « Déjà engagés dans la participation culturelle physique, ils ont profité du confinement pour s’approprier les ressources culturelles numériques (musées et spectacles en ligne) » rapportent les auteurs.

C’est dire si les acteurs du monde de la culture ont raison de s’émouvoir des coups multiples qu’a connu la création artistique en 2020. « Paradoxalement, alors que le confinement printanier a contribué au creusement des inégalités sociales et économiques dans de nombreux domaines, les pratiques culturelles apparaissent à l’inverse moins clivées, et certains écarts sociaux et générationnels se réduisent même pour nombre d’entre elles » concluent Anne Jonchery et Philippe Lombardo. Les artistes ne leur donneront pas tort qui tirent la sonnette d’alarme pour 2021.

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