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Marc Fouilland : « Faire connaître le cirque contemporain au grand public »

par Véronique Giraud
Marc Fouilland, directeur de CIRCA, Pôle national cirque d'Auch. DR
Marc Fouilland, directeur de CIRCA, Pôle national cirque d'Auch. DR
Arts vivants Cirque Publié le 24/10/2018
Le festival CIRCA Auch montre chaque année les multiples facettes du cirque actuel, international et créateur de nouveaux modèles hors moule. Cet art, né il y a seulement trente ans, qui manie l'instabilité et la prise de risque, s'invite au débat. Entretien avec Marc Fouilland, à la tête de CIRCA depuis vingt ans.

Le grand public a toujours en tête l'image du cirque traditionnel. Que manque-t-il au cirque contemporain pour être mieux connu ?

Ce qui lui manque ce sont des noms. Nous avons les talents, que ce soit Baro d’Evel, Jonathan Le Guillerm, Mathurin Voice, Chloé Moglia, mais ils ne sont pas connus du grand public. Le magnifique film Hors piste nous raconte la force du cirque, de ses artistes, leur intelligence. Notre difficulté aujourd’hui c’est de faire connaître tout cela au grand public.

 

Que faut-il faire ?

Nous sommes en train de réfléchir à une Nuit du cirque national, elle devrait apparaître le 15 novembre 2019. Nous y travaillons actuellement avec Territoire de cirque, nous travaillons aussi avec Cécile Provôt pour que, grâce au réseau CircusNext, l’année suivante elle soit organisée au niveau européen.

En mars 2019, la petite ville d’Auch accueillera le festival européen Fresh Circus, qui est passé trois fois à La Villette à Paris et une fois à Bruxelles. Avec 45 pays présents, cela démontre la force internationale du cirque. Ça se construit.

 

On a l’impression que ça ne se construit pas assez vite…

Oui. Toutefois le cirque n’a que trente ans, comme les premières écoles de cirque et de loisirs. Ce n’est rien. La force de la France c’est le cirque contemporain, c’est ce que l’Institut Français communique à l’international. Les Japonais en sont fous et viennent chaque année au festival. Ils traduisent même cirque actuel par « cirque français ».

En même temps, les difficultés du cirque traditionnel sont telles que le ministère de la culture vient de décider de financer ses trois grosses entreprises. C’est très bien, il ne faut pas les perdre, mais en regard des difficultés du cirque contemporain, nous sommes inquiets. Le problème du cirque traditionnel aujourd’hui ce sont les animaux, le mouvement national va dans ce sens.

 

Vous êtes à un endroit et à un moment passionnant dans l’histoire du cirque !

Bien sûr. Le secteur est passionnant parce que très jeune, encore en construction avec tous ses paradoxes et ses questionnements. À cet égard il est proche de la danse. En témoignent les artistes de cirque Phia Ménard, Aurélien Bory ou Raphaël Boitel, qui travaillent aussi avec l’opéra. Reste à trouver la juste structuration, sans rentrer dans les moules. Si on ne fait pas attention on va appliquer le modèle de la danse au cirque. La commission qui travaille sur le diplôme de professeur de cirque a tendance à reprendre ce qu’on applique aux professeurs de musique et de danse. Or on sait les difficultés économiques qu’a la danse, ne reproduisons pas la même chose ! Inversons les choses ! Regardons plutôt comment le cirque en est là.

 

Comment le festival forme-il le public jeune ?

En milieu rural, il n’y a pas forcément à proximité une programmation de cirque contemporain. Les jeunes qui pratiquent le cirque comme amateurs dans leur école ou dans un centre de loisir n'ont alors pas l'image de ce qu’est devenu le cirque aujourd’hui. En passant une semaine à Auch, il s’agit de leur montrer que le cirque c’est beaucoup de propositions, de formes.

 

Dans notre époque hyper sédentarisée, l’écart avec la virtuosité des corps des circassiens est plus grand que jamais, participe de l'exploit, et la prise de risque effraie…

En effet. L'an dernier lorsque nous avons organisé la traversée sur un fil de Tatiana-Mosiot Bongonga au-dessus de l’escalier monumental d'Auch, sans être sécurisée, avec le public en dessous, cela a provoqué un débat passionnant sur la société et la prise de risque. Cela parle tellement de notre société du risque zéro, où il faut tout protéger…

 

Le cirque est en effet un art libre par excellence, qui va à l’encontre de la notion de sécurité. C’est sa dimension politique ?

Les artistes de cirque ne cherchent pas à imposer un modèle à la société, ils cherchent à avoir leur modèle à eux. Les collectifs qui se créent savent très bien qu’ils ne vont pas changer le monde, que c’est difficile, que le collectif ne tiendra pas peut-être pas jusqu’à la fin de leur vie. Et à la fois, ils sont jeunes, ils se disent si on peut trouver une autre façon de travailler entre nous, changer le rapport au pouvoir, allons-y. Par essence, CIRCA est une institution, l’artiste de cirque est forcément contre, il cherche d’autres modèles. On est sans arrêt sur ces frictions-là. Nous avons des contraintes économiques et d'autres, mais il est important que des gens soient là-dessus. On ne peut pas tout enfermer.

 

Cette envie de liberté est en chacun de nous depuis l’enfance mais on l’exprime peu en devenant adulte.

Oui, et c’est ce que nous renvoie l'artiste de cirque. Pour les jeunes, qu’ils soient dans le cirque ou non, l’image de l’adulte que leur renvoie l'artiste de cirque est intéressante. Vivant dans une caravane, bougeant partout, racontant pourquoi il fait ça, son engagement. Il tombe, se réjouit que rien n’est stable. Quand on dit à un jeune que la vie est une instabilité permanente, c’est plus rassurant que si on lui dit attention, il faut que tu restes debout et que tout s’écroule autour de toi, c’est comme ça que tu es fort. Dans le cirque, ce qui est fort c’est de trouver une instabilité.

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