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« Morgane Poulette », songe d’une vie la nuit

par Véronique Giraud
"Morgane Poulette", magnifiquement incarnée par la comédienne Pearl Manifold © Lucdanslaboite
Arts vivants Performance Publié le 21/07/2019
Les mots de Thibault Fayner, mis en scène par Anne Monfort, font surgir d'un rêve Pearl Manifold, magnifique Morgane Poulette.

La pièce réunit deux textes de Thibault Fayner, Le Camp des Malheureux et La Londonienne. L'un n'est pas la suite de l'autre mais tous deux sont inspirés par la figure de Morgane Poulette, une chanteuse junkie, amoureuse de Thomas Bernet, un acteur de séries à succès, puis trainant le chagrin de la mort de ce dernier dans un Londres mouillé.

Anne Monfort a vu dans le portrait de la jeune femme matières à mettre en scène le retour sur la ville européenne des années 70, sa musique, ses amours, ses chagrins, ses drogues qui propulsent jusqu’à l'oubli de soi et du monde. Des deux textes que l’auteur a écrits la nuit, alors veilleur dans un hôtel parisien, la metteure en scène a composé sa propre variation, Morgane Poulette, que sa rencontre avec Pearl Manifold a rendu évidente.

Pas de doute, l’actrice colle à la peau de l’héroïne de Thomas Bernet, Pearl est Morgane. Blonde au regard transparent, vêtue d’un jean et d’un blouson noirs, elle vit le long monologue de sa vie, de ses nuits urbaines, ses échappées et ses retours, ses chansons composées au rythme du bus de nuit londonien, son amour pour Thomas Bernet, le soutien de ce dernier qui, après qu’elle ait disparu sans crier gare, n’hésita pas à tout plaquer pour la sauver des bas-fonds où la mène son addiction, ce que ses amis disaient, la musique, son chagrin, sa colère d'un monde perdu, son envie de tout recommencer avec un autre homme.

Autant d’états d’âme qui habitent la formidable comédienne, debout dans la nuit brumeuse, isolée sur une toute petite île. De son beau timbre de voix, acclimaté au français comme à l’anglais, s’échappent les bribes d'une époque et de son histoire, heureux et douloureux, entre fougue et innocence, entre peur et espérance, entre colère et promesses. S’adressant à elle-même, Morgane Poulette se dit tu. Ce tutoiement intrigue, puis aide le public à pénétrer dans ce qui est suggéré comme un espace mental, à se faufiler dans un songe dont Morgane Poulette est l’héroïne.

La scénographie et la lumière font œuvre de révélateurs du songe. Tour à tour esquissant une silhouette dans la brume, encadrant violemment le visage pour mieux faire entendre les mots, créant le double du corps endormi qui se reflète dans l’eau miroir. Le corps englouti sous l’eau près d’un bouquet de fleurs fait naître un instant de pure poésie, tandis que la colère est sublimée à coups de poings lancés dans l’eau faisant jaillir des giclées de gouttelettes brillantes de lumière.

 

Morgane Poulette, texte Thibault Fayner, mise en scène Anne Monfort, avec Pearl Manifold et la voix de Jean-Baptiste Verquin. Du 5 au 24 juillet au Château de Saint-Chamand, départ à La Manufacture, 2 rue des Écoles, dans le cadre de Avignon Off.

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